Parmi les courts-métrages de fiction en lice pour les César 2024, figure De la folie des hamsters de Juliette Marrécau, produit avec l’aide du GREC (Groupe de Recherches et d’Essais Cinématographiques). Le film accompagne Inès (Anaëlle Fournier), une jeune femme, issue de la campagne qui emménage à Paris. Tout est prêt pour son arrivée : elle a trouvé un emploi dans un restaurant et sa sœur Alice (Juliette Savary), déjà bien installée dans la capitale depuis des années, dispose d’une chambre réservée où elle peut rester pendant qu’elle trouve son propre appartement. Pourtant, Inès finit par ne pas être engagée et la relation avec sa sœur ne s’épanouit pas comme elle l’avait imaginé. Seule, sans emploi et incapable d’avouer la vérité à sa famille, la jeune femme se rapproche de son seul ami : un hamster qu’elle trouve abandonné dans la rue.
Anaëlle Fournier, aux joues roses et à la queue de cheval en désordre, apporte un charme enfantin à son personnage, qui n’a jamais été forcé de grandir car elle était confortablement sous l’aile de son père jusque là. Cette jeune femme aux T-shirts de chérubins et aux tons pastels contraste avec cette ville grise, à laquelle elle ne sait pas comment s’adapter. Ce n’est pas une héroïne, mais une grande enfant qui n’est pas habituée à avoir de l’autonomie, et qui développe une codépendance invasive envers sa sœur face à sa nouvelle vie à Paris. C’est justement cette incapacité à cacher ses difficultés qui fait d’Inès un personnage si charismatique.
Paris n’apparaît pas comme le lieu des opportunités dont elle a rêvé, mais une ville hostile qui la pousse dehors. Cette adversité est présente à l’écran à travers les espaces : l’entrée de l’immeuble d’Alice, sale et pleine de déchets; la chambre d’Inès n’est pas organisée pour y vivre, occupée par des boîtes qu’elle n’a pas osé ouvrir car son séjour chez sa soeur est censée être temporaire; et les toilettes, espace confiné, fait pour l’usage individuel mais qu’Ines insiste à utiliser en même temps que son aînée, créant une claustrophobie qui affecte Alice et le spectateur.
« Les hamsters sont très solitaires, il ne faut pas les mettre avec d’autres », explique le youtuber spécialiste qu’Inès suit pour apprendre comment s’occuper de son petit animal de compagnie. Le rongeur devient le miroir de cette jeune femme, qui se confine dans sa chambre, tout comme lui dans sa cage. Intimidée par la capitale écrasante où elle se trouve, Inès se heurte face aux premiers petits échecs de son déménagement. Elle délire, parle toute seule ou avec son hamster, et se plonge dans une solitude douloureuse. Ce sentiment se traduit non seulement par son comportement, mais aussi par les images de son appartement, vide, sombre et mélancolique.
Les deux sœurs forment aussi une antithèse : Alice est réaliste, endurcie par la vie et par la ville, spécialiste dans la dératisation. Sa cadette est rêveuse, effrayée, sensible et la meilleure amie d’un hamster. Comme toutes les sœurs, elles se disputent, mais finissent par rire de la situation, elles essaient d’apprendre à apprécier et à accepter leirs différentes façons de traverser la vie. Ce lien précieux crée une expérience chaleureuse pour le spectateur.
Le film est accompagné de la même chanson qui prend des formes différentes, tout au long de sa durée. Les paroles, écrites par la réalisatrice Juliette Marrécau, traduisent l’égarement d’Inès dans son déménagement à Paris.
Il y a d’infinies façons de filmer le coming of age, et dans De la folie des hamsters, on est guidé par des petites ellipses qui font évoluer l’histoire de ces personnages imparfaits et, surtout, charismatiques. Le charme de ce court métrage est fait des contrastes entre les espaces, les actions et les protagonistes, dont les défauts deviennent les forces du film.