Why I Never Became A Dancer de Tracey Emin, Documentaire, 6’34’’, Royaume-Uni, 1995, Tracey Emin Studio
Synopsis : Utilisant sa vie privée comme source de son art, dans ce court métrage, Emin raconte les années de son adolescence en bord de mer où elle a grandi.
Plasticienne, peintre, photographe et vidéaste britannique contemporaine, Tracey Emin appartient à cette mouvance d’artistes, apparue dans les années quatre-vingts, désireuse de centrer l’expression artistique sur l’ego. Ainsi, sillonne-t-elle des chemins multiples et en marge de la scène populaire pour mettre en scène des oeuvres composites, qui mêlent photographies, sculptures, peintures ou encore videos où elle aime (faire) parler d’elle. Portrait intimiste et impudique voire exhibitionniste selon certains, de son adolescence, “Why I Never Became A Dancer” (parfois intitulé Why I didn’t Become a Dancer) se présente comme un journal intime filmé où elle revient sur une période charnière, celle où elle a abandonné l’école et découvert le sexe à 13 ans.
Sur des images tremblottantes, filmées avec une caméra Super 8 montrant une bourgade de bord de mer, sans doute Margate où elle a grandi, Tracey Emin commente ses impressions quand à 13 ans, elle plonge dans la sexualité comme d’autres dans la drogue. Le sexe est synonyme d’aventure et d’apprentissage, une manière de “surmonter les murs de merde qui l’entouraient”, affirme-t-elle. Jusqu’au jour où voulant devenir danseuse, elle participe au concours “British Disco Dance Championship » en 1978 et se fait huer par des hommes du public avec lesquels elle a pour la plupart couché. C’est ainsi qu’elle quitte Margate et n’est jamais devenue danseuse. Et la césure se fait. A la fois narrative mais également formelle. La parole est alors remplacée par une danse frénétique de Tracey Emin qui se trémousse sur un “You Make Me Feel (Mighty Real)” de Jimmy Somerville jouissif et libérateur qu’elle dédie à tous ces hommes. Effet de miroir et réflexion du “je” aux “vous”, “Why I Never Became A Dancer” effectue des allers-retours habiles de l’artiste au spectateur. Sorte d’exutoire des douleurs assassines, ce climax chorégraphié renforce encore davantage la complicité avec le « regardeur » qui se retrouve à la fois confident et juge. Il participe irrémédiablement à la démarche artistique de Tracey Emin qui l’inclut dès les prémisses du processus de création. Elle se (re)pose sur son regard accusateur ou complice jusqu’à ce qu’elle prenne son envol comme nous le suggère le dernier plan.