Iris a la quarantaine et elle mène une vie des plus admirables : elle habite un bel appartement parisien, son mari et elle forment l’archétype du Power Couple moderne et, par-dessus le marché, ses filles sont sages et brillantes. Seulement voilà, pour Iris, son exemplarité ne pallie pas à son besoin d’être désirable. C’est juste avant une réunion parents-profs (expéditive, sa fille a 17,8 de moyenne) qu’elle avoue à son amie qu’elle et son mari ne couchent plus ensemble. Une autre maman va lui faire une suggestion : prendre un amant. Il ne faut pas le lui dire deux fois.
Après Antoinette dans les Cévennes, Caroline Vignal nous invite avec Iris et les hommes (dont nous vous proposons plusieurs exemplaires DVD) à revisiter son univers drôlement féminin, en collaborant cette fois aussi avec la magique Laure Calamy. Ensemble, elles nous présentent Iris : un personnage certes loufoque mais avant tout attachant de par sa vulnérabilité tant sur son plan intérieur que dans sa façon d’être. Au départ, Iris dégage un manque de confiance en elle qui gêne presque le spectateur tant son sentiment de délaissement transparaît sur les traits d’une Laure Calamy décidément persuasive. Puis, alors qu’Iris se défait peu à peu du carcan familial traditionnel et entame des relations extra-conjugales via une application de rencontre, l’atmosphère s’adoucit.
On entre peu à peu dans un film à la forme onirique mais sobre. L’imaginaire d’Iris s’installe dans le réel de manière parfois drôle, parfois poétique, toujours inventive. C’est un film d’une grande sincérité que Vignal nous offre : il esquive l’ennui avec un rythme soutenu sans s’essouffler, et tire sa fraîcheur de son côté très “droit au but”. Iris fait l’expérience pour la première fois depuis longtemps d’un sentiment de libération sexuelle mais aussi spirituelle, et ne s’encombre d’aucun tabous. L’aspect scandaleux de l’adultère se mue en un intriguant questionnement sur des notions nouvelles pour cette femme ayant grandi dans un cadre conservateur : le polyamour et ce qu’il représente lui apparaissent par exemple comme un déclic. Le mari d’Iris (Vincent Elbaz) reste, lui, hermétique à ces idées qui semblent résonner comme des bêtises new age dans leur trois pièces parisien.
Ceci participe à cristalliser une ambivalence de la moralité dans le propos du film. Difficile au départ de ne pas se ranger du côté de notre protagoniste brillant tant par son humour que par sa vulnérabilité, malgré sa tromperie. Le fait que beaucoup d’aspects visuels semblent se calquer sur sa psyché confère également de la complicité au rapport entre elle et le spectateur. Un charme parisien émane de cette dentiste désabusée, matérialisé par une musique au ton guilleret semblant venue d’une autre époque ainsi que par des costumes élégants et colorés rappelant les comédies musicales des années 60. En parlant de comédie musicale, le film affirme clairement le merveilleux de sa forme en nous ravissant d’une séquence chantée nulle part ailleurs que sur une place de Créteil.
Également au rendez-vous de cette sortie DVD, deux bonus, courts-métrages de la réalisatrice : Solène change de tête (1998) nous ouvre les portes d’un salon de coiffure où l’on découvre le quotidien de coiffeuses en apprentissage, des conversations intimes aux cruautés d’une bande de filles qui finit toujours par se ressouder. Roule ma poule (1999) suit de son côté la journée d’une monitrice d’auto-école dans l’expectative d’un potentiel rendez-vous avec un jeune élève… Ces deux courts traitent le sujet de la féminité et de la romance avec une honnêteté sévère mais juste qui n’est pas sans rappeler la suite du parcours de la réalisatrice, notamment avec Iris et les hommes.
L’invitation est lancée pour découvrir cette comédie colorée portée par un casting drôle et juste, sous la direction d’une réalisatrice clairement prometteuse.