Retour à Jérusalem
L’appel du muezzin, le béton fracturé, une vue sur le dôme doré de la mosquée Al-Aqsa et nous voici à mi-chemin entre le « Bab-El-Oued » de Merzak Allouache et l’univers des milles et unes nuits.
Présenté aux Rencontres Henri Langlois, « A Letter from Jerusalem » de Mohammed Al Fateh et Abu Snenih est avant tout un documentaire s’appliquant à nous transmettre les sons et les images de la ville. Un événement anodin, digne d’un film de famille, un pique-nique, raconté par une petite fille, sert de fil conducteur à cette immersion au cœur de la vieille ville de Jérusalem.
Le portrait de cette famille est simple et le film nous en fait rencontrer tous ses membres comme autant d’instants volés. On sentirait presque l’odeur des plats partagés ensemble. Et puis, le récit bascule, devient politique tout en restant intime. Des photos arrêtent le mouvement. La contradiction de la proposition de départ, un pique-nique étrangement urbain, éclate pour ne laisser qu’une description de la douleur collective que l’on sentait poindre sans arriver à la comprendre.
Le toit de la maison est le dernier vestige de la demeure familiale, détruite par l’armée israélienne. Sans rancœur et avec beaucoup d’espoir, le film nous donne à partager le rêve de retour de cette famille. Une scène symbolique montre les filles de la famille redessiner le plan imaginaire d’un appartement en devenir. Tout le paradoxe de Jérusalem pour les Palestiniens se trouve dans cette scène : les lieux sont sous nos yeux depuis le début du film, ils sont l’espace filmique lui-même. Mais rien n’est visible. Entre espoir et droit au retour, palestinien cette fois-ci, se forme un lieu imaginaire que seul le cinéma documentaire lorgnant sur le cinéma-vérité pouvait décrire sans hargne ni déni.
Georges Coste