Comment fêter vingt années de compétition de courts métrages ?
L’Étrange Festival y a répondu de la meilleure des manières au mois de septembre, en proposant une ribambelle de courts métrages, dont un sixième programme compétitif, deux séances rétrospectives spéciales, ainsi que de multiples surprises, disséminées à travers l’entière programmation. En inlassables découvreurs de nouvelles formes courtes, nous avons arpenté tous les recoins de cette profusion de films pour vous en ramener un bon aperçu.
Programme 1 : My sweet gore
Rentrons tout de suite dans le vif du sujet avec le premier programme de courts métrages composé de six films ayant pour point commun un appétit certain pour le sang ! Parmi cette sélection, deux d’entre eux nous ont particulièrement tapé dans l’œil.
Gummifaust de Marc Steck (Allemagne – 9’ – 2014 – Fiction)
Un “éminent” représentant de la critique théâtrale vient assister à une représentation moderne du Faust de Goethe. Prenant place dans l’auditoire, il s’aperçoit vite que son voisin vient lui aussi voir la pièce pour la chroniquer. Mais contrairement à son aîné, le jeune “hipster-chroniqueur” sévit sur les réseaux sociaux. Sans surprise, le courant ne passe pas très bien entre eux. Chacun profite de l’occasion pour se jauger. La pièce commence mais cela n’empêche pas le critique à l’âge respectable de livrer à son jeune collègue ses impressions à haute voix, critiquant en direct les choix de mise en scène et le jeu des comédiens. Un incident sur scène va décupler sa fougue, révélant ainsi tout le ressentiment accumulé des années durant, jusqu’au délire.
Dans cette comédie efficace et bien menée, chacun en prend pour son grade, et l’on assiste non sans amusement à un petit jeu de massacre qui prend tour à tour possession de la scène puis du public sans que personne, mis à part le critique “expérimenté”, ne sache vraiment ce qui se passe devant leurs yeux. Porté par la prestation de Butz Ulrich Buse (le critique du XXème siècle), « Gummifaust » est un film à l’ironie bienveillante et à l’humour gentiment vachard.
Kaiken jälkeen de Pekka Sassi (Finlande – 29’ – 2014 – Fiction)
On entre dans ce film comme dans un tunnel sans lumière. Ici, pas de faux-semblants : la vie a déserté les lieux. Dans ce no man’s land, deux garçons taciturnes tentent pourtant de survivre. Ils s’affairent à charger de lourds sacs blancs au contenu en décomposition sur des tapis roulants au milieu d’une gigantesque usine transformée pour la circonstance en incinérateur. Grâce à un noir & blanc impeccable et à des cadres soignés, le chaos à l’écran se met à rayonner. De temps à autre, une voix off vient apporter une réflexion qui entre en résonnance avec le paysage post-apocalyptique qui s’étend à perte de vue. Le son et la musique d’inspiration industrielle tiennent également une place de choix dans le dispositif et contribuent à l’atmosphère “fin du monde” qui émane du film.
Une entité que l’on pourrait qualifier d’ange (de la mort) vient brutalement troubler la routine protectrice des deux survivants. Après une lutte acharnée, ceux-ci parviennent difficilement à prendre le dessus. Avant de s’apercevoir que ce n’est probablement pas une attaque isolée…
Plutôt habitué aux films expérimentaux peu narratifs (visibles ici), Pekka Sassi – le réalisateur – nous donne à voir un court métrage en forme d’ode désenchantée et lumineuse à la joie d’être simplement en vie, quand tout autour de soi n’est que désolation.
Programme 2 : Et si c’était vrai ?
Ce deuxième programme brouille les cartes d’entrée de jeu et cherche à jeter le trouble dans les esprits en jouant sur la véracité des images et le décalage suscité chez le spectateur. Voici deux belles propositions provenant de cette sélection.
