Cette année, à la 37ème édition du Cinéma du Réel, un film nous montre que, contrairement au proverbe, une image ne vaut pas mille mots. L’image ne dit rien du tout, elle est muette. Pour faire comprendre tout ce que l’on voit, elle a besoin d’une légende, d’un contexte, et devenir ainsi explicite et captivante. « A festa e os cães » (La fête et les chiens), court métrage du jeune cinéaste brésilien Leonardo Mouramateus, propose un monde où les images seront uniquement des photos et leurs légendes seront les voix du réalisateur, Leo, et ses amis.
Il s’agit du deuxième court métrage de Mouramateus à être sélectionné au Cinéma du Réel après « Mauro em Caiena » (Mauro à Cayenne) qui y a remporté le Prix du Court Métrage en 2013. Celui-ci, contrairement à « A festa » qui est plutôt un dialogue entre les personnages, est un monologue du réalisateur sur Mauro, son oncle émigré illégalement en Guyane Française, avec qui sa mère le compare parfois. Un film où la parole et les images s’articulent harmonieusement pour révéler une confluence entre le passé et le présent.
Ce rapport passé-présent se retrouve également au centre de « A festa e os cães ». Composé principalement de différentes photographies prises par le réalisateur au cours d’une année avec un petit appareil jetable, le film se construit à partir des souvenirs des personnages. Les clichés qui montrent surtout des jeunes dans diverses soirées et des chiens qui sont soudainement arrivés dans le quartier de Leo, une banlieue de Fortaleza, au nord-est du Brésil, seront la matière primordiale du film. Au fur et mesure que ces photos apparaissent à l’écran, on entend le dialogue entre Leo et ceux qui ont été photographiés : Geane, Clara, Kevin et Júnior. On comprendra rapidement que chaque voix correspond à la personne qu’on est en train de voir sur la photo, pour assembler ainsi un récit qui se construit petit à petit avec la participation de chacun, mené par ses propres souvenirs. La parole nous permet donc de voir ce qui est latent dans l’image, ce qui reste caché. Comme si d’une certaine façon, on assistait au processus de développement des images, où Mouramateus essaie de montrer ce qu’il a vu et de faire entendre ce qu’il a entendu.
Les photos défilent sous nos yeux, l’une après l’autre, mais on peut se rendre compte que la mise en scène va plus loin que cet apparent minimalisme. Les plans fixes qui nous permettent de voir une photo dans sa totalité deviennent parfois des plans rapprochés sur les visages ou les corps. Le rapprochement de la caméra crée l’illusion d’afficher certaines images en leur totalité, quand en réalité elle n’en filme qu’un tiers ou une petite partie. Ce dispositif qui s’achève avec la vitesse de défilement des photos (des fois fortuitement trop vite, des fois commodément trop lent) nous impose le regard du cinéaste. Le spectateur n’échappera jamais à ce point de vue qui deviendra le fil narratif du film.
Nous sommes devant un documentaire qui met en évidence le rapport entre trois mécanismes différents : la parole, la photographie et l’image-mouvement. La parole, bien qu’elle forme une relation immanente avec ce que l’on voit, reste détachée des images et échappe au champ visuel en nous emmenant au-delà du passé et du présent des personnages. Pourtant, la photographie, qui nous tient dans cette réalité commune créée par les histoires des protagonistes, et l’image-mouvement, qui n’apparaît qu’à la fin avec une coda puissante et cathartique, s’entrecroisent avec elle de façon structurée et unifiée. Le résultat est un court métrage réussi et équilibré qui culmine avec tension, intensité et complicité chez le spectateur.
« A festa e os cães », flux narratif de cinq courants de conscience semblables, est un film qui explore les concepts d’individualité, de communauté, d’adolescence et de la vie au Brésil. Bien que chaque personnage soit distinct, il participe à un tout qui va au-delà de la somme de ses parties et de la somme de ces photos pour construire un récit, un discours, un destin commun.
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