Ticket to Anywhere
Toutes les femmes deviennent comme leur mère. Tel est leur drame. Les hommes ne le deviennent jamais. Tel est le leur. (Oscar Wilde, « l’Importance d’être constant »)
Sélectionné cette année au festival de Clermont-Ferrand et à celui de Rotterdam, « Betty Banned Sweets » a été programmé dans le Best of International au festival bruxellois. Premier film de la réalisatrice néo-zélandaise Michelle Savill, « Betty Banned Sweets » traite, de manière touchante, de l’incommunicabilité, de l’atavisme renié, et de divers usages de la farine.
Benjamin, un jeune homme désenchanté qui vit seul avec Betty, sa mère arthritique, éprouve le désir de quitter le milieu limité et gris qui l’entoure. Il se réfugie dans son art : des dioramas de paysages merveilleux créés dans des boîtes à chaussures fournies par une jeune vendeuse. A l’occasion de son vingt-troisième anniversaire, sa mère lui organise une petite fête, et la visite temporaire de sa sœur lui offre la possibilité de concrétiser son rêve : un voyage sans retour. Benjamin rate le rendez-vous, et retrouve la vie à laquelle il voulait tant échapper. Une situation à laquelle il finira par s’accommoder, car malgré la distance apparente entre sa mère et lui, ils ont en commun un côté obsessionnel, une résistance à la communication, et même une propension pour l’art. Leurs traits de personnalité se révèlent si proches que l’on ne peut s’empêcher de considérer le rendez-vous raté de Benjamin comme un acte manqué, puisque, comme l’indique le synopsis, « parfois les meilleures fêtes sont celles dont vous ne vouliez pas. »
« Betty Banned Sweets » livre un portrait réaliste et subtil des relations humaines tendues et stériles au sein de la famille. Marqué par un dialogue minimaliste et une facture sobre, voire prosaïque, le film de Michelle Savill entretient néanmoins une dimension poétique, à travers les mouvements « farinés » de Benjamin, et l’onirisme des boîtes à chaussures qui transportent le spectateur vers le monde intérieur des personnages. Quant au titre, il fait référence aux délices (friandises) interdites par Betty jusqu’au jour de l’anniversaire de Benjamin, où elles surabondent, symbolisant ainsi la fin de l’incommunicabilité entre mère et fils.