C’est un sacré premier film. Vingt Dieux de Louise Couvoisier, en lice pour la Caméra d’or, fait partie de la sélection Un Certain Regard 2024. La réalisatrice est issue de la section scénario de la CinéFabrique, une école de cinéma vieille de seulement 9 ans, basée à Lyon et qui a ouvert il y a un an une école à Marseille.
Le film de fin d’études, Mano a mano, de Louise Couvoisier, réalisé à la CinéFabrique, avait obtenu le Premier prix de la Cinéfondation (ex-Cinef) en 2019. Nous en avions parlé sur Format Court.
Dans son court-métrage, Louise Couvoisier traitait du rapport amoureux, entre deux jeunes acrobates. Le réel, le rapport au corps, l’amour étaient déjà au centre de ses préoccupations et de son cinéma. Le premier Prix de la Cinéfondation est une garantie de revenir à Cannes avec son premier long-métrage. C’est chose faite avec Vingt Dieux, le premier long tout en douceur de Louise Couvoisier.
D’une famille très simple (le mot n’est pas péjoratif), elle raconte l’histoire de Totone (Clément Favreau), un jeune paysan jurassien de 18 ans qui passe son temps à traîner avec ses potes. Dans sa vie, il y a bien son père, mais comme tous les jeunes, il en a un peu honte, d’autant plus que le paternel ne tient pas bien l’alcool. Lui reste sa petite soeur de 7 ans (Luna Garret) dont il doit bien s’occuper. Et puis, il y a les filles, les bagarres, les courses de bolides et les fêtes.
Le jour où son père meurt, Totone quitte le monde de l’enfance. Il doit s’occuper de sa soeur et de la ferme. Devenir un adulte, faire à manger, gagner de l’argent, prendre des décisions. Comme faire ? Pourquoi pas en faisant du fromage, voire le meilleur comté du coin, dans l’idée de remporter les 30 000 euros du concours ? Ce projet devient son objectif principal, alors qu’il n’y connaît pas grand chose, quelques soient les moyens pour y parvenir. Dans l’intervalle, il fait la connaissance de Marie-Lise (Maïwene Barthelemy), une productrice de lait réputé dans la région dont il tombe amoureux.
Dans son film, Louise Courvoisier filme joliment la nature, les vaches, la drague, la jeunesse, le sexe, la dureté de la vie et l’accent du terroir. Avec simplicité, douceur, légèreté et humour, elle touche juste, notamment car elle filme ceux qu’elle connaît, de son village. Pour ce film, la réalisatrice s’est entourée de comédiens professionnels et de sa troupe. On retrouve plusieurs Courvoisier au générique, que ce soit côté décors (Ella) ou musique (Linda et Charlie).
« Vingt Dieux », c’est le juron qui exprime la surprise, l’émotion, c’est le « sacrebleu » ou le « flûte » du terroir. On le lâche au bar, sur un tracteur, dans le champ. Il fait partie du quotidien et de l’ADN du cercle de Totone. Ce quotidien, ce monde rural aussi beau qu’éprouvant, bien loin de l’effervescence de la Croisette, on le garde en tête après sa projection. Ce qu’on retient aussi du film, c’est le soin porté aux dialogues (co-écrits par Louise Courvoisier et Théo Abadie), la tendresse à l’égard de cette jeunesse, porteuse d’espoir, ainsi que la solidité du lien familial et la solidarité au sein du groupe.
Issue d’une famille d’artistes du cirque et d’agriculteurs, Louise Courvoisier nous avait intrigués avec son court Mano a mano, inspiré de son premier cercle. Avec Vingt Dieux, lié au deuxième, elle ose un premier film percutant dans lequel l’âpreté n’est jamais loin de la joie et l’amour au plus près de ses personnages et décors.