N’avez-vous jamais eu cette envie de rester cloîtré dans votre chambre de peur de ce qui puisse s’y trouver dehors ou au contraire, vous sentir si bien que vous pensiez toucher la lune ? C’est de ce tumulte au sein d’une colocation que naît l’histoire de Jean (Édouard Sulpice) et Alex (Abraham Wapler) : l’un, est anxieux et apathique, tandis que l’autre cherche à éviter la réflexion pour agir rapidement. Leur quotidien est perturbé lorsque Alex, accompagné de son amie Lou (Mélodie Adda) invite Jean et son amie Caroline (Mathilde Weil) à sortir de leur caverne pour pouvoir se confronter à une vie plus rapide. C’est de ce concept que Paul Rigoux nous signe son premier film produit avec l’aide du GREC, et qui marque sa première apparition aux César 2024 pour un film bourré d’humour et d’anxiété.
Des rires, de toute cette anxiété sociale dont Rapide traite voilà de quoi il en ressort, voilà ce qui nous reste de ce film. Un film qui se révèle comme une envie de la part de son réalisateur Paul Rigoux de jouer avec les codes de la comédie et de le mettre dans un contexte générationnel ou le stress est omniprésent. En racontant l’histoire de Jean et de sa confrontation forcée avec d’autres philosophies, le film explore une comédie qui découle de la dichotomie établie en préambule entre la lenteur et la rapidité, entre la réflexion et l’action. Tout cela peut sembler très théorique, mais est finalement traité avant tout comme pure interaction de comédie et comme une opportunité de voir toute la panoplie d’un casting merveilleux.
Le film tire ainsi sa drôlerie dans un premier temps de ses personnages et de ses acteurs qui les incarnent, Édouard Sulpice en tête de liste. Le jeune acteur qu’on a pu voir officier chez Guillaume Brac avec A l’abordage et François Ozon avec Mon Crime nous livre une composition hilarante. Une prestation qui va puiser dans un slapstick à la manière de Jerry Lewis, Tout en empruntant, dans ses mimiques, aux classiques de la comédie française des années 60-70. Pourtant, c’est avant tout la dynamique entre tous ces personnages qui fait le sel de ce film et de cette comédie. Cette alchimie qui est en partie due à la simplicité de la mise en scène qui laisse beaucoup, parfois trop de place aux acteurs et aux dialogues. Le film est ainsi rythmé par ces personnages lents et rapides qui confrontent leurs perceptions le temps d’une discussion.
En somme, le film tire sa réussite de cette comédie de l’anxiété qui nous fait penser à un humour juif et psychanalytique que pouvez utiliser un certain Woody Allen dans Manhattan et Annie Hall ou encore plus récemment Larry David avec Curb your enthusiasm. De même, en abordant le sujet de la santé mentale, le film se réapproprie les codes du teen movie. Et ceci à travers la rencontre amoureuse et le parcours initiatique accolé au personnage de Jean qui essaye de trouver sa place dans un monde qui va trop vite. Une rencontre amoureuse présentée comme la libération d’un personnage emprisonné par ses propres peurs, attiré vers une philosophie qu’il pensait hors de lui.
Cependant, malgré cette réussite formelle, le film atteint sa limite dans la simplicité de son approche narrative. Avec entrain, le film déploie tout un cinéma de la bande de potes, mais de par sa linéarité et son côté théâtral, le film trébuche à certains moments quand il s’agit de dépasser son dispositif de mise en scène qui laisse parfois trop de place à ses acteurs. Ainsi, au fil de son déroulement, le film met en exergue une certaine légèreté quelque peu futile mais toutefois agréable, surtout à travers le traitement précédemment évoqué de la rencontre amoureuse et de la santé mentale. Une limite que l’on met facilement de côté à quel point le film traite avec habileté et humour des sujets aussi contemporains
En soit, Rapide émerge comme un film qui arrive au bon moment, une œuvre générationnelle qui place au cœur de son intrigue un comique de situation porté par un casting prometteur. Au même titre que son réalisateur Paul Rigoux, qui se profile comme un véritable espoir de la comédie française au cinéma.
Article associé : l’interview du réalisateur