Sea Devil de Brett Potter (Etats-Unis – 12’30 – 2015 – Fiction)
Un pêcheur fait dans l’immigration illégale. Contre quelques billets, il accepte de prendre sur son bateau un père et sa fille qui souhaitent entrer clandestinement sur le sol américain. Plutôt que de les amener directement aux abords des côtes, le passeur impose à ses passagers une petite partie de pêche, sachant bien sûr qu’ils ne sont pas en mesure de décliner l’invitation. La nuit tombe et la faune marine s’éveille. Dans des plans qui ne sont pas sans rappeler ceux du documentaire Leviathan, le centre de gravité bascule en quelques plans et l’on aperçoit du fin fond de l’eau le petit bateau de pêche à la surface de la mer. Là où le documentaire nous fait plonger en apnée et recherche l’immersion totale jusqu’à devenir parfois abstrait, Bret Potter, le réalisateur, choisit plutôt de faire surgir des profondeurs une sorte de fantôme, que l’équipage hisse péniblement à bord. Tous sont sidérés par la vision qui s’offre à eux : un homme démembré, dont le corps est parsemé de coquillages, respire avec grande difficulté. Ces premiers mots sont pour “ses sauveurs” : “Remettez-moi à l’eau ! Nous sommes tous morts.” Que faire ? Tous se posent la question et la peur se lit sur les visages. Soudain une clameur venue du fin fond de la mer retentit, et comme s’il avait entendu un chant morbide scandé par des sirènes, le capitaine se jette à l’eau…
« Sea Devil » est un premier court métrage dense et âpre qui utilise notamment les codes du film de genre pour les mettre au service de la dimension politique du film : le sort tragique de ces femmes et de ces hommes aux quatre coins de la terre, forcés de quitter leur pays pour tenter de survivre.
De Schnuuf de Fabian Kaiser (Suisse – 10’40 – 2015 – Documentaire)
« De Schnuuf » (“Le Souffle” en français) est un documentaire signé Fabian Kaiser. Du souffle, il en faut aux jeunes pompiers filmés pour traverser les épreuves qui se présentent à eux. Univers clos, combinaisons hermétiques et plongée au plus près des flammes : la caméra de Fabian Kaiser se fait le témoin des conditions extrêmes auxquelles beaucoup de pompiers sont tôt ou tard confrontés.
A travers ce véritable parcours du combattant, les inspirations et les expirations de ces hommes deviennent un point de repère. L’omniprésence de cette respiration est toutefois ambivalente. D’un côté, elle met l’accent sur la robustesse des corps tout en attirant notre attention sur ce qui pourrait se passer si l’oxygène venait à manquer. C’est là une des forces de ce film : faire surgir le danger alors qu’il n’est pas encore présent. Le réalisateur ne se contente pas de filmer des apprentis pompiers en train d’apprendre leur futur métier, il sublime par le cadrage et le montage ce qui semble se passer dans la tête de ces hommes. Pendant onze minutes, il parvient à donner une coloration moins réaliste et plus intérieure à cet ensemble d’impressions, comme une invitation à se mettre dans la peau de ces “soldats du feu”.
Programme 3 : In & Out ?
Ce troisième programme navigue entre deux eaux. Dans les sept films proposés, si la comédie se taille la part du lion, la grande faucheuse n’est jamais très loin. Morceaux choisis.
De Smet de Wim Geudens et Baerten Thomas (Pays-Bas – 14’50 – 2014 – Fiction)
Trois hommes, trois maisons, une seule organisation : les frères De Smet organisent leur existence comme une horloge suisse. La vie est un long fleuve tranquille pour ces célibataires endurcis, jusqu’au jour où une nouvelle voisine vient s’installer de l’autre côté de la rue…
Porté par un excellent trio d’acteurs – Sven de Ridder, Stefaan Degand et Tom Audenaert, « De Smet » est une comédie à l’humour pince-sans-rire, qui met en scène, avec fantaisie et truculence, le quotidien routinier de trois frères. La musique entêtante et les décors soignés contribuent aussi à l’ambiance et au ton enlevé de ce court-métrage. Le duo de réalisateurs use et abuse d’un mélange détonnant d’influences cinématographiques complémentaires. Il y a d’abord le souci du détail, la minutie du cadrage et la précision de la mise en scène des films de Wes Anderson (« La famille Tenenbaum », « A bord du Darjeeling Limited», « The Grand Budapest Hotel »…). Puis il y a également le penchant pour l’absurde, la poésie là où on ne l’attend pas et un goût certain pour les plans qui s’inscrivent dans la durée comme l’affectionne particulièrement Roy Andersson dans ses propres films (« Chansons du 2e étage », « Nous, les vivants »…). La synthèse de ces choix de réalisation donne un film haut en couleur sur l’ennui organisé de trois hommes que Wim Geudens et Baerten Thomas parviennent à rendre captivants et drôles. « Granache ! »
Ramona de Andrei Cretulescu (Roumanie – 25’ – 2015 – Fiction)
« Ramona » est un film brut au timing bien dosé dont l’intensité est accentuée par le mutisme de ses personnages. C’est le troisième court-métrage d’une trilogie « impromptue » entamée il y 2 ans par le réalisateur Andrei Cretulescu. Les deux premiers films « Bad Penny » (2013) et « Kowalski » (2014) étaient déjà emprunts d’une noirceur à la fois à l’image mais aussi dans l’écriture. Dans ce plan-séquence d’une vingtaine de minutes, le réalisateur franchit un cran supplémentaire en gommant le mobile des meurtres, laissant le soin au spectateur de se forger sa propre opinion sur les motivation de cette femme qui, telle la déesse Némésis, abat sa colère sur ceux qui se trouvent sur son chemin. Ce « modus operandi » rappelle celui du film « Elephant » réalisé par Alan Clarke où des personnages débarquaient à l’improviste pour exécuter froidement un homme sans qu’un seul mot ne soit prononcé. Si le réalisateur de « Scum » faisait référence aux vagues meurtrières qui ont endeuillé longtemps l’Irlande du Nord, Andrei Cretulescu ne semble pas inscrire son film dans un contexte particulier, si ce n’est en conviant la voix chaleureuse de l’invité surprise du film : Dario Moreno. Avec une ironie assez frontale, les paroles de la chanson « Tout l’amour que j’ai pour toi » retentissent dans une chambre à coucher tandis qu’un homme se fait sauvagement assassiner. Même si la tension redescend un petit peu par moment, l’ambiance reste néanmoins pesante tant la détermination et l’impassibilité qui émane de cette femme inaccessible est grande.
