Festival Média 10-10 – 40ème édition : les films en compétition nationale

Le festival du court métrage  namurois fête ses 40 ans cette année ! Découvrez les films de la sélection nationale, présentés entre le 13 et le 17 novembre prochain.

– Duo de volailles, sauce chasseur de Pascale Hecquet
– Un monde meilleur de Sacha Feiner
– Fable domestique de Ann Sirop et Raphaël Balboni
– Si j’étais un homme de Margot Reumont
– L’incertitude d’Heisenberg de Richard Gérard
– À nos terres de Aude Verbiguié
– Ed and Kyu d’Adrien Berthe
– Expo/in de Romain Rihoux
– Chaleur humaine de Christophe Prédari
– Le cri du homard de Nicolas Guiot
– Mateso de Collectif Camera-etc
– Dernier hommage de Alaa Eddine Aljem
– Come what may de Maxime Feyers et Mathieu Bergeron
– Cogitations de Sébastien Godard, François d’Assise Ouedraogo, Arzouma Mahamadou Dieni et Moumouni Jupiter Sodré
– La terre ou le ciel de Françoise Dupal
– Naked: a Finnish Tale de Romain Monsterlet
– L’attrape-rêves de Léo Médard
– Coda de Ewa Brykalska
– Police de Sébastien Van Malleghem
– Bizness de Manu Coeman
– La boîte de sardines de Louise-Marie Colon
– La maison de Vania Leturcq
– U.H.T. de Guillaume Senez
– Arthur et Vincent de Manu Gomez
– Le syndrome du cornichon de Géraldine Doignon
– I Rafi (la couture) de Sandra Fassio
– Nouveau départ de Rémi Samson
– Éclipse de Adrien Journel
– Atomes de Arnaud Dufeys
– Que la suite soit douce d’Alice De Vestele
– Memento mori de Daniela Wayllace Riguera
– A new old story d’Antoine Cuypers
– Bona Nox de Jean-Frédéric Eerdekens
– Once upon a time de Pieter De Poortere

Cornée de Colin Laubry, Stéphane Blanquet, Arnaud Crillon, Valentin Gasarian, Ca Theuillon

Quelque soit la porte par laquelle on entre dans l’univers créé par Stéphane Blanquet, l’un des réalisateurs de « Cornée », on n’en ressort pas tout à fait pareil. Les chemins par lesquels il nous promène se trouvent généralement dans des contrées aux frontières de la morale, de la conscience et de la folie. Fidèle à lui-même, son nouveau court métrage « Cornée » poursuit cette exploration visuelle et sensorielle, de quoi hanter nos nuits pour notre plus grand plaisir !

Projeté en ouverture de L’Etrange Festival en septembre dernier, «Cornée » est un film initié par Le Laboratoire d’Images et réalisé avec la collaboration de plusieurs étudiants de l’école supérieure en animation 3D Supinfocom Arles. Rompu aux techniques d’animations en papier découpé ou en 2D depuis la fin des années 90, Stéphane Blanquet poursuit ainsi ses expérimentations en adaptant en animation 3D les mondes foisonnants qu’il a imaginés.

cornee-stephane-blanquet

Avant de rentrer dans le vif du sujet, rappelons que ce fils spirituel (et illégitime) de Charles Burns et de Jérôme Bosch, œuvre avec brio dans l’illustration, l’édition, la bande dessinée et le film d’animation depuis plus de 20 ans. Dans « Cornée », son dernier film en date, il convoque les figures obsessionnelles de son univers fait d’insectes rampants, de plaies entrouvertes et de bien d’autres joyeusetés. Il prend un malin plaisir à venir gratter là où ça fait mal, ses personnages se retrouvant dans des situations étranges, inquiétantes voir extrêmes, avec toujours une petite pointe d’humour noir.

À travers une galerie de tableaux aussi envoutants que terrifiants, le film propose une jolie promenade sous acide dans les chimères fantasmagoriques d’une personne sur le point de se faire opérer l’oeil par un ophtalmologue aux méthodes peu orthodoxes. Zone du corps pour le moins sensible et ô combien importante au cinéma, la cornée – la partie antérieure transparente du globe oculaire – filmée est donc mise à rude épreuve… Stéphane Blanquet ne se contente pourtant pas de maltraiter le corps, il malmène aussi la représentation qui en est faite et notamment les interdits qui y sont liés, l’œil, et donc la cornée, étant communément considérés comme le miroir de l’âme.

