Ma famille afghane, premier long métrage d’animation de Michaela Pavlátová, est une adaptation du roman de la reporter de guerre Petra Prochazkova, intitulé « Freshta ». Récompensé du prix du jury au festival d’Annecy 2021, le film de Michaela Pavlátová se centre sur la condition féminine dans un Afghanistan tout juste libéré du régime taliban à l’aube des années 2000. Edité par Diaphana, il est disponible en DVD. Nous vous en offrons 3 exemplaires (écrivez-nous !)
C’est l’histoire de Herra, une jeune étudiante tchèque qui ne trouve pas sa place dans la société occidentale, perdue face aux innombrables possibilités d’avenir que lui offre sa liberté. Aussi étrange que cela puisse paraître, elle trouve un réconfort dans la simplicité rudimentaire de la société afghane soumise à la loi islamique : « tout est plus simple ici. Un mari, une religion, un pays ».
Herra part par amour, elle suit Nazir qu’elle a rencontré sur les bancs de la fac et va vivre avec lui chez sa famille en Afghanistan. Dans ce nouveau pays, on lui fait comprendre qu’elle doit toujours se placer derrière l’homme et que son premier devoir est d’être obéissante. Le personnage d’Herra cherche à comprendre la culture de l’autre, elle épluche ce monde dont elle n’a pas les codes sans pour autant le soumettre au jugement. Son regard porte avant tout une dimension anthropologique. On comprend que Michaela Pavlátová cherche à sortir de la caricature et place la nuance et le questionnement au cœur de son propos.
De cette recherche découle le couple de Herra et Nazir. Leur complicité évidente est sans cesse mise à l’épreuve par leurs différences culturelles. Nazir est un « homme évolué »; il laisse sa femme travailler, ne la répudie pas alors qu’elle ne peut pas faire d’enfants, mais il est profondément offensé quand sa femme reste seule dans une voiture avec un inconnu. La dualité de ces comportements nous dit tout le poids de la culture sur l’individu qui ne sort jamais vraiment de la norme qu’il connaît.
Ma famille afghane se démarque par une véritable vision cinématographique, comme en témoigne l’introduction qui fait coulisser les plans de la mariée qu’on prépare entre différents rideaux. Des surcadrages sont utilisés pour souligner le cloisonnement des personnages dans la maison, et signifier l’aspect à la fois rassurant et étouffant de cet espace privé.
Ce qui est particulièrement appréciable dans ce film, c’est que le dessin à part entière est aussi mis à l’honneur, avec un travail des textures et des couleurs. Le travail d’animation donne vie aux personnages, dont on oublie tout à fait la fictionnalité, et nous arrache quelques larmes au passage.
On retrouve dans la narration le même sens du rythme dont avait déjà fait preuve Michaela Pavlátová dans son court métrage Tram, repéré à la Quinzaine des Réalisateurs, qui exploite le quotidien monotone d’une conductrice de tramway pour faire éclore un spectacle burlesque où le personnage exprime une sexualité débridée sans complexes.
Avec Ma famille afghane, Michaela Pavlátová s’intéresse à nouveau à une trajectoire féminine, de manière beaucoup plus grave mais sans jamais tomber dans le pathétique. Il ne nous reste qu’à attendre avec impatience le prochain projet de la réalisatrice, assez riche de style et de ton pour toujours nous surprendre de court en long.
Anouk Ait Ouadda
Ma famille afghane de Michaela Pavlátová : Film et bonus : présentation du film par la réalisatrice, bande-annonce et court-métrage : Tram. Edition : Diaphana