Pour la 8ème année, le Festival du film francophone offre une fenêtre spéciale à nos compatriotes septentrionaux en programmant des films flamands inédits en Région wallonne. Une initiative louable non seulement par son intérêt diplomatique dans une période de séparatisme menaçant, mais surtout parce qu’elle permet de découvrir un cinéma peu connu dans le sud du plat pays. Présenté dans cette sélection, « Do You Know What Love Is ? » de Leni Huyghe est une délectable série de vignettes mettant en scène quatre personnes à la recherche d’un amour qui leur échappe continuellement. Film d’école réalisé sous la guidance de la cinéaste flamande Fien Troch à la Sint Lukas Hogeschool, ce court abouti se vante d’une grande maturité et d’une belle simplicité.
Les vies de Thomas, Fuller, Romy et Susanna, tous en quête de l’oiseau rebelle, se croisent constamment. Thomas et Romy, en pleine séparation, trouvent du réconfort chez leur ami(e) respectif(ve) : Thomas coache Fuller dans ses entraînements de danse et Romy gave Susanna avec ses confidences parfois non sollicitées. Un certain humour noir souligne ce conte psychologique aux consonances parfois surréalistes, humour que la réalisatrice a bien su peaufiner. Elle dédramatise le récit et lui donne une forme décousue et épurée. Le rythme posé, dû à un montage qui favorise des plans séquences larges et fixes, rend bien le sentiment d’attente chez les personnages sans jamais provoquer d’ennui chez le spectateur.
Quant au surréalisme, celui-ci est davantage relevé par la sur-présence du virtuel dans le récit. Le personnage de Susanne en particulier cherche constamment de la compagnie au-delà d’un écran, et semble même avoir une relation sensuelle entièrement virtuelle avec un inconnu. De même, Fuller vit à travers son avatar de danseur, enfile un masque et imite les pas de Pina Bausch et de Michael Jackson. Ailleurs, à la télé, sur des vlogs, etc., les voix de sagesse populaire à l’américaine crachent des conseils pour les langoureux souffrants. La question qui préoccupe est de savoir ce qu’est l’amour dans une société dominée par un éclatement d’informations comme la nôtre. L’interprétation très amateur du chant « Ich liebe dich » (Je t’aime) de Beethoven sur Youtube, qui clôt le film, symbolise parfaitement ce mélange d’espoir naïf et de désenchantement que Huyghe transmet si bien dans ce court métrage, à la fois fort et serein, et captivant par son côté universel.