Dans un précédent court métrage en forme de profession de foi intitulé « Mode d’Emploi », Stéphane Blanquet expose son approche de la création et notamment son rapport complexe au corps humain. Voici quelques unes de ses réflexions à ce propos, qui ne sont pas sans rappeler « Cornée » : « penser à l’étrange, à la tendresse, à la cruauté ou bien la vengeance primesautière. Penser à son propre dégout et à ses répulsions, penser à la peur, au léger frisson, ne pas oublier l’importance du corps, le corps est une matière noble, de la pâte à modeler pour toute forme de création (…) ».

Année après année, Stéphane Blanquet reste bel et bien cohérent avec les règles qu’il a lui-même énumérées. En utilisant cette fois-ci la technique de l’animation 3D, il est parvenu à approfondir et à intensifier la puissance suggestive des images et des situations qu’il a imaginés. Au résultat, « Cornée » est un véritable travail d’orfèvre, où chaque son, chaque détail de l’image est au service des visions torturées de son créateur. Un film sans concessions autant pour le public que pour son auteur.

Julien Beaunay

Consulter la fiche technique du film

Pour celles et ceux qui voudraient en savoir plus sur le travail de Stéphane Blanquet, cliquez ici.

C comme Cornée

Fiche technique

cornee-stephane-blanquet1

Synopsis : Dans une maison, un drame semble s’être produit. Le couple qui l’habite est il encore vivant ? Du sang goutte dans un bol de soupe ? Un ophtalmo ausculte l’oeil d’un patient, touché par un virus inoculé par un insecte ? Un couple se balade main dans la main au milieu des fleurs ? Des insectes grouillant sous le parquet et dans les murs semblent avoir pris possession de la maison.

Réalisation : Stéphane Blanquet

Scénario : Stéphane Blanquet

Genre : Animation

Pays : France

Année : 2012

Durée : 5’43 »

Graphisme : Stéphane Blanquet

Musique : Delia Derbyshire

Production : Cargo Films

Article associé : la critique du film

F comme Fable domestique

Fiche technique

Synopsis : Lors d’une visite d’appartement, Adrien est pincé par la jalousie en voyant sa compagne, Tess, s’amuser avec un autre visiteur. Le soir même, il reçoit une convocation inattendue pour une nouvelle visite. Il doit s’y rendre seul, Tess étant retenue par son travail, et se trouve face à une bâtisse délabrée qui porte d’ores et déjà son nom sur la sonnette. Dès qu’Adrien a franchi le seuil, la maisonnée se referme sur lui, et l’entraîne dans une visite guidée des méandres de sa jalousie…

Genre : Fiction

Durée : 23′

Pays : Belgique

Année : 2012

Réalisation : Ann Sirot et Raphaël Balboni

Scénario : Ann Sirot

Son : Arnaud Calvar

Image : Arnaud Carney

Montage image: Nicolas Rumpl

Montage son : Julien Mizac

Interprètes : Laurent Capelluto, Sandrine Blancke, Muriel Bersy, Adèle Deliège, Philippe Grand’Henry, Vincent Lecuyer

Production : Frakas Productions

Article associé : le reportage sur la compétition nationale au FIFF : « L’art d’aimer chez les Belges»

C comme Come What May

Fiche technique

come-what-may1

Synopsis : Quand son épouse, Line, l’appelle depuis l’hôpital, l’univers de Paul vacille…

Genre : fiction

Durée : 16’

Pays : Belgique

Année : 2012

Réalisation : Maxime Feyers et Mathieu Bergeron

Scénario : Maxime Feyers et Mathieu Bergeron

Son : Thibaut Darscotte et Julien Vanhee

Image : Philippe Therasse

Montage: Christopher Yates

Interprètes : Nicole Duret, François Beukelaers

Production : Soupmedia, La Luna Production

Article associé : le reportage sur la compétition nationale au FIFF : « L’art d’aimer chez les Belges»

Q comme Que la suite soit douce

Fiche technique

Que la suite soit douce (Nasty Bitter Sweet) – Teaser from oriGine films on Vimeo.

Synopsis : Au cœur d’une ville qui part à la dérive, la rencontre de deux solitudes se transforme en une course effrénée, entre fuite et quête amoureuse.

