Si Laure Calamy est encore peu présente dans des longs-métrages, on ne peut que se souvenir d’elle dans les courts-métrages Ce qu’il restera de nous (Vincent Macaigne) ou encore Un Monde sans femmes (Guillaume Brac) tant son jeu passe aussi bien par le texte que par le corps. Dans La Contre-allée de Cécile Ducroq en compétition à la Semaine de la Critique, elle est Suzanne, une prostituée qui connaît la crise. Nous l’avons rencontrée à Cannes pour un échange tout en rires et en bonne humeur.
Format Court : D’où t’est venue l’envie de devenir comédienne ?
Laure Calamy : Je crois que c’est vraiment toute petite que j’ai eu envie de devenir comédienne. Je me souviens avoir dit à ma mère que je voulais être « une dame de cirque » (rires) ! J’avais donc commencé à prendre des cours de théâtre et finalement mon père a voulu que j’arrête. Ça m’a beaucoup déçue si bien que j’ai mis du temps à me décider à vraiment être comédienne. Je suis allée à Paris et j’ai suivi un cours à la Courneuve. Ensuite, j’ai fait la Rue Blanche et le Conservatoire. Après ça, j’ai joué dans une pièce à la Comédie Française et c’est là que j’ai rencontré Denis Podalydès.
À la base, tu es une comédienne de théâtre. Qu’est-ce qui t’a poussé à aller vers le cinéma ?
L.C. : En fait, ce sont des propositions. Bien sûr, quand je suis arrivée à Paris à 18 ans, j’en avais envie. Je me rendais tout le temps au cinéma et j’adorais ça. J’allais rue des Écoles et je « grugeais » un peu pour voir encore plus de films ! À 20-22 ans, j’avais peu d’occasions de passer des castings, je ne pensais même pas pouvoir tourner.
Ça a plus été une question d’occasions, de rencontres. Par exemple, Denis a parlé de moi à son frère Bruno pour que je fasse des essais pour Bancs Publics (Versailles rive-droite) et j’y ai joué. Pareil pour Guillaume (ndlr : Brac, réalisateur d’Un Monde sans femmes). Vincent (ndlr : Macaigne), avec qui j’ai commencé à faire du théâtre puis tourné Ce qu’il restera de nous, le connaissait et lui a parlé de moi. En me rencontrant, Guillaume s’est dit que je correspondais au rôle.
On se souvient de cette scène dans Ce qu’il restera de nous dans laquelle tu te barbouilles le visage de rouge à lèvres ou des pièces mises en scène par Vincent Macaigne. Est-ce que tu te mets des limites dans ta façon de jouer ?
L.C. : A priori, non car j’aime aller le plus loin possible et je suis plutôt ouverte aux propositions de rôles aussi bien au cinéma qu’au théâtre d’ailleurs (rires). J’aime être dans l’instant, le plus possible. Sur Ce qu’il restera de nous en l’occurrence, on était presque dans un état de transe. Avec Vincent, on avait fait un labo ensemble et on devait partir à Orléans pour faire quelque chose autour d’Hamlet. Une fois à Orléans, Vincent a finalement décidé de tourner cette histoire et on a donc filmé. On a écrit les scènes au fur et à mesure, en plus de faire de l’improvisation. Et puis, il y avait aussi des scènes écrites qu’on répétait et répétait comme si on était au théâtre.
Lorsque tu rencontres un(e) réalisateur/rice, participes-tu à l’écriture ou au contraire, prends-tu le scénario tel quel, en pleine confiance ?
L.C. : C’est différent avec chacun en fait. Par exemple avec Guillaume, il y avait quelque chose de très écrit, sauf la scène des mimes qui était improvisées ou les scènes avec les comédiens non professionnels. Mais autrement, c’était assez précis. Par exemple, quand je repense à la scène sur la barrière avec Vincent justement, c’était très écrit et je n’ai rien rajouté ni modifié. En fait, j’aime bien quand il y a un mélange des deux : scènes écrites et improvisées. J’ai tourné avec Blandine Lenoir dernièrement et il y avait aussi un mélange de choses très écrites et de moments d’improvisations, avec des propositions de la part des acteurs.
Blandine Lenoir et Vincent Macaigne sont comédiens à la base au contraire de Guillaume Brac. Perçois-tu une différence dans la direction d’acteurs lorsque le réalisateur a été comédien ou pas ?
L.C. : Oui, il y a forcément une connaissance du métier. Ils savent ce qu’est le jeu. Du coup, il est vrai qu’il y a une aisance avec les acteurs-réalisateurs. Mais après, il y a surtout une différence entre la place de l’acteur au théâtre et au cinéma : au théâtre, c’est l’acteur qui est le pilier principal. C’est nous finalement qui faisons vivre la pièce, qui dirigeons le regard et qui maîtrisons le tout. On est moteur de ce qui se joue, là maintenant. Tandis qu’au cinéma, on peut ressentir quelque chose et faire un truc, mais si au montage, le réalisateur décide de ne pas le garder, on n’y peut rien. Je l’ai découvert il y a peu de temps finalement, mais c’est fascinant de voir à quel point au cinéma, on ne maîtrise rien. Au théâtre, c’est plus moi qui choisis la prise (rires) !
