Prix du meilleur court-métrage Orizzonti à la Mostra de Venise 2022 et présent dans la sélection officielle des 24 courts-métrages en lice pour les César 2024, Snow in September est un court-métrage de 19 minutes, une coproduction France-Mongolie réalisée par la cinéaste mongole Lkhagvadulam Purev-Ochir. En 2020, la scénariste-réalisatrice s’était déjà faite remarquer avec Shiluus (Mountain Cat), en compétition courts-métrages au Festival de Cannes, qui explorait les thèmes de la quête d’identité et de la spiritualité à travers le personnage d’une jeune fille forcée de voir un chaman pour guérir des esprits qui la hantaient.
En compétition au Festival Format Court en 2023, Snow in September est centré autour du personnage de Davka (interprété par Sukhbat Munkhbaatar), un adolescent d’apparence banale vivant dans les immeubles délabrés d’Oulan-Bator, la capitale de la Mongolie. Il est proche d’Anuka (Nomin-Erdene Ariunbyamba), sa camarade de classe, avec qui il partage une passion des mangas. Dans la première séquence, surgit alors cette femme plus âgée (Enkhgerel Baasanjav), mystérieuse, qui prétend s’être enfermée dehors et se fait accueillir par Davka à contrecoeur, le temps que son mari rentre à la maison. Insistante et intrusive, elle va jusqu’à s’asseoir sur le lit de l’adolescent, et lui pose des questions intimes sur ses relations amoureuses et sexuelles.
Et puis c’est le trou noir, l’incompréhension. Quelque chose s’est passé, et nous le devinons subtilement. Un événement grave, tout du moins perturbant pour le jeune homme qui a naïvement confié son inexpérience et sa curiosité à celle qui prétendait être l’amie de sa mère. L’environnement des protagonistes occupe une place suggestive, filmé par la caméra mobile de la réalisatrice, où la décrépitude et la moisissure du bâti soviétique semblent à la fois contaminées par le poids grandissant d’un secret indicible, et contaminant le rapport à l’espace de l’adolescent. Il frappe alors à des portes se ressemblant toutes, essayant déséespérement d’obtenir des informations sur cette femme plus âgée auprès des voisins.
Au cours du film, le fil rouge se déroule dans un certain malaise : personne ne connaît cette femme, et la confusion grandit chez l’adolescent, dont le jeu de l’acteur laisse transparaître un certain effroi dans un silence absolu. Car ce silence, c’est surtout celui de la honte et du tabou, d’abord d’avoir cru si facilement une figure rassurante et séduisante, ensuite d’avoir vécu une expérience traumatisante auprès d’elle, posant la question suivante : que faire quand tout vacille ? La réalisatrice atomise avec intelligence ce quotidien si banal, et fait exister ce secret dans des endroits extrêmement intimes (dans son lit avec sa mère) ou mornes de désolation, comme dans la scène de l’aire de jeux où Anuka ne reconnaît plus le garçon avec qui elle parlait de ces mangas hyper-violents. Les passions qui les liaient ont perdu de leur saveur. Le rapport à Anuka devient instable, bloqué. Leur histoire d’amour se heurte rapidement à la réalité et au vécu de Davka, qui lui coupe une mèche de cheveux à son insu en plein cours, mais qui n’arrivera pas à se confier réellement à elle.
Avec peu de dialogues et une manière particulière de filmer le visage de Davka dans toute sa détresse tacite, la réalisatrice parvient à dire beaucoup des relations entre les personnages notamment par la lumière bleue des matins froids d’hivers ou la lumière chaude et artificielle des lampes de chevet sculptant les émotions les plus subtiles du jeune acteur. Récit d’initiation douloureux, qui changera pour toujours celui qui l’a subi, Snow in september est un conte magistral et nuancé sur l’entrée dans le monde adulte, la masculinité et la perte de l’innocence, qui nous laisse penser que le prochain long-métrage de Lkhagvadulam Purev-Ochir, Un jeune chaman qui sortira en avril 2024, dont l’acteur principal Tergel Bold-Erdene a reçu le Prix d’interprétation masculine à la Mostra de Venise 2023, brillera tout autant de justesse et de subtilité.
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