Au Festival du film d’étudiant de Tel Aviv, on a pu voir « The Principle of Grace » de Maya Kessel. Une introspection sensible sur le quotidien d’une infirmière à domicile travaillant pour le compte de la Sécurité sociale.
Lauréat du Prix Keren Gesher du meilleur film d’étudiant au Festival d’Haïfa, le court métrage de Maya Kessel porte en lui les cicatrices d’un monde figé hors du temps. Ce monde c’est celui de Rita, la quarantaine, mère de deux enfants, qui se rend chez des patients pour vérifier leurs capacités réelles et s’assurer ainsi qu’ils ne profitent pas des aides financières mis en place par la sécurité sociale. À ses côtés, une jeune stagiaire à laquelle elle explique les ficelles du métier, est confrontée à l’approche peu empathique de Rita. Plus méfiante que compréhensive, Rita est blasée par son métier et coincée dans une routine robotique se protégeant de toute expression émotionnelle. Mais lorsque qu’elle sonne chez Bella, une immigrée russe qui vient de perdre son mari, Rita est déstabilisée. C’est que cette femme désœuvrée, pour laquelle elle sert de traductrice, lui renvoie son propre chemin d’immigrée avec ses choix et son avenir incertain.
L’incertitude et l’angoisse de Rita se ressent dans chaque plan serré qui scrute son visage. Aucun plan d’ensemble n’est là pour nous rassurer sur les enjeux , les tenants et aboutissants du contexte socio-professionnel à travers lequel Rita évolue et tente de se construire. Car il s’agit bien de cela au final, de (re)construction, de voie à tracer, d’empreinte à laisser pour ceux qui nous suivent. Mais comment y arriver si, comme Rita, on coupe les liens qui nous unissent et on fait abstraction de la culture et de la langue qui forgent notre identité? Comment faire partie d’une société si en quelque sorte on se “déshumanise” pour correspondre à la norme, pour suivre les règles établies ?
Doté d’une réalisation fragile et délicate en harmonie avec son sujet et porté par une Maya Gasner (aperçue dans « Himnon » de Elad Keidan) admirable, « The Principle of Grace » traite des frontières poreuses que l’on bâtit entre le devoir et le désir, entre le besoin et l’envie. Maya Kessel, étudiante de la Sam Spiegel School a su habilement traiter d’amour, d’exil et de solitude à travers une histoire attachante.