Programme 4 : Au-delà du Rubicon
Regroupé sous une appellation poétique, ce programme propose un joli panorama de courts métrages d’animation où tout un chacun saura trouver chaussure à son pied, tant les genres abordés et les techniques d’animation utilisées sont variés.
World of Tomorrow de Don Hertzfeldt (Etats-Unis – 16’30 – 2015 – Animation)
Bonne nouvelle : après « It’s Such a Beautiful Day », Don Hertzfeldt revient au court métrage. Il n’a ni perdu son humour à toute épreuve ni son style singulier faussement naïf. Depuis son premier film « Rejected », on sent pointer au fil des films une petite musique empreinte de mélancolie qui prend une certaine ampleur dans ce dernier opus « World of Tomorrow » qui est en lice pour les Oscar.
Le film raconte l’histoire d’une fillette de 4 ans nommée Emily qui rencontre un clone d’elle-même de 227 ans, venant du futur. Le clone d’Emily choisit dans un premier temps de ne pas révéler la raison pour laquelle elle est venue rencontrer l’Emily « originale », la conviant à une ballade à travers le monde d’où elle vient. Mais rapidement, elle dévoile ses véritables intentions marquées par une nostalgie certaine pour des souvenirs d’enfance.
En quelques seize minutes, alternant légèreté et morosité, Don Hertzfeldt parvient à aborder au moyen d’un récit élaboré des thématiques complexes et denses telles que le voyage dans le temps, le clonage, l’enfance ou bien la mémoire. A chaque scène, il réussit à faire évoluer cet univers futuriste et nostalgique avec fantaisie et poésie, s’appuyant notamment sur un remarquable travail sur le son et les voix. Il parvient ici à réaliser une synthèse saisissante entre la richesse d’un récit et une grande accessibilité tout en préservant intacte l’émotion qui s’en dégage. Pour cela, « World of Tomorrow » est probablement le meilleur film de son auteur ou du moins son plus personnel.
Horse de Jie Shen (Chine – 4’15 – 2014 – Animation)
Nos rétines s’en souviennent, Jie Shen aimait déjà avec son précédent film « Run! » superposer les images en mouvement et chercher des combinaisons entre elles pour faire surgir ici ou là une association d’idées.
Avec « Horse », les choses se compliquent. L’air de rien, Jie Shen ajoute à sa partition une narration nébuleuse où 5 courts fragments montrés de façon répétitive se suivent les uns après les autres comme les 5 mouvements répertoriés du cheval au galop. Pour corser le tout, à chaque nouveau passage, un nouveau photogramme apparaît à l’image, révélant un peu plus à chaque fois le cours du récit. La construction du film fait penser à une sorte de palindrome convulsif où règne l’obsession pour le détail et l’enchevêtrement des formes.
Dans un premier temps, le film donne l’impression de jouer au jeu des 7 erreurs avec le spectateur, puis petit à petit, on se prend à chercher le nouveau petit indice qui viendra clore le nouveau cycle et éclairer l’ensemble. Le rythme et l’image parsemée d’éclairs stroboscopiques contribuent à galvaniser le spectateur, allant presque jusqu’à l’hypnotiser. Autant le dire tout de suite : il n’y a rien à comprendre. Si l’on baisse la garde et que l’on se laisse prendre au jeu, il y a de quoi passer un bon moment.
