Du 6 au 11 novembre dernier à Brest, se tenait la 33ème édition du Festival européen du Film Court. Avec 30.000 entrées et près de 200 professionnels accrédités, la ville bretonne comptait encore cette année parmi les plus importants festivals de courts-métrages en Europe.
À chaque édition, son lot d’incontournables : les compétitions européennes, françaises, Made in Breizh ou encore ovni. Et, d’une année sur l’autre, quelques nouveautés venues étoffer les festivités. C’était le cas pour cette édition, du rapport étroit entre musique et cinéma, mis à l’honneur au travers d’une projection, de rencontres avec les compositeurs et d’un Prix de la meilleure musique originale. Format Court est allé y faire un tour. Au programme, des bonnes surprises, des moins bonnes, des déjà vu, des piscines, quelques zombies et de la pluie évidemment !
Avec 38 films en provenance de 20 pays, l’Europe était une nouvelle fois bien représentée. À côté des habituelles Belgique, Allemagne et Grande-Bretagne, les jeunes cousins : la Serbie (dont le film Sretan Put de Sinisa Galic est reparti avec le prix du jury jeune), la Pologne, Chypre ou Malte donnaient le change. Les 7 compétitions européennes ont donné lieu à un panorama riche et subjectif de la création européenne d’aujourd’hui. Si les propositions – drôles, décalées ou engagées – ne se valaient pas toutes, certains films n’ont pas manqué de nous enthousiasmer. Du côté des réalisations primées, voici les trois films qui ont retenu notre attention.
C’est avec plaisir que l’on a retrouvé le premier court-métrage de la comédienne Tiphaine Raffier, La Chanson, adapté de sa troisième pièce de théâtre, dont vous pouvez retrouver la critique et l’interview de la réalisatrice sur le site de Format Court. Le film qui se déroule dans l’environnement étrange de Val d’Europe met en scène trois amies d’enfance qui rêvent de gagner un concours de sosies ensemble mais dont l’une, Pauline, se désolidarise pour écrire en solo. Pour sa première réalisation au cinéma, Tiphaine Raffier s’est amusée à déconstruire la ville dans laquelle elle a vécu les premières 20 années de sa vie. Une ville, copie artificielle du patrimoine architectural européen, entièrement pensée et conçue par l’homme, qu’elle a quitté pour mieux la raconter. Elle a choisi de suivre Pauline, le personnage principal, dans son parcours vers l’émancipation du groupe et de la norme. Si l’on se moque d’abord un peu de cette jeune femme différente, on sourit aussi parce qu’elle est touchante cette fille, avec ses paroles de chansons pour le moins habituelles qui décrivent le fonctionnement d’objets manufacturés. Et puis, très vite, on perçoit la portée philosophique du film. Dans La Chanson, Tiphaine Raffier raconte la difficulté d’être singulière dans un univers où tout n’est qu’immitation et celle de partager ses rêves avec ses meilleures amies. Le film marque pas sa forme, l’absence de linéarité et l’intégration d’images documentaires.
Le court-métrage, avait déjà fait l’objet d’une sélection à la Quinzaine des Réalisateurs cette année, il a également convaincu le jury brestois en emportant le Grand Prix du Film court de la ville de Brest. Nous, on attend la prochaine réalisation de Tiphaine Raffier…
La technique qui consiste, dans les rayonnages de supermarchés, à placer les produits les plus frais derrière les plus avancés a un nom : le « first in first out » ou FIFO. C’est aussi celui du film de Sacha Ferbus et Jérémy Puffet qui montre un employé de supermarché, Stéfan, tiraillé entre ses obligations professionnelles et sa difficulté à détruire les produits bientôt périmés sous les yeux des personnes qui pourraient les consommer. Mais sa supérieure est intraitable : les produits dont la date de consommation arrive à expiration doivent être détruits à grands coups de Javel. Dans le parking glauque d’un supermarché, le spectateur, comme Stéfan, se confronte à cette triste réalité terriblement actuelle. Le film convainc par son image presque documentaire et sa critique, sans véhémence, de la société de consommation dans laquelle nous vivons et de ses absurdités. La réalisation étudiante (produite par l’IAD en Belgique) avait déjà été récompensée par le Prix Arte du Jury professionnel lors du concours de fiction organisé par le magazine Court-circuit d’ARTE. À Brest, elle est repartie avec le prix spécial du jury et c’est mérité !
Venerman, le premier court-métrage de l’acteur césarisé Swann Arlaud, est une histoire de famille! Co-réalisé avec sa mère Tatiana Vialle, il raconte le passage à l’âge adulte un peu particulier de son frère, Tobias Nuytten, qui joue son propre rôle dans le film. Charles, Tobias Nuytten donc, a 18 ans et vit dans une campagne tranquille en rêvant d’être noir et de vivre en ville. Il fait du rap et son fantasme a un nom : Black Charles, son double qui l’accompagne partout, y compris dans cette journée où il décide sur un coup de tête de rompre avec son quotidien pour rejoindre son frère aîné à Paris, dans l’espoir d’une nouvelle vie. Il y a du rythme et du rap dans ce film pour exprimer une crise universelle, celle du passage vers l’âge adulte avec son corollaire, la résignation et le désenchantement. Une belle entrée dans le monde de la réalisation pour Swann Arlaud puisque le film est reparti avec le prix du public de la compétition française. À quand la version longue?