Genre : fiction

Durée : 22’

Pays : Belgique

Année : 2012

Réalisation : Alice De Vestele

Scénario : Antoine Cuypers

Image : Frédéric Noirhomme

Son : Thomas Grimmlandsberg

Montage : Elif Uluengin

Interprètes : Catherine Grosjean, Sam Louwyck, Eric Godon, Fernand Dubuy, Rob Hayden

Production : Entre Chien et Loup

Article associé : le reportage sur la compétition nationale au FIFF : « L’art d’aimer chez les Belges»

C comme Les Corps conducteurs

Fiche technique


Les corps conducteurs (film intégral) de Zeno Graton on Vimeo.

Synopsis : Deux acteurs répètent un texte, ils se déchirent une dernière fois.

Genre : fiction

Durée : 9’

Pays : Belgique

Année : 2011

Réalisation : Zeno Graton

Scénario : Zeno Graton

Image : Juliette Van Dormael

Son : Harry Charlier

Interprètes : Judith Williquet, Damien Côme, Bernard Chapelle

Production : Kino Kabaret

Article associé : le reportage sur la compétition nationale au FIFF : « L’art d’aimer chez les Belges»

Compétition nationale au FIFF : L’art d’aimer chez les Belges

Si les voies du Seigneur sont, dit-on, impénétrables, celles de l’amour quant à elles, sont innombrables. En visionnant les 19 courts métrages sélectionnés dans la compétition nationale du festival du film francophone de Namur, il est intéressant de constater qu’une grande majorité des films aborde les sentiments amoureux. Et les cinéastes d’aujourd’hui le savent aussi bien que de Musset à son époque : on ne badine pas avec l’amour !

Cela est d’autant plus vrai qu’à l’heure actuelle s’impose le constat déconcertant de l’amour consommable, libéré de toute contrainte sociale (ou presque), de l’amour minuscule, émasculé de ces voluptueuses majuscules mensongères, l’amour désabusé qui porte en son sein les marques d’une libération sexuelle pas (encore) tout à fait assumée. Ce n’est plus un secret, dans notre société occidentale, les amoureux portent tous les stigmates des échecs de la passion. Démonstration en six courts.

Vertiges de l’amour

L’un des premiers symptômes de l’état amoureux serait entre autres cette sensation tenace et certainement inévitable qu’est la jalousie. Lorsque vous sentez que l’être aimé attache un peu trop d’importance aux attentions d’une tierce personne, l’esprit est prêt à toutes les dérives, à tous les excès. C’est de façon tout à fait délicieuse et drôle que le tandem Ann Sirot et Raphaël Balboni l’ont représentée dans « Fable domestique », un film séduisant se démarquant de tous les autres par sa fraîche originalité.

Adrien visite une maison avec sa femme qui arrive en retard. Durant la visite, il la surprend à sourire à un inconnu. Piqué au vif, jaloux sans se l’avouer, il reçoit une curieuse convocation pour une nouvelle visite. Mais cette fois-ci, il se rend seul à la maison où son nom est curieusement inscrit sur la sonnette. Après « La Version du loup », le couple de scénariste-réalisateur développe un univers théâtral, rappelant celui du 19ème siècle par le choix d’un phrasé châtié, du port de costumes d’époque et d’une mise en scène quelque peu vaudevillesque. Les comédiens Laurent Cappelutto et Sandrine Blancke mettent leur amour à l’épreuve non pas par les méandres du vice et de l’érotisme comme dans le fiévreux « Eyes Wide Shut » de Kubrick mais par un astucieux jeu de devinettes. La mise en scène s’axe sur une certaine verticalité : Adrien descendra jusqu’aux cuisines (les tréfonds de son âme) pour mieux remonter aux étages. Et ce ne sera que dans la pièce du milieu que les époux pourront enfin s’affronter, accepter de dialoguer et faire ressortir leurs sentiments.

