Le climat quelque peu tropical de la salle de presse du festival de Clermont-Ferrand qui surplombe la piscine municipale est l’endroit idéal pour interviewer un réalisateur australien dont le film a justement pour titre « The River ». Rencontre avec Tarquin Netherway, son auteur.
Format Court : Ton film a-t-il déjà été projeté en festival, où est-ce la première fois, ici, à Clermont-Ferrand ?
Tarquin Netherway : Il a en déjà commencé sa carrière dans un festival hollandais [Pluk de nacht, Amsterdam] et a aussi été projeté dans un festival underground d’Australie. Mais c’est la première fois en France.
Quel a été ton parcours ? As-tu suivi des cours de cinéma ?
T.N. : Oui, j’ai été à l’université de Swinburne à Melbourne d’où j’ai été diplômé au début de l’année 2012, « The River » est mon film de fin d’études.
Le film a-t-il été financé par l’école ou as-tu dû trouver les financements toi-même ?
T.N. : L’école fournissait uniquement l’équipement, j’ai dû effectivement financer le film moi-même en faisant notamment en sorte de rendre le tournage logistiquement facile. J’ai également récolté de l’argent via un site de crowdfunding, je pense que ce genre de site est le futur en termes de financement du court métrage. Les gens peuvent investir sur ce dont ils ont vraiment envie de voir par rapport à l’État qui a une idée parfois préconçue et des attentes des films à venir.
Comment est née l’histoire du film ? Était-ce un thème qui te trottait depuis longtemps dans la tête ?
T.N. : Le film est un patchwork de beaucoup d’idées dispersées que j’ai pu avoir. C’est mon tout premier film et je voulais me débarrasser de mon expérience de l’enfance pour traiter d’autres sujets dans le futur. Je n’ai pas eu beaucoup de vécu et celle-là me semblait la seule que je puisse partager. Beaucoup de scènes du film sont inspirées de photos de ma propre enfance je voulais les recréer du point de vue d’un alien !
La télévision est très présente dans le film, pourquoi ne pas avoir choisi l’ordinateur pour illustrer l’adolescence actuelle ?
T.N. : En Australie, les signaux analogiques viennent juste d’être arrêtés, on est passé au numérique. Les gens se sont mis à se débarrasser de leur télévision et ce qui a été aussi présent et important pendant 50 ans a été jeté aux ordures. Ces objets devenus inutiles peuvent peut-être garder un rôle cependant. J’ai commencé à récolter ces télévisions et j’ai réalisé que la télévision faisait un bruit similaire à celui de la rivière. La technologie nous éloigne de plus en plus de la nature, alors j’ai tenté de retrouver une connexion entre les deux.
La scène d’ouverture mettant en scène un groupe d’agresseurs au bord de la rivière et les images qui défilent en accéléré étaient-elles des références voulues à « Orange Mécanique » de Kubrick ?
T.N. : Oui, tout à fait. Je voulais notamment déjouer les attentes du spectateur en le lançant sur une fausse piste et ensuite, avec l’utilisation des ces images en accéléré je souhaitais qu’il lâche prise et tente le terrain de l’expérimentation. Le film est réaliste mais traite de l’absence d’émotions humaines et de réflexions. Un peu comme si un alien regardait notre monde depuis l’extérieur sans en comprendre les mécanismes et sans en émettre de jugement.
Étais-tu persuadé de l’existence des extraterrestres dans ton enfance ?
T.N. : Oui, j’adorais ça, notamment au cinéma. Avec « The River », l’arrivée de l’alien peut être perçue comme absurde et un peu « cheap » mais je souhaitais emmener le spectateur avec moi pour qu’il finisse par accepter cette étrangeté.
Tu évoquais les liens entre technologies et nature, penses-tu que la jeunesse perd aujourd’hui ce lien avec la nature dans un pays comme l’Australie qui est pourtant peu urbanisé ?
T.N. : Je ne pense pas qu’elle perde ce lien, je pense plutôt que le problème vient du fait de ne pas voir les villes comme parties intégrantes de la nature. Pour moi, les villes sont la nature, peu importe que les hommes les aient créées. Le décor de mon film n’est pas forcément « naturel » beaucoup d’arbres y ont été exportés depuis l’Europe notamment. Le paysage est très différent de ce qu’il était à l’origine mais le sujet du film est aussi de trouver la beauté dans ces éléments introduits par l’homme et de se détacher de ce qui fut. Le changement fait partie de la nature.
Peu de films australiens arrivent jusqu’à nous. Comment perçois-tu la création cinématographique dans ton pays ?
T.N. : L’industrie du cinéma en Australie traverse une crise. Il devient très difficile d’y faire des films, il y a peu de soutiens. La grande majorité des films qui sortent au cinéma sont américains. Le public ne va pas voir les films australiens parce qu’ils pensent qu’ils sont ennuyeux. Ils sont assez différents en effet, plus réalistes et plus noirs. Notre Histoire, à travers la colonisation notamment, est à l’origine de beaucoup de traumatismes. Le public australien ne souhaite pas forcément voir cela et préfère les films d’Hollywood pour se divertir. La production est assez pauvre et les gens dépendent souvent uniquement des financements publics qui ne mettent pas vraiment l’innovation en avant.
Propos recueillis par Amaury Augé
Article associé : la critique du film