Si la fiction roumaine a le vent en poupe, la qualité du cinéma d’animation reste en revanche bien modeste. Preuve en est la rétrospective accordée à Anima, en présence de Mihai Mitrica, le directeur du Festival Anim’est, qui, s’excusant à l’avance du niveau des films présentés, précisait qu’il n’y avait pas de réelle école d’animation dans son pays. On le regrette : une grande partie des films d’animation (le cas roumain n’est pas isolé) se limite à l’innovation graphique, à l’effet visuel, à l’anecdote formelle sans vraiment élaborer la narration. Au-delà de l’exercice de style, certains courts métrages de la sélection ne manquent ni d’esprit ni d’originalité.
Ariadné Fonala (Ariadne’s Thread) de Attila Bertóti
Et si le destin de cette naïve Ariane ne tenait qu’à un fil, et si Thésée n’était pas ce héros fort et indestructible et si le Minotaure était doté d’une intelligence humaine, la bête ne serait sans doute pas morte et le monde serait à réinventer… Dans des teintes jaune sombre monochromatiques et un dessin simple, animé de mouvements de caméra dynamiques, Attila Bertóti revisite le mythe de Thésée et du Minotaure avec un humour certain. Il s’amuse à réinterpréter la même histoire légendaire de trois points de vue différents, celui d’Ariane, l’amoureuse transie à l’entrée du labyrinthe, celui de Thésée, perdu dans la belle invention de Dédale, prêt à affronter le monstre et enfin celui du Minotaure, faisant le pied de grue en attendant le héros qui se fait très discret.
Immerse de Weareom
Deux minutes suffisent au collectif Weareom pour nous plonger dans les abysses d’un no man’s land abstrait. 20 000 lieues sous la mer du mystère flottent des machines inconnues et des sensations palpables d’angoisse viennent traverser le corps et l’esprit, immergés dans les ténèbres de l’inconscience. Ce très court est avant toute chose une expérience visuelle et auditive intéressantes à laquelle se greffe une chute amusante qui nous ramène à la surface de la réalité. Doté d’une réalisation maîtrisée et effervescente, « Immerse » semble tout droit sorti d’un cerveau dangereusement créatif.
Grand Café de Bogdan Mihăilescu
Sans doute le plus délicat de la série, « Grand café » propose un voyage poétique dans le temps. Un retour dans le passé pour retracer le destin d’Emile Reynaud, l’inventeur du Praxinoscope. Cet engin, breveté en 1877, donnait l’illusion du mouvement grâce à la création de dessins décomposés en 12 positions présentés de manière cyclique. En somme, si les frères Lumière sont les pères du documentaire, Méliès, celui de la fiction, nul doute que Reynaud est à l’origine du cinéma d’animation. Le film de Mihăilescu est une sorte d’hommage en ombre chinoise à celui qui, des heures passant, dessinait, coloriait, peignait des petites illustrations avec l’intention de transmettre, dans la salle obscure et attentive, toute la féérie de la pantomime lumineuse. Laissant derrière lui un parfum de nostalgie, le film reste fort contemporain dans sa manière de refléter la fragilité du travail des cinéastes d’animation, derniers vrais artisans de la profession que les nouvelles technologies viennent convoiter avec le risque de leur voler leur art.
How to Deal with Nonsense de Veronica Solomon
Difficile de décrire le film de Veronica Solomon tant il échappe joyeusement à la logique. Suggérant un rêve sous LSD, il présente un certain nombre de créatures abracadabrantes au milieu d’un océan imaginaire. Un banc de sapins verts traverse des eaux troubles pour se retrouver aux côtés de nuages vaporeux. Entre les deux, un arbre rose, géant (mais est-ce un arbre au fond ?) qu’escaladent d’heureux reptiles sisyphiens. Au sommet, un hamster solitaire se prend pour Elvis. Pèlerinage hallucinogène, « How to deal with nonsense » semble avoir tout dit en un titre évocateur. Solomon aime assembler des réalités n’ayant aucun lien entre elles provoquant des situations humoristiques totalement absurdes à l’image du théâtre d’un certain Ionesco.
Consuletez les fiches techniques de Ariadné Fonal, de Immerse, de Grand Café et de How to Deal with Nonsense.