Maxime Feyers et Mathieu Bergeron, eux, ont une approche aussi classique que délicate de l’amour dans « Come What May ». Un film contemplatif qui pose une réflexion sur la longévité des sentiments et du couple. Lynne et Moreau sont à la retraite. Lynne a un rendez-vous chez le médecin. À sa sortie, elle appelle Moreau pour lui annoncer quelque chose d’important. Quand il vient la chercher, au lieu de dévoiler ce que le médecin lui a dit, elle veut à tout prix partir à la campagne pour profiter d’un moment avec son compagnon de vie, devenu un peu trop bourru à son goût. Dans ce film, de longs plans travaillés s’arrêtent sur les gestes de tendresse derrière lesquels on devine les épreuves de la vie. Pour leur premier film, Feyers et Bergeron ont le mérite de livrer une œuvre touchante et juste, dans cette façon précieuse de filmer le temps qui passe.

come

De son côté, « Atomes » d’Arnaud Dufeys montre, lui, le désir homosexuel latent et palpable qui naît entre Hugo, éducateur dans un internat et Jules, l’un de ses étudiants. Dufeys mêle révolte insolente et pure innocence dans une mise en scène maîtrisée à laquelle s’ajoute l’interprétation à fleur de peau de Vincent Lecuyer.

L’amour à mort

Aimer à en perdre la raison car le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point. Aimer n’est pas toujours synonyme de luxe, calme et volupté. Les Phèdre et les Hermione, les Pyrrhus et les Oreste se sont travestis, ont traversé le temps pour demeurer immortels. C’est ce que l’on constate dans certains films comme « A New Old Story » d’Antoine Cuypers, Prix du Meilleur court métrage de la compétition nationale, qui revisite le mythe de l’amour toujours et de l’amour impossible. En victime de la passion, le chanteur-acteur Arno rayonne, assurément.

new

Cliquer sur l’image pour visionner le film

Dans la même veine (ce n’est pas étonnant car on retrouve Antoine Cuypers au scénario) et dans le même souci de la forme, « Que la suite soit douce » d’Alice De Vestele parle de la douleur d’aimer sans être aimé en retour, de la difficulté de se reconstruire après une rupture. L’amour est cette chose tenue qui nous rend fragile et vulnérable. De Vestele et Cuypers jouent tous deux sur les frontières et les limites de ce sentiment qui nous emmène parfois, à la dérive, sur le chemin de la folie. Les personnages se perdent dans les labyrinthes de leur passion. Ils se rencontrent et s’affrontent avec violence. Dans les deux cas, la forme (caméra très mobile, musique, jeu d’acteurs) sert l’histoire et se fait l’écho de l’énergie paradoxale qui anime l’émotion amoureuse.

Avec « Les corps conducteurs », le jeune Zeno Graton s’attaque de son côté au déchirement des êtres, des âmes et des corps dans une mise en abyme envoûtante, volontairement clipesque. Deux acteurs répètent un texte. Elle lui demande de le lui faire répéter, il s’exécute parce qu’il a justement un peu de temps devant lui. Le texte de la pièce devient le sous-texte de ce que vit le couple au même moment. Les deux situations fusionnent pour ne faire plus qu’une dans un crescendo violent, fruit des non-dits et des frustrations accumulées. A nouveau, la forme reflète le trop plein (à la dispute du couple, répond une utilisation de la musique originale et pertinente) et montre la volonté d’affirmer un style qui rompt avec les codes traditionnels.

Ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre

L’amour serait-il mort ? La compétition nationale du FIFF, de cette année, nous démontre à quel point cette idée est fausse. Et même si l’amour ne se vit plus de la même façon, si l’approche des êtres et la révélation de leur âme n’a plus la même enveloppe, les cinéastes ont ressenti le besoin d’en parler, preuve que Vénus/Aphrodite, même customisée, demeure une obsession inévitable de l’artiste qu’il soit d’hier ou d’aujourd’hui.

Marie Bergeret

Consultez les fiches techniques de « Fable domestique », « Come What May », « Atomes », « A New Old Story », « Que la suite soit douce » et « Les corps conducteurs ».

Festival International du film francophone (FIFF) 2012

fiffComme chaque année, en Belgique, le mois de septembre célèbre sa rentrée cinématographique avec le Festival International du film francophone (FIFF) de Namur. Du 28 septembre au 5 octobre s’est tenue la 27ème édition qui, à nouveau, a livré une sélection diversifiée et engagée, accompagnée de personnalités telles que Bruno Podalydès, président du Jury longs métrages, Sandrine Bonnaire, Benoît Magimel ou encore Amira Casar, présidente du Jury courts métrages. Voici, après réflexion, les impressions et les coups de cœur de Format Court sur les deux compétitions de courts métrages.