Programme 5 : Esprit es-tu là ?
Au menu de ce cinquième programme, six films faisant la part belle aux esprits frappeurs et autres fantômes malfaisants, soucieux de bien terrifier les êtres humains esseulés. Deux d’entre eux nous ont particulièrement intéressés.
Intruders de Santiago Menghini (Canada – 9’45 – 2014 – Fiction)
Court-métrage fantastique en provenance directe du Québec, « Intruders » de Santiago Menghini, est un film angoissant, qui se décline sous la forme de trois petites histoires d’horreur adaptées de comics, mettant en scène une présence des plus mystérieuses et qui s’en prend tour à tour à une vieille femme mourante, un adolescent trop curieux et un détective intrépide.
Plutôt décousu dans sa narration et manquant de clarté dans sa globalité, le film laisse toutefois une forte impression, grâce à une ambiance pesante très travaillée et des trouvailles visuelles assez brillantes. Nous retiendrons surtout le segment du milieu mettant en scène un adolescent voyeur témoin d’un meurtre sauvage à plusieurs pâtés de maison, et qui va voir la présence maléfique se retourner contre lui, sans pouvoir l’arrêter. Frissons garantis !
12th Assistant de Jae-Hyun Jang (Corée du Sud – 26’ – 2014 – Fiction)
« 12th Assistant » de Jae-Hyun Jang est une variation sur le thème de l’exorcisme qui raconte les premiers pas d’un assistant-exorciste affrontant un démon récalcitrant. Le sujet est traité avec un grand respect des conventions du genre, tout en ayant une approche sociale moderne et un décorum original qui lui permettent de prétendre à un certain renouveau.
Le folklore coréen permet par ailleurs une plus grande vraisemblance à l’écran, et la mise en scène sèche et au cordeau du film accompagne le spectateur dans cette initiation à la peur d’un jeune prêtre, qui va se retrouver confronté à ses propres ténèbres.
Un film de belle facture, qui a récemment fait partie d’une anthologie de court métrages coréens compilée par l’Agence du Court, Claustrophobia, et dont la version long-métrage est d’ores et déjà prévue pour fin 2015, en Corée du Sud.
Programme 6 : Nouvelles Chairs
Pour ce sixième programme compétitif, l’Etrange nous promet d’explorer « Les Nouvelles Chairs », à savoir une dizaine de films se situant à mi-chemin entre des expérimentations typées art-vidéo, mariant corps et visages déformés, et des considérations thématiques chères au cinéma cérébral et sensuel de David Cronenberg. Deux œuvres parmi cette sélection « alléchante » ont attiré notre attention.
Trafo de Paul Horn (Autriche – 12’ – 2014 – Expérimental)
« Trafo » de Paul Horn se présente comme un dispositif expérimental mettant en scène des visages d’hommes et de femmes face caméra, que l’on prend un malin plaisir à transformer en direct. Le film travaille sur l’accumulation de portraits humains détournés de leur sens premier, à travers différentes décorations, déformations et maltraitances.
Les visages se font sculptures, ils deviennent le réceptacle d’atours sociaux factices, de comportements caricaturaux et de douleurs profondes. Le tracé même de l’existence, avec tout qu’elle compte comme joie et désespoir, commence à émerger doucement de cette multitude abusée et lasse, en une allégorie d’une grande subtilité.
Réflexion sur la dignité humaine, non dénué d’humour et avec une approche extrêmement ludique, « Trafo » hypnotise et embarque notre esprit dans un voyage mental que n’aurait pas renié un certain Giuseppe Arcimboldo.
Box Room de Michel Lathrop (USA – 16’ – 2014 – Fiction)
Mélangeant film de monstre et adolescence à fleur de peau, « Box Room » s’inscrit dans la tradition d’œuvres d’artistes tels que David Cronenberg ou Clive Barker, pour qui l’horreur a une dimension purement physiologique et corporelle.
Le film raconte l’histoire d’un jeune adolescent androgyne, en proie aux affres de l’amour et du sexe, n’y connaissant rien, mais voulant tout savoir. Habitant avec sa sœur aînée et écrasé par son épanouissement, il développe une sorte de psychose fantasmatique et découvre dans le mur de sa chambre, un vagin alien qui l’intrigue. Succombant à la tentation, il a une relation sexuelle avec l’entité. L’impensable se produit alors, le mystérieux organe reproducteur « accouche » d’un bébé monstre…
Oscillant entre la chronique sociale et le gore sérieux frondeur, avec moult effets de plateau plutôt réussis, « Box Room » dérange et interroge, sans jamais se prononcer clairement sur ce qui relève du fantasme ou de la réalité. Il est dommage cependant que le final, résolument Genre, ne soit pas à la hauteur de l’intention de départ, tellement le sujet aurait demandé plus de finesse psychologique et d’approfondissement.
