Format Court était invité au FIFIB pour un podcast sur le court-métrage en quatre épisodes. Le festival international du film indépendant de Bordeaux, ou FIFIB pour les intimes, est une terre fertile de créations cinématographiques qui a lieu tous les mois d’octobre dans la religieuse cour Mably et dans les traditionnelles salles de cinéma de l’Utopia et de l’UGC. Outre la bonne ambiance de ce festival tout en paillette -dancefloor au rendez-vous – les sélections et rencontres, compétition ou hors-compétition, courts, moyens ou longs, ravivent les yeux des spectateurs.
Au FIFIB, qu’on soit un badaud égaré ou un cinéphile chevronné, on se heurte aux films, à leur inventivité formelle et à leur nécessité. Jamais on ne sentira autant comment le cinéma, français et étranger, rayonne de vigueur et de force. Avec la fougue d’un enfant qui tâtonne avec les limites et d’un adolescent qui cherche à se découvrir, le cinéma – comme le FIFIB qui fête sa dixième année – s’amuse, pleure, crie, danse… et emporte son public dans son torrent d’images et d’émotions.
Ce cinéma tout jeune est porté par des créateurs qui réfléchissent sans cesse sur leur travail, et surtout le ressentent. Format Court a eu la chance de s’entretenir avec quatre d’entre eux : Selim Bentounes (Petit Coeur), Kajika Aki Ferrazzini (MOM), Maxence Stamatiadis (Au Jour d’aujourd’hui) et Cristèle Alves Meira (Tchau Tchau).
Avec eux, dans ces quatre épisodes de podcast, nous nous demandons ce qu’est le cinéma indépendant, quand se situe l’écriture d’un film, comment le cinéma nous rassemble et nous ressemble…
Selim Bentounes à propos de Petit Cœur
Selim Bentounes est un vieil ami du festival. Il a réalisé les films-annonces des trois premières éditions et, ce, avec de grandes actrices, Adèle Haenel, Ariane Labed et Golshifteh Farahani. Suite à ça, il tourne Eaux Vives, une première expérience dans le monde institutionnel du tournage, de la production et de la distribution du court-métrage, ce qui lui donnera envie de se jeter dans une expérience plus sauvage du cinéma. Pour son moyen-métrage Petit Cosmos, il crée un collectif qui financera le film. Sélectionné dans la compétition Contrebandes, le film expérimente autant les codes narratifs, esthétiques qu’il joue avec les systèmes institutionnels de réalisation et de production. En 2020, Selim Bentounes sort Petit Coeur qui propose, selon lui, un petit précis de survie le jour où les sentiments ont commencé à disparaître. La science-fiction ne lui sert qu’à poser une hypothèse fictive pour disséquer les relations humaines. Le film a été sélectionné au FIFIB dans une séance anniversaire pour célébrer les 10 ans du festival.
Kajika Aki Ferrazzini à propos de Mom
Une petite fille court, pourchassée par des chiens enragés, observée par des caméras de surveillance, acculée, elle tombe et trouve un (ultime ?) réconfort dans ses retrouvailles avec un souvenir chaleureux. Le motif de la course est un motif qui comptait beaucoup pour Kajika Aki Ferrazzini qui, au milieu de la nuit, se réveille avec cette sensation. Dans son petit appartement parisien, elle s’enferme,seule, pendant plus d’un an pour dessiner. Comme par expiation, elle s’impose un travail titanesque – la réalisation d’un court-métrage d’animation en solitaire – et une rigueur intense. Il faut faire le film à tout prix, nous raconte Kajika Aki Ferrazzini. Le film a été présenté pour la première fois au Festival international du film d’animation d’Annecy en compétition officielle.
Maxence Stamatiadis à propos de Au Jour d’Aujourd’hui
Aujourd’hui, un livreur vous apporte votre pizza en moins de 15 minutes; au jour d’aujourd’hui, un “swapper” vient remplacer votre défunt mari. C’est le scénario que Maxence Stamatiadis imagine pour notre futur dans son dernier court-métrage Au Jour d’aujourd’hui. Ou peut-être l’imagine-t-il pour notre présent ? Le jeune réalisateur s’amuse de la science-fiction dans notre monde où nous sommes tous déjà des cyborgs. Pourtant, un portable, prolongement cybernétique de notre poignet, n’est qu’un bout de plastique vite relégué au rang d’objets datés, vieillis, inutiles. Dans ce monde où les promesses de la technologie se révèlent décevantes, Maxence Stamatiadis invente un miracle et fait revenir d’entre les morts son grand-père, décédé quelques années plus tôt alors qu’il jouait pour l’un de ses premiers films.
Cristèle Alves Meira à propos de Tchau Tchau
Cristèle Alves Meira a reçu à cette dixième édition du FIFIB le prix du meilleur auteur de court-métrage. Ses premiers courts-métrages, Sol Branco et Invisível Herói, ont été sélectionnés à la Semaine de la Critique. Elle prépare actuellement son premier long-métrage. Dans son dernier court-métrage, Tchau Tchau, elle offre à tous l’occasion de dire adieu aux proches perdus pendant la crise du Covid. Dans cette époque étrange où nous étions séparés les uns des autres, les cérémonies, pourtant fondamentales, qui accompagnent le deuil ont été confisquées. Dans Tchau Tchau, une petite fille, jouée par Lua Michel, l’enfant de Cristèle Alves Meira, doit s’inventer une façon de dire au revoir à son grand-père. La triste mise en scène des funérailles sur Zoom, palliatif virtuel, ne suffit pas. La réalisatrice confère à nos nouvelles images du quotidien une valeur cinématographique de mise en scène.