Retrouvez dans ce focus:

La critique d' »Atomes » d’Arnaud Dufeys (Belgique)

La critique de « On The Beach » de Marie-Elsa Sgualdo (Suisse)

le reportage « Compétition internationale au FIFF : portraits de la jeunesse francophone »

le reportage « Compétition nationale au FIFF : L’art d’aimer chez les Belges »

la critique des « Meutes » de Manuel Schapira (France, 2012)

la critique de « A New Old Story » de Antoine Cuypers (Belgique, 2011)

le Palmarès 2012

le focus 2011

et d’autres sujets à venir.

Panshin Beka Winoni de Jan Kounen

Projeté en première partie de « Koyaanisqatsi » de Godfrey Reggio, lors de la dernière édition de l’Etrange Festival, « The story of Panshin Beka » est l’un des huit segments du film « 8 » réalisé dans le cadre de la campagne Huit Fois Oui visant à promouvoir les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) fixés lors du Sommet du Millénaire au début des années 2000 au Siège des Nations Unies à New York. Ce film traite de l’un des huit objectifs du millénaire, améliorer la santé maternelle.

Emmitouflée dans son hamac, Panshin Beka émerge d’un rêve joyeux et mystérieux, elle se rend compte que l’enfant qu’elle porte est sur le point de naître. Les femmes de la communauté l’aident à accoucher, mais des complications surviennent et obligent son mari à partir chercher de l’aide en pirogue… Comme on l’entend dans le film, « elle pleurait, elles avaient déjà tiré les cheveux de l’enfant. Elle n’arrivaient pas à le sortir, ses os étaient déjà fracturés. A la dernière minute, ils l’emmenèrent à l’hôpital… ».

pashin-bekajan-kounen-3

Le scénario du film s’est construit autour des récits de sages-femmes que Jan Kounen a pu collecter lors de ses différents séjours au sein de la communauté des Shipibos d’Amazonie péruvienne, au bord du fleuve Amazone. Au contact de ce peuple, il s’est imprégné de leur quotidien, de leurs préoccupations et notamment des risques liés à l’accouchement.

Ce film détient en lui à la fois la part lumineuse et la part sombre du cinéma de Jan Kounen. Cela se reflète notamment par l’importance donnée au fleuve dans le film : il est à la fois synonyme de vie et de mort. Le fleuve Amazone est un lien sacré pour les hommes, de par leur histoire et l’organisation de leur vie, mais aussi un terrible obstacle lorsqu’une urgence survient. En un plan, le réalisateur de « Darshan – L’étreinte » rend subtilement compte de cette ambiguïté. Lorsque Panshin Beka souffre sur la pirogue, elle demande à sa grand mère ce qui se passe après la mort, tandis que les rayons du soleil continuent à se refléter avec grâce sur le fleuve.

Pour la petite histoire, ce film a aussi vu le jour à cause d’une promesse. Lors de précédent repérages dans cette communauté, où le réalisateur de « Dobermann » avait trouvé l’inspiration pour son long métrage « Blueberry » et son documentaire « D’Autres Mondes », il avait promis de retourner là-bas filmer la femme qui joue la grand-mère de Panshin Beka. Cette sage-femme et grande guérisseuse entretient une relation privilégiée avec Jan Kounen. Ce film fût l’occasion pour le réalisateur de retrouver à travers elle, sa propre grand-mère décédée lors d’un accouchement.

« Panshin Beka Winoni » mêle habillement témoignages et reconstitution, il recueille avec pudeur les confidences de ces femmes et se fait le témoin de leur tragique situation. Les voix, les mélodies, les visages expriment avec grâce et mélancolie le destin funeste de Panshin Beka. Les premiers plans du film sont une invitation faite au spectateur : les chants poétiques bercent l’oreille, le somptueux noir et blanc captive la rétine et les plans steadicam montrent le chemin, vers d’autres mondes.

pashin-bekajan-kounen-2

Plutôt que de décrire âprement la dure réalité d’un village isolé d’Amazonie, le film propose au spectateur de percevoir le lien sacré que cultive un peuple avec le monde qui l’entoure. Le réalisateur a l’intelligence d’emprunter aux hommes et aux femmes qu’il filme leur langage et leur histoire pour mieux nous faire adopter leur point de vue. On le constate, une énergie particulière émane de ce film, faite d’éclat et de noirceur, de sincérité et de profondeur, ce qui en fait sans doute le film le plus personnel de son auteur.

