Depuis 2008, les Rencontres Internationales Henri Langlois consacrent chaque année une soirée à la jeune création africaine. Peu diffusées, ces cinématographies singulières tant dans leur fabrication que dans les messages portés par les jeunes réalisateurs, sont ici mises à l’honneur, l’espace d’une soirée dans le programme « Afrique : droit de suite ».
Cette année, six films et cinq pays (Maroc, Cameroun, Burkina Faso, Madagascar, Sénégal) étaient présentés au festival et cette sélection éclectique n’a pas manqué de faire réagir une salle bien remplie. Car pour les habitués du festival, ce programme fait partie des rendez-vous incontournables de la semaine.
Deux réalisateurs étaient également présents : Hajar Belkasmi pour « Le maillot » et Jean-Baptiste Pajoukounam Ouedraogo pour « Une partie de nous ». Très émue, la réalisatrice du documentaire « Le maillot » a avoué sans détour être surprise de la sélection de son film qui porte en lui l’évidence de l’exercice de fin d’études. En effet, étudiante en montage, elle a réalisé son film dans l’optique d’un diplôme, en réponse à une contrainte : elle devait concevoir un film documentaire. Elle avait au départ imaginé une fiction… et a dû adapter ses envies à l’exercice imposé. Si elle admet facilement que son film est très important personnellement (il parle de sa tante et de sa mère), elle reconnaît aussi l’avoir construit en fonction des attentes de son école.
Pour le réalisateur burkinabè de « Une partie de nous », les choses semblent assez différentes. Ce jeune réalisateur se dit de prime abord timide mais dès lors qu’il prend le micro pour parler de son film, l’homme se transforme, habité par sa passion de cinéma. Primé au dernier Fespaco, meilleure fiction dans la catégorie films d’école, son court métrage mélange croyances traditionnelles et préoccupations écologiques. Il parle d’une enfant qui communique avec les végétaux au point de se fondre littéralement dans l’un d’entre eux pour éviter son déracinement.
Dans le programme, une autre fiction, plus conventionnelle, a également été présentée : « Surplus » du Camerounais Nathan Kaweb, issu du Centre de formation professionnelle de l’audiovisuel. Dans ce court métrage, ce sont les valeurs familiales traditionnelles qui sont bousculées par le mode de vie plus moderne d’un jeune couple.
En terme de sujet, les deux documentaires « Salles de ciné » de Wabinlé Nabie (Burkina Faso) et « Sur la rive » de Mariana Sy (Sénégal) sont des films qui tirent la sonnette d’alarme sur des thèmes aussi éloignés que la situation extrêmement difficile des salles de cinéma à Ouagadougou et la crise que subissent les pêcheurs de la Langue de Barbarie. Ce qui émerge de ces films est sans doute la force de la lutte, la non-résignation des hommes et des femmes qui travaillent pour nourrir leurs corps mais également leurs esprits.
Entre ces trois documentaires et ces deux fictions, s’est glissée une jolie animation malgache : « Ini hono izy ravorona » de Sitraka Randriamahaly. L’histoire de cette jeune mère qui parcourt son pays pour soigner son enfant malade est traitée de façon très poétique, le sujet est soutenu par une animation simple aux couleurs douces où les détails n’ont pas d’importance. Ici, ce sont les décors et l’action qui focalisent l’attention, et on se laisse prendre au jeu. L’essentiel est dit. Ce film a pu être réalisé grâce au fonds malgache Serasary qui soutient les jeunes réalisateurs. Créé en 2011, ce fonds aide chaque année la production d’un documentaire, une animation et une fiction, le film de Sitraka Randraimahaly ayant fait partie de la première promotion.
Un programme qui expose des réalités singulières d’hommes et de femmes d’Afrique et qui oscille entre réflexions personnelles, introspections et questionnements sur le rapport aux autres. Les réalisateurs sont ici bien ancrés dans leur présent mais n’hésitent pas à regarder derrière eux pour comprendre d’où ils viennent et peut-être mieux influer sur ce vers quoi ils tendent pour leur futur et celui de leurs enfants. Un « droit de suite » qui donne ainsi à réfléchir sur les préoccupations quotidiennes qui régissent la vie de ces jeunes artistes africains.