Une couleur en plus pour une esthétique affinée
Déjà en 2005, la réalisatrice d’origine portugaise Regina Pessoa avait ouvert la voie de son art avec « Histoire tragique avec fin heureuse ». Elle revient aujourd’hui avec un autre court métrage tout aussi personnel, au ton délicat et angoissant, « Kali le petit vampire », présenté à Vendôme et bientôt à Bruz et à Clermont-Ferrand.
Il est assez aisé de voir les similitudes qui existent entre les deux courts métrages de Regina Pessoa : l’utilisation exclusive de la voix-off par le personnage principal, le noir et blanc, le jeu sur les ombres et la lumière, le caractère distant au monde et aux autres du protagoniste central, un trait de crayon fin et précis… pour ne citer que les éléments les plus évidents. En deux films, la réalisatrice passe maître dans l’art de décrire une solitude douloureuse qui ne saurait être une fatalité. Ses personnages, par le biais de la voix off, proposent une mise à distance d’eux-mêmes et du monde qui les entoure. Un monde en noir et blanc, onirique et mystérieux, qui va à l’essentiel de par son minimalisme pictural; un monde violent et antipathique, peuplé d’êtres malveillants, d’objets animés et de chimères; un monde dans lequel les personnages de Regina Pessoa ont malgré tout décidé de (sur)vivre.
Au-delà des similitudes, il y a les différences. Et heureusement, me direz-vous, que l’on n’aborde pas une deuxième œuvre comme la première. En gardant une signature esthétique et narrative qui lui est propre, la réalisatrice affine ses choix pour « Kali le petit vampire ». La maîtrise du trait permet l’audace de la couleur en plus. Kali, en bon vampire qu’il est, ne peut exister dans un monde en noir et blanc : il y aura donc du rouge. Utilisé avec parcimonie, cette teinte chaude, à la fois synonyme de réconfort et violence, sera aussi bien le sang des hommes que les cœurs d’un jeu de carte. Loin d’apaiser les souffrances en colorant joyeusement le noir et blanc, le rouge accentue les problématiques liées à ce film. Il est autant question des peurs ancestrales (enfantines pour la plupart) que de la difficulté à se projeter dans un monde dirigé par les adultes. Kali n’est pas seulement un vampire, il est aussi un enfant qui se rêve comme les autres. Sa différence n’est qu’une métaphore habile qui cache la montagne des angoisses enfantines et des complexes adolescents. Kali est tous les gamins mal dans leur peau, tous les enfants terrifiés par la solitude, tous les êtres en marge. La fin de l’histoire se veut cependant heureuse, car, comme tous les contes qui débutent par « Once Upon a Time », Kali finira par trouver sa propre lumière (sa voix?), lui que tout(s) condamnai(en)t à l’obscurité.