Julien Beaunay

Pour découvrir les autres courts du film collectif « 8 », cliquez ici.

Article associé : l’interview de Jan Kounen

Etrange Festival 2012

Comme chaque année, à la rentrée automnale, l’Etrange Festival investit le Forum des Images et propose une programmation pointue et alléchante. Cette dix-huitième édition n’aura pas dérogé à la règle et aura eu son lot magique d’avant-premières très attendues (Samsara, Insensibles…), de pépites du cinéma underground et de rencontres avec des grands noms du cinéma alternatif (Kenneth Anger, Jan Kounen…). Elle nous aura aussi proposé une sélection imposante de 45 courts métrages de tous horizons.

etrange-festival-2012

Pour la deuxième année consécutive, Format Court était présent sur la manifestation pour couvrir, entre autres, la sélection de courts métrages et rencontrer Jan Kounen, au détour d’une interview filmée.

Retrouvez dans ce Focus :

L’interview de Jan Kounen
La critique de « Posledný Autobus » (The Last Bus) de Ivana Laucíková et Martin Snopek (Slovaquie)
La critique de « Panshin Beka Winoni » de Jan Kounen
La critique de « Cornée » de Stéphane Blanquet
– L’Etrange Festival, le 18ème palmarès
– Etrange Festival, billet 5
– Etrange Festival, billet 4
– Etrange Festival, billet 3
– Etrange Festival, billet 2
– Etrange Festival, billet 1

Rappel. Soirée Format Court n°7, ce jeudi, à 20h30, au Studio des Ursulines‏

Un baiser aux multiples possibilités. Une version animée de  » Maman a tort » de Mylène Farmer. Une route du Paradis en sens interdit. Un débat sur l’homosexualité dans des toilettes d’école. Un tango sans Stallone. Cela ressemble à une nouvelle soirée de projection Format Court. Et c’est le cas !

Cette séance, dont revoici la programmation, aura lieu le jeudi 8 novembre au Studio des Ursulines, avec, comme toujours, une rencontre avec les équipes des films projetés. Alors, sautez le pas ! Et à défaut, parlez autour de vous de cette soirée avec des mots d’Amour.

relance1

Infos pratiques

Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris

PAF : 6 €

Réservations souhaitées : soireesformatcourt@gmail.com

Accès au cinéma

BUS 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon).
 RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée).

Musique de chambre de Julia Kowalski

Prix TV5 du meilleur film francophone, mention spéciale du Jury Presse, encensé par le Jury Jeune, le court métrage « Musique de chambre  » semble bien avoir fait l’unanimité lors du dernier Festival Paris Courts Devant. Lorsqu’on voit le film, on est alors prévenu. En réalité, le film provoque une gêne tant il propose une vision crue de la découverte de la sexualité et c’est peut-être une des raisons qui lui vaut de rester dans les esprits.

Le pitch, le voici. Rose, 12 ans, participe à une colonie musicale. Elle partage sa chambre avec deux adolescentes et découvre, un peu malgré elle, la sexualité qui la pousse à sortir de l’enfance. Pour raconter ce passage à l’adolescence, Julia Kowalski choisit seulement et strictement le point de vue de Rose. Si bien que tout passe par son regard et son interprétation dans ce décor quasi intemporel de colonie de vacances, qui apparaît comme un huis clos. La sexualité attise alors toute sa curiosité qu’elle éprouve face à l’inconnu, mais créé aussi une crainte ainsi qu’un certain dégoût.

musique-de-chambre-julia-kowalski1

Le film est construit en scènes alternées. D’un côté, celles où l’on est avec tous les pensionnaires apprentis musiciens, lors des répétitions ou bien en excursions, qui sont les seuls moments où les garçons sont présents, de l’autre côté, celles où l’on se retrouve dans la chambre de Rose qu’elle partage avec une fillette de son âge et deux adolescentes qui exposent leurs exploits sexuels et leurs objectifs de séduction au sein du groupe.

La chambre apparaît alors comme le lieu de l’intimité féminine, mais aussi de voyeurisme puisque Rose observe et suit les conversations des deux grandes sans qu’elle soit réellement invitée à y participer. Et les adolescentes mettent tant de passion à raconter leurs histoires que Rose en arrive à avoir de l’admiration pour elles, c’est précisément ce qui la poussera à vouloir les imiter, sans bien saisir tout ce qu’il en retourne.

