At The Formal d’Andrew Kavanagh

« La meglio gioventù »

Tel un insaisissable objet visuel, « At The Formal » d’Andrew Kavanagh venu droit d’Australie, atterrit dans nos circuits festivaliers où il commence à faire du bruit. Programmé lors du dernier Short Screens dans le cadre de la thématique Jeunesse, le film a également déniché le Prix du Meilleur film étranger à la dernière édition de Paris Courts Devant.

La caméra langoureuse de Kavanagh pénètre dans une fête de fin d’études en Australie. Intrusive au point de démasquer la mise en scène alors qu’il pourrait tout aussi bien s’agir d’un documentaire, elle embarque le spectateur dans un trip voyeuriste hypnotique, le berçant avec ses mouvements gondolants, son rythme au ralenti et son apparente continuité, à travers un long plan-séquence.

Loin d’être un exercice de style gratuit, ce parti pris permet de souligner la dissonance du sujet. D’emblée, un univers esthétisé et distancié s’établit, et la lenteur du montage contraste pleinement avec l’agitation à l’écran. La fête en elle-même a tous les ingrédients d’une soirée scolaire quelconque, à l’instar des formals britanniques ou des proms américaines : tenues de soirée, présence de quelques parents et professeurs en guise de chaperons, festin culinaire, profusion d’alcool, déchaînement vers la beuverie… Face à ces éléments pour le moins réalistes, l’on est pris au dépourvu par le basculement subit vers le fantasque lorsqu’un élève est cérémonieusement porté à l’autel, où un professeur sinistre l’égorge. Le sacrifice achevé, la fête peut continuer comme avant. Cette dimension absurde surgit relativement tôt dans la mise en scène : à quel point nous paraît-il tiré par les cheveux de voir des adolescents être égorgés et s’uriner les uns sur les autres en présence de leurs parents, compte tenu même de l’image qu’on a de la société anglo-saxonne ? Néanmoins, la question de la vraisemblance s’éclipse derrière l’essentiel, à savoir la métaphore des rites de passages de nos jours.

formal

L’originalité du film réside en effet dans la tentative de montrer ces rituels modernes à la manière des us anciens. Reconnaissons que la démarche de Kavanagh est bien plus subtile qu’une comparaison franche entre les fratboys américains lors des spring breaks et un reportage sur les animaux sauvages, une comparaison tout à fait valable malgré son côté premier degré. Ici, on est dans une suggestion plutôt que dans une démonstration ouverte du parallèle entre les pratiques ritualistes anciennes et les comportements codés et grégaires de la jouvence contemporaine. Derrière les grimaces et les gestes grossis des profs lascifs et les regards défiants des filles clopant face caméra, on devine le discours sardonique du cinéaste sur les coulisses de ce rituel et son autel sacrificiel, la gloire arbitraire et éphémère, le coût de cette célébrité pour les (mal)heureux élus, le revers de la médaille glamour. Autant de questions qui ont, un jour ou un autre, interpellé les enfants de l’ère post-90210 !

Adi Chesson

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