Une mère ravigote son fils, réajuste sa cravate, vérifie qu’il est bien peigné puis lui met un pince-nez avant de le pousser « dans le grand bain ». L’homme tombe alors dans une piscine, vêtu d’un élégant costume noir, se demandant un temps soit peu où il se trouve avant que la musique, telle une berceuse, le fasse se sentir plus à son aise. Tel est le début de « Deep End Dance », une fantaisie aux airs en apparence burlesques et surtout profondément poétiques, présentée dans la Rétrospective Danse du Festival Silhouette 2012.
L’homme s’agite, virevolte intensément : avec grâce, il enchaîne sous l’eau, des pas chassés, sauts carpés et autres arabesques pour attirer l’attention de sa mère toujours à la surface, qu’on aperçoit prévenante. Le fils se débat alors dans tous les sens, la mélodie au piano se veut plus s’intensifie jusqu’à ce que la mère plonge à la rescousse de son protégé. Elle porte un maillot rétro à fleurs avec un bonnet assorti, son enfant l’accueille à bras ouverts, comme s’il s’agissait de la plus merveilleuse femme au monde.
Place alors à un ballet aux sonorités mélangées de piano et de clarinette, toujours aussi douces et rassurantes. Nos héros danseurs se lâchent, se rattrapent, se collent, s’espacent… et le film se clôt sur l’image de la mère sauvant l’homme/l’enfant en le prenant par les cheveux, de manière à lui éviter la noyade.
La double résonance du titre – « Deep End Dance » – résume parfaitement ce petit bijou de cinéma : il renvoie, certes, à un ballet dans les profondeurs d’une piscine, mais aussi et surtout, à la dépendance entre une mère et son fils. Une question persiste pourtant : qui, de la mère ou du fils, est finalement le plus dépendant de l’autre ? Le fils tellement à l’aise dans son liquide amniotique ? Ou la mère qui intervient à chaque saut de biche de son fiston et le surprotège ?
Le film si poétique prend finalement un ton plus empreint, presque fatal : le lien maternel serait-il indestructible ? Aussi beau soit ce cordon, n’est-il pas un peu triste d’imaginer que la mère et le fils ne pourront jamais devenir indépendants l’un de l’autre ? Autant de questions que laisse en suspense l’Irlandais Conor Horgan, ancien photographe puis réalisateur de spots TV et de clips vidéo. Son film se situe d’ailleurs volontiers à la frontière, entre le clip et la pub, dont on imagine les conditions de tournage plutôt athlétiques (cf. making-of ci-dessus) malgré les conditions physiques belles et bien sportives des deux protagonistes, puisque l’un est chorégraphe de métier et l’autre, ancienne championne de natation synchronisée. Tous deux nous offrent six minutes en apnée tout simplement tourbillonantes.