Chasse royale ? À la base, un titre comme un autre, un premier film, un tournage entamé à la rentrée 2015, deux jeunes femmes (Lise Akoka et Romane Gueret) à la réalisation, l’aide d’une amie productrice (Marine Alaric, Les Films du Velvet), une cagnotte Ulule remplie par la famille, les copains et les anonymes.
À l’arrivée, un moyen-métrage formidable, puissant comme on les aime, ravivant l’amour qu’on porte pour le court, une véritable bouffée d’air dans le cinéma français, le genre de cadeau qu’on refuserait d’échanger ou de rendre, un moyen-métrage révélant deux jeunes réalisatrices très prometteuses, un film passionnant, beau, sauvage, repéré et primé par illy à la dernière Quinzaine des Réalisateurs, un court « waouh » qu’on n’est pas peu fier de projeter demain soir, à notre dernière Soirée Format Court de l’année, en présence de son équipe.
Point de départ. En faisant des repérages pour un casting de long-métrage dans le nord de la France, Lise Akoka et Romane Gueret font la connaissance de deux adolescents, un garçon (Corentin) et une fille (Ashley), fascinants, déroutants. Casting dans un collègue « Chasse Royale », logé dans un coin défavorisé de Valenciennes : impros, oubli de la caméra, fraîcheur, apprivoisement, spontanéité, … . Les deux filles sont conquises, mais leurs repérés refusent d’en être (Ashley) ou sont recalés (Corentin) par le réalisateur du long-métrage peu de temps avant le tournage prévu.
Frustrées, les deux jeunes femmes de la ville (Paris) s’interrogent sur leur place dans ces quartiers, sur l’espoir et la curiosité qu’elles ont suscités chez ces deux jeunes qui n’ont rien demandé (sans parler de tous ceux qu’elles ont rencontrés), sur les fantasmes liés au casting sauvage et aux projections entourant le mot « cinéma ». Elles refont un casting, ressentent une urgence de tourner, et tombent sur Angélique et Eddhy qui garderont leur prénom dans le film final, titré Chasse royale.
Angélique reprend le « rôle » d’Ashley, Eddhy, celui de Corentin. L’histoire du film, c’est celle d’Angélique, issue d’une famille nombreuse, choisie pour passer un casting, mais dont la carapace, la « rebelle attitude » et la peur de l’échec se heurtent à d’autres émotions et à Eddhy, son « petit frère » de cinéma, drôle, spontané, qui voit dans l’expérience nouvelle proposée à sa soeur une opportunité formidable d’accéder à la célébrité et d’aller à Paris (la capitale, là où il y a Jim Morrison, Maître Gims et la Tour Eiffel).
Le reste suit : l’écriture, l’envie de faire un film sur un instant, une expérience, un partage, deux identités, dans un endroit précis, la confrontation à l’inconnu, aux inconnus, le désir de mêler réel et fiction, d’évoquer le statut du cinéaste et son image, de brouiller les pistes, mais aussi de se représenter en tant qu’auteurs sans visages, vocalement ou de dos, à l’écran.
Akoka et Gueret ne lâchent rien dans leur film. Ça crie, ça hurle, ça (s’)insulte, ça se rebelle, ça chante, ça pleure, ça rêve, ça crâne, ça flippe, ça se soutient, ça grandit aussi. La réussite de ce film tient à une mise en scène extrêmement maîtrisée, à la palette d’émotions interprétées par ses jeunes comédiens sauvages, libres, féroces, vrais, à la beauté de ses cadres, à ses incursions musicales, à sa très belle fin et au cinéma joyeux, réaliste et pertinent proposé par ce nouveau duo de réalisatrices.
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Article associé : l’interview de Lise Akoka et Romane Gueret
Chasse royale est un magnifique hommage à cette jeunesse crue, vraie, sensible sous des apparences après et rudes.
Ces enfants sont magnifiques. Tellement ancrés au présent.
Tellement émouvants .
C’est un travail très sensible et juste qu’ont fait les deux réalisatrices .