Sélectionné à la Quinzaine des cinéastes de la 76e édition du Festival de Cannes, le court-métrage Il compleanno di Enrico retrace un souvenir d’enfance du réalisateur Francesco Sossai en Italie à la fin des années 90. Tourné en pellicule, ce conte étrange guidé par des regards et des silences se déroule à la fête d’anniversaire d’Enrico à laquelle Francesco est invité. C’est dans cette ferme, dans les montagnes, qu’il est témoin de la disparition de la grand-mère de son ami.
Un trajet en voiture ouvre le film. Francesco, jeune garçon aux cheveux noirs et au visage couvert de taches de rousseur, fait part à son père de sa peur du bug de l’an 2000. Le récit se construit à travers son regard. Francesco observe attentivement tout ce qui l’entoure et nous fait part de l’expérience subjective et sensorielle d’un enfant. Des lors, tout semble prendre des dimensions importantes.
Francesco découvre la famille de son ami et ses dynamiques. Une sensation de malaise est perceptible dès son arrivée. Face aux autres enfants, à l’atmosphère familiale mais aussi face au regard d’Enrico. Le jeune garçon à la longue queue de rat ne semble pas ravi de sa présence et l’ignore sur le terrain de foot. Francesco entretient une relation ambiguë avec lui. Il imite sa coupe devant le miroir mais avoue également le détester alors qu’il joue avec sa nouvelle voiture télécommandée. Cette relation de haine et d’admiration dénote de la contradiction de l’enfance, à la fois sensible et cruelle. Une relation que semble entretenir Enrico avec son propre père, figure inquiétante qui viens interrompre le bruyant chahut des enfants. Les yeux cachés sous sa casquette, il tend simplement un cadeau à son fils, attend qu’il le remercie puis s’en va. Cette figure paternelle participe à un certain malaise présent tout au long du film.
La mise en scène réaliste par sa longueur et ses silences est parfois entrecoupée de cut brutaux – une balle de foot qui tape bruyamment sur un plaque métallique ou un téléphone qui sonne soudainement – brisant ainsi la pesanteur de la narration. Le calme gênant du récit et interrompu par ces images surprenantes et violentes qu’observe Francesco.
L’attention particulière portée sur l’image et le son créée ce point de vue subjectif et donne une impression de gêne et de crainte constante. Les plans statiques et les nombreux hors champ participent à cette atmosphère, comme si un drame allait avoir lieu.
Un noeud tragique se développe en effet, pas entre les enfants ou entre les parents mais autour du personnage de la grand-mère. Créature immobile et ridé qui ne s’exprime que par de plaignants gémissement. C’est après son interaction avec Francesco qu’elle disparaitra. La fête d’anniversaire est écourtée, les enfants s’en vont les uns après les autres et Francesco repart avec son père dans la nuit.
Francesco Sossai nous donne à voir un étrange événement autobiographique dont l’image, au grain marqué, nous reste en tête. Le film de se clôt sur le regard de Francesco, témoin d’une disparition comme celle d’un vieux monde auquel le bug de l’an 2000 viendrait se substituer.