« Les libertés ne se donnent pas, elles s’arrachent »
Au festival Millenium cette année, une place toute particulière était accordée à la jeunesse avec une compétition « Vision jeune » dans laquelle un jury composé de 30 jeunes issus de quatre coins de la Belgique, âgés de 15 à 25 ans a remis un Prix au long métrage « Armadillo » de Janus Metz, lors de la soirée de clôture du 11 avril dernier. Parmi les films sélectionnés, on retrouve aussi deux courts et deux moyens métrages traitant différemment de la nécessité d’acquérir une liberté individuelle et/ou collective.
Depuis la nuit des temps, le concept de liberté s’apparente à l’âme humaine. Et si comme le dit le proverbe, « la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres », encore faut-il qu’il y ait liberté. Ismail Elmokaden et Zahra Mackaoui ont réalisé « Democracy Camp », un film présentant une jeunesse arabe qui tente de s’approprier des moyens menant à l’affirmation de soi. Dans le sillage des révolutions arabes, 60 jeunes adolescents originaires d’Egypte, du Yémen, de Tunisie ou encore de Cisjordanie ont décidé de participer à un camp d’été dans un hôtel 4 étoiles, situé en bord de mer. Le but y est d’utiliser diverses techniques qui permettent l’expression de soi (théâtre, multimédia, sport…).
Les images du lieu évoquant davantage le Club Med contrastent grandement avec celles récoltées par les médias dans les rues de Tunis et du Caire, six mois plus tôt. Qu’à cela ne tienne, la caméra observatrice des réalisateurs suit Moustafa, Rahma, Hamza et Anmar dans leur volonté de s’affranchir des règles du camp qu’ils considèrent trop strictes. Leur révolution, loin d’être facile à mettre en place, aura des conséquences profondes sur leur façon d’appréhender le monde, une fois rentrés chez eux. Malgré sa réalisation parfois confuse et sa mise en scène quelque peu chaotique, à l’image même de toute révolution finalement, « Democracy Camp » a le mérite de mettre en lumière les influences d’une réalité historique sur une jeunesse arabe avide de démocratie.
Dans la continuité des révolutions arabes, « Le Printemps d’Hana » suit une activiste égyptienne dans les rues du Caire. Hana, 18 ans, a été fort interpellée par les bouleversements qui ont suivi la chute de Hosni Moubarak en janvier 2011; mais pour elle, cela ne suffit pas, la révolution doit continuer jusqu’à ce que la voix du peuple se fasse vraiment entendre, jusqu’à ce que la démocratie arrive réellement au gouvernement. Dans sa quête de justice, la jeune Egyptienne participe à des manifestations, crée un journal avec des amis visant à offrir un espace où chacun est libre de s’exprimer et de donner son avis. Loin des clichés habituels sur les jeunes, le film de Sophie Zarifian et de Simon Desjobert montre au contraire une jeunesse qui en veut, qui n’hésite pas à descendre dans la rue pour revendiquer ses droits. Un peu plus convaincant que d’autres reportages sur le sujet, « Le Printemps d’Hana » montre, à travers les yeux d’une jeune fille révolutionnaire, une société égyptienne complexe, une société post-Moubarack qui se retrouve face à ses contradictions et qui aspire au changement.
S’il est des combats collectifs, il en est d’autres plus individuels. C’est le cas de celui de Manel qui, à 23 ans, désire se libérer de son voile et tente de trouver sa place de femme dans une Algérie à l’héritage culturel et religieux importants. La féminité et ses multiples aspects sont au cœur du film « Nous, dehors » de Bahia Nencheik-El-Fegouin et de Merieme Achour Bouakkaz. Les deux réalisatrices choisissent le mode de l’interview pour interroger cinq femmes qui abordent la question du voile avec beaucoup de franchise. Chaque histoire se ressemble et est en même temps fort différente. Toutes s’insurgent contre une société machiste et paternaliste qui confine la femme à un rôle subalterne. Elles soulèvent les contradictions liées au port du hijab. Mal vues, dépréciées, celles qui le retirent subissent chaque jour l’incompréhension et le manque de respect. Mettant l’accent sur l’exclusion de ces femmes -le titre est là pour nous le rappeler- le film montre comment elles veulent coûte que coûte faire partie intégrante de la société tout en affirmant une émancipation bien légitime. Paradoxalement, à la colère des protagonistes répond le silence des hommes. Les réalisatrices ont délibérément choisi de ne pas leur donner la parole. Un choix parfois dérangeant tant il aurait été judicieux de voir la réaction masculine sur la question.
Nominé aux Goyas dans la catégorie meilleur court métrage documentaire, « La Alfombra roja » (Le tapis rouge) de Manuel Fernández et Iosu López ne traite pas de liberté au sens idéologique ou religieux mais l’aborde par le biais d’un rêve d’enfant. Rubina a 12 ans et a grandi dans le bidonville de Garib Nagar (ville pauvre), dans le quartier de Bandra à Mumbai. Elle rêve de devenir actrice. La vie à Garib Nagar est tout ce qu’elle a connu. En face caméra, elle décrit le quotidien au bidonville faisant écho aux images de Manuel Fernández. Trop court et sans grande originalité, le film tire son unique intérêt de la personnalité de Rubina et du fait qu’en réalité, elle n’est autre que la fillette qui a joué dans « Slumdog Millionaire » de Danny Boyle. Ainsi, le monde des strass et paillettes d’une cérémonie des Oscars, vient se confronter brutalement à la réalité de Garib Nagar, sans nullement choquer Rubina qui assume clairement ses origines modestes.
Consultez les fiches techniques de « Democracy Camp », « Le Printemps d’Hana », « Nous, dehors » et « La Alfombra roja »