Rendez-vous annuel phare des cinéphiles comme des professionnels, le Festival Côté Court a animé le Ciné 104 de Pantin du 5 au 15 juin 2024. Les programmes Fiction, Essais vidéo, Grand Angle ainsi qu’un focus sur le cinéma iranien promettaient une riche programmation à la hauteur des attentes d’un public avide de découvertes. 32 films étaient présentés au sein de la compétition Fiction, qui regroupe comme son nom l’indique les courts-métrages de fiction programmés tout au long du festival. Voici 4 de nos coups de cœur parmi cette sélection aussi diversifiée que passionnante.
« Comment savoir si je suis amoureux de mon ami Harry ? » C’est la question que se pose Stari : c’est aussi le titre du film (Comment savoir… ?) de Joachim Larrieu (J’ai grandi ici, 2022) dont il est le héros. Stari (Léon Exbrayat) vit près d’un lac, mais malgré la chaleur et le défilé de duos d’amis essayant de le convaincre de venir se baigner, il n’a pas envie de s’y rendre. Il préfère rester chez lui et demander l’avis d’une intelligence artificielle sur la nature de sa relation avec Harry, son meilleur ami. Lauréat du prix de la presse, mention spéciale (ex aequo) du jury, ce court marqué par la beauté singulière de la fin de l’été semble parler à quiconque le voit. Visuellement empreint d’une joie nostalgique et d’une certaine précision dans le cadrage, il nous transporte dans ce quartier où chaque pied a sa chaussure. Sauf Stari, dans lequel beaucoup pourront se reconnaître tant l’écriture de ce personnage et de ceux qui l’entourent est réussie. Stari est seul mais pas désespérément, son histoire est remplie de promesses. En témoignent les séquences de diaporama photo en surimpression qui nous transportent au cœur de ce duo. Ce film nous réconforte et nous apprend qu’il n’y a pas de limite à un amour véritable : il reste toujours de quoi faire. À l’origine de ce bijou indépendant : le collectif J’ai grandi ici, composé de jeunes diplômés de la Cinéfabrique.
En parlant d’été et de chaleur (surtout de chaleur), la sélection Fiction était aussi embellie par la présence de 43°C à l’ombre de Pauline Bailay (Safety Matches, 2022). Porté par Ecce Films, le film raconte l’histoire désarmante de Ferdinand (Ferdinand Niquet-Roux), désemparé après avoir perdu un objet dont on ignore la nature. Pour détourner l’attention de sa maladresse, il embarque ses amis dans diverses activités au fil de la journée. Tout indique que Ferdinand et ses amis sont en vacances d’été : l’atmosphère détendue, les baignades, mais surtout la chaleur qui engloutit tout sur son passage (n’oubliez pas vos chaussures au soleil !). Les départements décoration, costumes et effets spéciaux se distinguent dans la création d’un univers visuel coloré, désarmant et presque futuriste à sa manière. On trouve aussi à ce film des qualités subversives : la réalisatrice applique des codes de prime abord surprenants mais jamais absurdes. On est également séduit par les acteur.i.ces, drôles et bien assortis, à la hauteur d’une écriture qui fait mouche.
Les mystérieuses aventures de Claude Conseil réalisé Paul Jousselin et Marie-Lola Terver et produit par Les Films du Sursaut prend place dans une forêt bruissant de battements d’ailes et de chants d’oiseaux. Claude (Catherine Salviat) et son mari Claude (Olivier Saladin) sont des retraités passionnés d’ornithologie : ils coulent des jours paisibles dans leur chalet et passent le temps en postant des chants d’oiseaux sur leur chaîne YouTube. Un jour qu’elle tente d’enregistrer le chant d’une grive discrète, Claude se met à recevoir des coups de téléphones intempestifs de jeunes fans (et autres haters) qui utilisent un langage pour le moins fleuri. Cette comédie loufoque et délicate fait brillamment le lien entre deux générations et la passion qui les habite, en plus d’offrir un univers visuel vivant et drôle, de la forêt au monde virtuel. L’humour du film est brillamment réfléchi : il parle à tous car il ne se limite pas à une seule dimension, il est visuel, sonore, implicite… Le son occupe également dans ce film une place primordiale : les chants d’oiseaux se transforment en messages téléphoniques habitant la forêt, constituant la toile d’une histoire qui allie originalité et sincérité.
La sincérité est aussi une grande qualité de notre quatrième coup de cœur, Ximinoa d’Itziar Leemans, un court-métrage main dans la main avec la réalité produit par Gastibeltza Filmak et Al Borde Films. Touchant de simplicité, Ximinoa (“singe” en basque) raconte quelques semaines dans la vie de June (Ainara Leemans), une jeune femme basque embauchée par une famille parisienne bourgeoise pour garder la jeune Constance pendant leurs vacances. June est issue d’un milieu populaire : si elle connaît évidemment les codes de la famille de Constance, elle est aux prises avec leur cruauté. Le film montre avec un réalisme troublant le clivage entre ces deux strates de la société, en abordant en un temps réduit plusieurs manifestations de racisme ordinaire et de classicisme sans jamais se précipiter dans le cliché ni tomber dans le cynisme. Ximinoa répond incontestablement à un besoin existant dans le cinéma et dans l’art au sens large, celui de perspectives nouvelles sur la discrimination insidieuse que vivent les minorités dans chaque strate de leur vie. Itziar Leemans s’applique à représenter chaque personnage de manière naturelle et réussit ce pari haut la main.