Du 2 au 7 avril 2013, le Festival de Cinéma de Brive, organisé par la Société des Réalisateurs de Films, fêtait son 10ème anniversaire. Un anniversaire qui offrait une nouvelle occasion pour la SRF de mettre en valeur un format ayant peu de visibilité dans la majorité des festivals de courts métrages : les films d’une durée comprise entre 30 et 60 minutes. Sous le signe des rencontres, ce rendez-vous a réuni de nombreux réalisateurs français et européens autour des meilleures tables de la cité gaillarde, et d’une programmation riche comprenant entre autres une compétition européenne, un panorama sur le cinéma anglais, des focus sur le cinéma d’animation et les films de Ernst Lubitsch, et des séances rétrospectives sur les 10 ans du festival rassemblant les neuf derniers prix du public.
Avec 23 films sélectionnés parmi plusieurs centaines, la compétition européenne du festival témoigne de la vivacité d’un format auquel restent attachés de nombreux réalisateurs, tant du fait de ses possibilités artistiques potentiellement plus riches que l’expression en court, que pour l’absence de contraintes commerciales qui caractérisent les longs. Une sélection où les fictions avaient la part belle avec notamment quelques films qui poursuivent une carrière brillante en festivals comme « Avant que de tout perdre » de Xavier Legrand, récemment primé à Clermont-Ferrand et à Angers, ou encore « Le Monde à l’envers » de Sylvain Desclous, Prix Format Court au dernier Festival de Vendôme. Si parmi les films sélectionnés, on ne retrouvait finalement qu’un seul film documentaire avec « L’âge adulte » de Eve Duchemin, on pouvait constater une certaine tendance au mélange des genres fictionnel et documentaire. Le film de Robin Harsh, « Les cheveux courts, ronde, petite taille », s’inscrit complètement dans cette tendance. Avec un parti pris de réalisation originale où l’auteur filme sa voisine d’en face de façon obsessionnelle en cultivant à travers elle le souvenir de sa mère défunte, le spectateur est confronté à une mise en scène du réel au service de l’imaginaire du réalisateur. D’une façon un peu différente, « Orléans » de Virgil Vernier suit le parcours de jeunes strip-teaseuses pendant les fêtes de Jeanne d’Arc à Orléans. L’auteur parvient alors à mêler intelligemment actrices et vraie strip-teaseuse, situation fictionnelle et commémoration historique réelle, où le passage de l’un à l’autre s’exécute de façon troublante. À l’ère des avatars et de la communication numérique globalisée, la confusion entre la réalité et ses représentations imaginaires semble trouver naturellement un prolongement dans la création cinématographique présentée à Brive.
Une tendance qu’on a d’ailleurs pu retrouver aussi au sein du panorama sur le jeune cinéma anglais présenté par le programmateur du London Short Film Festival, Philip Ilson. En ce sens, le film de Charlotte Ginsborg « Over the Bones » met en scène à la façon d’un documentaire, l’histoire entre deux personnages a priori diamétralement opposés, un chauffeur routier solitaire et une chanteuse Soul, dont la rencontre lors d’un accident dramatique bouleverse profondément la vie. En utilisant le procédé du documentaire, mêlant interviews et témoignages, auquel viennent s’ajouter des scènes qu’on croirait de recomposition du réel, Charlotte Ginsborg réalise une fiction touchante qui parvient à nous faire croire avec talent à la nature quasi surnaturelle de certaines rencontres humaines et à leur potentiel magique. À noter par ailleurs dans ce programme spécifique sur le cinéma anglais, les deux documentaires expérimentaux de Ben Rivers « I Know Where I’m Going » et « Slow Action » dont les univers visuels et sonores fascinants nous emmènent à la découverte de territoires extrêmes dans une recherche esthétique où le sens de la civilisation humaine est perpétuellement remis en question.
Cette année, le festival a innové en consacrant un programme spécial aux films d’animation, genre cinématographique qui privilégie plus habituellement les formats courts, voir même très courts, ou alors le long métrage destiné à la projection en salles. C’est à Francis Gavelle, journaliste, critique de cinéma à Radio Libertaire et membre du comité animation de l’Académie des César, que l’on doit cette sélection d’une dizaine d’œuvres où s’associaient habilement films de patrimoine et créations plus récentes. L’occasion de revoir « Le Conte des contes » du maître de l’animation russe Youri Norstein, ou de découvrir dans la même séance un film d’animation en marionnettes de 1964 du Tchèque Jiri Trnka « L’Archange Gabriel et Madame l’Oye », où un moine se déguise en archange pour séduire une dévote, et le travail d’Alain Escalle, artiste contemporain mêlant prise de vues réelles, chorégraphie, et composition numérique en 2D et 3D, dans une œuvre surréaliste sur le drame d’Hiroshima, « Le conte du monde flottant ». Une sélection de films plutôt destinée à un public adulte que venait compléter des séances ouvertes aux scolaires mettant en valeur le travail de Izù Troin avec trois de ses films « Le Carnet », « Le bûcheron des mots » et « Ceux d’en haut ».
En marge des projections, la SRF organisait également différentes rencontres professionnelles destinées à dynamiser la production de films de moyen métrage et à pousser la réflexion sur l’état du cinéma français aujourd’hui. Parmi ses initiatives, on pouvait par exemple assister à une session assez classique de pitch de films en gestation présentés devant un panel de producteurs et diffuseurs. En matinée, plusieurs tables rondes étaient organisées pour traiter de différents sujets comme la relation entre compositeurs et réalisateurs dans le cycle de création, ou encore sur la question du court métrage autoproduit et de ses possibilités de diffusion. Sur ce dernier thème, la SRF présentait une étude menée récemment sur l’analyse des films autoproduits destinée à solliciter le CNC pour un soutien à ce secteur créatif indépendant. On regrettera toutefois que dans ces débats, la question de la convention collective du cinéma, actuellement en négociation avec le gouvernement et dont la SRF est signataire, ait été passée sous silence.