On nous l’annonce sur la pochette du DVD, « Oh Willy… », réalisé par Emma de Swaef et Marc Roels a reçu quelques 75 récompenses et il s’agit du film flamand le plus primé de tous les temps. À Format Court, nous avions repéré le film lors de sa première sélection française au festival de Clermont-Ferrand en 2012. Programmé récemment lors de notre carte blanche au festival Court Métrange (où il a remporté le Métrange du public), « Oh Willy… » est désormais disponible en DVD en Belgique et aux Pays-Bas, et on ne se lasse pas de le revoir, avec quelques bonus en prime. L’occasion de revenir sur le parcours de ce film d’exception.
« Oh Willy… » aborde l’histoire d’un homme qui, accablé par le chagrin suite à la disparition de sa mère, prend la fuite et se réfugie dans la nature qui deviendra une mère de substitution. Fait de personnages et de décors exclusivement en laine, ce film sans dialogue laisse s’exprimer la matière chaude et réconfortante qui évoque la douceur du cocon maternel, et vient contre-balancer la dureté du propos. Filmés image par image, les personnages en laine d’Emma de Swaef et la lumière de Marc Roels s’assemblent pour un résultat qui témoigne de l’habileté et du souci du détail de ces deux jeunes réalisateurs.
Parce que l’on aime bien en savoir plus et que les personnages et décors d’Emma de Swaef nous intriguent, nous poursuivons notre visionnage avec le making-of dans lequel les deux réalisateurs de « Oh Willy… » nous livrent avec passion et nostalgie les origines du projet, leur méthode de travail et l’envol de leur progéniture.
Car le personnage de Willy est en effet leur bébé. Un bébé qui a bien grandi depuis sa première ébauche, lorsqu’Emma De Swaef a mis en scène pour la première fois ce personnage de quarantenaire solitaire, rond et dégarni, pour son film de fin d’étude « Zachte Planten » (Plante douce) en 2008, au sein de l’École Supérieure des Arts Saint-Luc à Bruxelles.
Le film, qui figure également sur le DVD, introduit le personnage de Willy en chair et en os, assis devant son bureau dans une austère pièce de travail. Rêveur, l’homme se retrouve soudain dans une forêt faite de laine, un monde doux que le spectateur comme le personnage souhaite parcourir des mains, en effleurant et en caressant ce décor chaleureux peuplé de moutons qui vous recouvrent de leur laine pour vous protéger du froid.
Ici, le monde de laine est avant tout le monde des rêves, celui dans lequel Willy trouve refuge et échappe au quotidien. Déjà, le savant mélange de douceur et de cruauté, et la quête de l’homme qui se rapproche de la nature, apparaissent comme les éléments clés du travail d’Emma de Swaef.
La musique qui accompagne l’escapade de Willy évoque les airs doux d’une boîte à musique, et ravive les souvenirs d’enfance. On entre avec Willy dans l’univers des poupées, du rêve et de l’imagination débridée de l’enfant curieux et avide de découvertes. Dans ce voyage, alors que Willy explore une forêt où le jeu et l’insouciance semblent régner, l’adulte apparait comme une menace, sous forme de géant dont on ne voit que les jambes et l’énorme bouche dévorant tout sur son passage.
Dans « Zachte Planten », l’histoire nous ramène au point de départ, à l’endroit d’où naît le rêve de Willy, vers une réalité aux contours beaucoup plus durs. Plus tard, dans « Oh Willy… », le destin de ce petit homme de laine sera tout autre.
De « Zachte Planten » à « Oh Willy… », le personnage a évolué, il est plus abouti, plus expressif, et son histoire gagne en profondeur. Dans le making-of, la réalisatrice nous parle de la conception de ce personnage mystérieux et attachant, du premier jet jusqu’à la maturation. D’un film à l’autre, l’univers de la réalisatrice, complété par le savoir-faire de Marc Roels, se précise et s’épanouit.
Ce qui fait la particularité du travail d’Emma de Swaef et de Marc Roels, c’est la volonté de donner encore plus de vie à la matière, de créer un univers aux contours doux et chauds, fait d’assemblages de textures que l’on peut voir et sentir.
L’équipe du film évoque la création, la manipulation des personnages et les choix de mise en scène, autant d’éléments qui nous rappellent que l’animation est un travail de patience et de dextérité, où les créateurs fabriquent de leurs mains, tels des artisans.
Après avoir parcouru le monde entier, « Oh Willy… » revient sur nos écrans pour nous livrer quelques secrets, mais continue à nous émerveiller.
« Oh Willy… » de Marc Roels et Emma de Swaef, 2013, Dalton Distribution : « Oh Willy… », « Zachte Planten », making-of, bande-annonce, galerie photos.
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