Comment s’est faite la rencontre avec Cécile Ducroq, la réalisatrice de La Contre-allée ?
L.C. : Son producteur, Stéphane Demoustier (Année Zéro Productions), qui avait produit un court-métrage de Julien Gaspar, Passe, où je jouais déjà une prostituée, a montré le film à Cécile et m’a appelé en me disant qu’elle voulait que ce soit moi, bien que je sois plus jeune que le rôle. À la base, elle cherchait une femme de 45 ans ou plus. Après, j’ai lu le scénario et je l’ai trouvé super.
Comment as-tu abordé le rôle ?
L.C. : Il se trouve que j’ai lu beaucoup de choses de Grisélidis Réal, une ancienne prostituée suisse qui a écrit des choses magnifiques et que j’adore. Du coup, j’avais l’impression qu’il y avait quelque chose de familier dans ma tête avec cette histoire. Quand j’ai lu ses textes, j’ai ressenti des choses très dures, mais aussi de vrais échanges, une relation de fidélité avec ses clients. Pour certaines prostituées, il faut savoir que c’est un métier qui permet aussi de vivre normalement, c’est quelque chose qui m’a touchée.
Comment s’est déroulé le tournage ? Les scènes un peu plus crues ou violentes ont-elles été faites en début ou en fin de tournage ?
L.C. : Plutôt à la fin. En fait, on a très peu répété, un peu plus avec les clients car, pour la plupart, ils n’étaient pas acteurs professionnels et on voulait les mettre plus à l’aise, surtout qu’il fallait quand même se mettre à poil ! Les deux premiers jours de tournage, on a commencé par les scènes hors de la chambre ; par exemple, le moment où Suzanne attend au café. En fait, le tournage a vraiment commencé au moment des prises pour les scènes avec les clients. À partir de là, on était dans l’action, dans le concret des choses, là d’un coup, le tournage était parti car on avait besoin d’être confronté au sujet. En plus, personnellement, je n’ai aucune gêne avec ça. D’ailleurs, je n’avais qu’une envie, que l’on commence par ces scènes-là parce que c’était ça le rôle. C’est un film d’action pour moi !
Pour ce genre de scènes un peu plus violentes et intimes, as-tu besoin d’une concentration particulière, d’être un peu isolée avant de tourner ?
L.C. : Pas du tout. Au contraire, j’aime bien être là, discuter avec les gens, être dans la vie, qui plus est dans ces scènes-là qui étaient justement très concrètes, avec beaucoup de vie. D’ailleurs, on a beaucoup improvisé. S’il y avait eu un texte très précis, ça aurait été horrible en fait. On aurait perdu le naturel de la situation. Par conséquent, on a passé beaucoup de temps à créer un climat de confiance.
Les films dans lesquels tu as joué ont souvent été sélectionnés dans de grands festivals tels que Clermont-Ferrand ou Brive, mais c’est ta première fois à Cannes.
L.C. : Oui, mais je n’ai pas pu me rendre dans la majorité de tous ces festivals (rires) ! Enfin, si je suis allée à Belfort. Quant à ici à Cannes, ce n’est que du plaisir, sans vraiment de pression. C’est une super surprise en effet.
Et quel est ton programme après Cannes ?
L.C. : Je répète actuellement une pièce de théâtre à Avignon, Orlando ou l’impatience, une création d’Olivier Py, qui sera présentée pendant le festival.
Après, en août, je vais répéter avec Vincent (ndlr : Macaigne) qui va faire une re-création de L’idiot de Dostoïevski. Il l’avait déjà créé il y a 5 ans, mais je n’étais pas dessus à l’époque et il y aura trois reprises de rôles. Ce sera joué à la rentrée au Théâtre de la Ville (du 1er au 12 octobre 2014) et au théâtre Nanterre-Amandiers (du 4 au 14 novembre 2014). Sinon, j’ai aussi une scène dans Sous les jupes des filles d’Audrey Dana qui sort le 4 juin, mais je n’ai pas encore vu le film. J’ai aussi participé au dernier film de Lucie Borleteau, Fidelio, et au premier long-métrage de Blandine Lenoir, Zouzou, dans lequel j’interprète une institutrice très féministe.
Y a-t-il un rôle ou un personnage que tu rêverais d’incarner ?
L.C. : J’aime les rôles d’action, alors ça me plairait de jouer dans un western (rires) !
Propos recueillis par Camille Monin
Article associé : la critique du film
J’adore la fraîcheur authentique de cette actrice.