Les étranges courts
Pour fêter dignement les vingt ans de compétition de courts métrages, l’Etrange Festival a fait appel à un partenaire privilégié, l’équipe des Programmes Courts et Créations de Canal + (lire l’interview d’Alain Burosse pour en savoir plus), pour concevoir deux séances rétrospectives spéciales, afin de réviser nos classiques sur ces deux décennies.
Outre les grands classiques « Rejected », « Counter », « Music for One-Xmas and 6 Drummers », « Sissy Boy Slap Party » et « Light Is Calling », plusieurs perles filmiques étaient disséminées à travers ces deux programmes :
Commençons par le très poétique et fascinant « La Comtesse de Castiglione » de David Lodge, où la magie inhérente aux premiers dispositifs cinématographiques permet de donner vie à des visions cauchemardesques inspirées par un portrait photographique de 1885.
L’inquiétant « All Flowers in Time » de Jonathan Caouette (Grand Prix 2010 à l’Etrange Festival), avec l’égérie nineties Chloé Sévigny, est, quant à lui, une pépite indé culte, oscillant entre rêverie éveillée lynchienne et réalisme désinvolte, capté sur le vif.
Un film ensorcelant, volontairement lo-fi et creepy, qui n’oublie pas d’être ludique et se permet même une réflexion complexe sur le sens et le pouvoir de l’image, du point de vue et de la direction de regard.
L’une des premières œuvres du duo magique Vincent Patar et Stéphane Aubier (« Panique au Village », « Pic-Pic André », « Ernest et Célestine »), se trouvait également au programme : « Les Baltus au Cirque », film d’animation rêche et azimuté, dans lequel une famille des plus communes se rend au cirque du coin, puis se fait « séquestrée » par le Clown en chef qui les oblige à assister indéfiniment aux numéros de son cirque.
Satire déguisée du consumérisme et du divertissement de masse, « Les Baltus au Cirque » profite de l’humour dévastateur de Patar et Aubier qui en viennent à résoudre le nœud de l’histoire, en faisant s’échapper la famille Baltus grâce à un aspirateur !
Enfin, la comédie satirique finlandaise, « Rare Exports Inc. » est le court métrage prototype qui a permis à son réalisateur, Jalmari Helander, de décliner l’idée de « l’exportation » de Père Noël à travers le monde, ainsi que tout un univers en découlant, notamment à travers la réalisation d’un long-métrage horrifique, « Rare Exports », en 2010. Un film très efficace, extrêmement drôle et plaisant, qui fit un « carton » en son temps.
La Super Mega Bloody Bunny Apocalyptica Turbo Zombi Night !
L’Étrange Festival obéit à un principe induit à chaque édition, à savoir celui de programmer une nuit spéciale pour assouvir les exigences des cinéphiles les plus furieux et enragés, et leur procurer d’innombrables plaisirs coupables.
Cette année n’aura pas dérogé à la règle avec La Super Mega Bloody Bunny Apocalyptica Turbo Zombi Night !, qui alignait pas moins de quatre longs métrages, à situer entre la série B délirante et le nanar post-moderne, en hommage aux folles années 80.
En ouverture de cette nuit, le court métrage « Ninja Eliminator 4 : The French Connection », déjà évoqué ici au détour de l’interview de son réalisateur Mathieu Berthon (à l’occasion de l’édition 2014 du festival Court Métrange), introduisait la soirée avec brio.
Séquelle française d’une trilogie canadienne culte de fausses bandes-annonces (la série des « Ninja Eliminator »), ce film suit les aventures d’un policier « ninja », adepte de baguettes et de bérets, aux prises avec un méchant diabolique.
Fourmillant de trouvailles visuelles inspirées et profitant d’une interprétation investie (mention particulière à Lionel Laget et Rurik Sallé), le film tente d’exploser le cahier des charges contraignant, typique à toute fausse bande-annonce, en proposant une histoire « complète », qui soigne les détails et la caractérisation de ses personnages. Le film n’en oublie pas pour autant d’être divertissant et spectaculaire, notamment dans sa dernière partie, avec un combat des plus surréalistes sur les ailes d’un avion, relativement en mouvement…