Tours et détours
Dans son film de troisième année, « Margot » (Prix Jury Jeunes au Festival d’Annecy), Gerlando Infuso, étudiant à La Cambre, avait développé un récit autour d’un personnage partagé entre la folie et le froid. Un an a passé, une nouvelle idée a poussé, celle d’un artiste de cirque en proie au rejet et à la vieillesse. Avec « Milovan Circus », Gerlando Infuso renoue avec le sentiment de solitude, la poésie du sombre et l’animation en volume, éléments qui avaient contribué à la qualité de son court métrage précédent. Le film a séduit le Jury au dernier Festival Média 10-10, puisqu’il a obtenu le Prix de La Meilleure Bande Sonore, et le Prix de l’Image Numérique.
Nuit noire, rues désertes, rêves et cauchemars. Dans les cages et roulottes du Milovan Circus, on dort déjà, ou on est sur le point de mettre son pyjama, juste après s’être démaquillé ou avoir craché le feu une dernière fois. Le vent, lui, travaille encore : un souffle suffit à décoller une affiche et à en dévoiler une plus ancienne, celle d’une gloire passée, le Grand Iakov. Torse et pieds nus, celui-ci apparaît, vieilli et affaissé, dans le reflet du miroir fissuré de sa table de maquillage. En suivant le contour de ses rides, Iakov se met à se remémorer sa vie : son don pour la magie révélé pendant son enfance, ses débuts remarqués au cirque, sa célébrité croissante, ses sentiments naissants pour une collègue acrobate, son éviction de la piste au profit d’une “innommable créature”, et sa reconversion en mime de rue.
« Milovan Circus » est intéressant à plusieurs égards. Au niveau de la forme, Gerlando Infuso, interviewé après le Festival d’Annecy au sujet de « Margot », expliquait qu’après s’être essayé à plusieurs procédés, il s’était enfin trouvé avec l’animation en volume. « Milovan Circus » prouve qu’il a eu raison de poursuivre dans cette voie : ses marionnettes sont tout aussi vivantes, sombres et poétiques d’un film à l’autre. Avec une nuance : « Margot » se construit sur base d’une voix-off censée représenter le monologue intérieur et obsessionnel du personnage principal, tandis qu’aucun son, si ce n’est musical, ne sort de « Milovan Circus ». Les scènes en flash-back et le regard perdu et vide du héros déchu racontent l’intériorité, les mots et les épreuves. Confrontée au succès éphémère et à ses effets pervers (déconvenue de l’artiste, solitude, rejet, oubli, …), la marionnette Iakov rappelle avec une certaine émotion Calvero, ancienne vedette comique de music-hall interprétée par Chaplin dans « Limelight », (Les feux de la rampe). Un autre laissé-pour-compte de la réussite.
Article paru sur Cinergie.be
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