Tous les éléments qui marquent la puberté sont présents comme des étapes du passage à l’adolescence de Rose : celle-ci se mettra à essayer le soutien-gorge de l’une, avalera une pilule contraceptive de l’autre, se moquera de sa petite camarade qui joue avec un tampon hygiénique, jusqu’à suivre secrètement les ébats sexuels d’une des deux grandes et renverser sur son ventre, le sperme du préservatif utilisé à la fin de l’acte.

La musique de Daniel Kowalski marque également la transition vers l’adolescence de Rose : les airs, classiques lors des moments de répétition, témoignent de la période de l’enfance, puis, ils deviennent électro lorsque Rose observe, admire, apprend. La musique devient même un peu plus brutale, à l’image de cette sortie de l’enfance, pas toujours évidente aussi bien physiquement que moralement.

musique-de-chambre-julia-kowalski2

Pour camper ses personnages, Julia Kowalski a choisi des jeunes doublés de musiciens. Aucune pincette n’est prise dans leur langage pour faire part de leurs préoccupations adolescentes (la drague et le sexe). Tour à tour, ils récitent les mots crus écrits par la réalisatrice elle-même. Le pari était risqué car l’interprétation fait parfois défaut dans ce court métrage.

Néanmoins, le film est réussi tant il fait part, sans fard, de la cruauté de ce passage à l’adolescence, et surtout parce qu’il est perçu par une fillette de 12 ans qui préfère finalement abandonner l’innocence de l’enfance pour cette phase si complexe de « l’entre-deux âges ». Et même si le sujet est assez récurrent dans le cinéma et si il est souvent traité sur un ton cru et dur, le tableau dressé par Julia Kowalski reste attachant par l’intimité et la féminité qu’elle créé, de la même manière qu’elle en fait un film identitaire grâce aux origines polonaises qu’elle a en commun avec le personnage de Rose.

Camille Monin

Consulter la fiche technique du film

M comme Musique de chambre

Fiche technique

Synopsis : Rose, 12 ans, passe ses vacances en colonie musicale. Le jour elle joue de la flûte traversière au sein d’un orchestre. La nuit elle partage sa chambre avec deux clarinettistes de 16 ans. Par procuration Rose s’efforce de sortir de l’enfance.

Genre : Fiction

Durée : 22’30’’

Pays : France

Année : 2012

Réalisation : Julia Kowalski

Scénario : Julian Kowalski

Image : Simon Beaufils

Montage : Florence Bresson

Son : Philippe Deschamps

Décors : Carmen Beillevaire

Musique : Daniel Kowalski

Interprétation : Louisiane Gouverneur, Eva Baranes, Clémentine Billy, Hildegarde Fesneau, Matthieu Maytraud, Sinouhé Gilot

Production : 10 :15 Productions

Article associé : la critique du film

Protoparticulas de Chema García Ibarra

Participant dans l’espace à l’expérience scientifique « Protomatière », un homme est irradié par des tachyons. Son corps se décompose puis se transforme en protoparticules qui, désormais, « nourrissent sa conscience et ses souvenirs ». Seule sa combinaison le préserve de sa « dissolution dans l’Univers » et il décide de revenir sur terre pour en discuter avec les scientifiques. Là, il s’aperçoit que du fait d’un « pli temporel », il est revenu 96 ans en arrière…

Projeté lors de l’édition 2012 du festival Paris Courts Devant dans la thématique Paris Court Devant invite l’Espagne, « Protoparticulas » m’a rendu hilare tout en me donnant le sentiment que son humour était malheureusement demeuré plutôt étranger au public présent, bien plus expressif devant d’autres courts. Je me suis alors senti un peu seul comme le héros de « Protoparticulas ». Peut-être cette situation s’inversera-t-elle un peu, avant que 96 années ne passent, avec cet article sur ce troisième court métrage de Chema García Ibarra, après « Miaau » (2007) et « El Ataque de los Robots de Nebulosa-5 » (2008) ?

Procédons d’abord à quelques explications scientifiques complémentaires telles qu’elles nous sont données dans le film. « Selon certaines théories, la Protomatière est la substance originelle de ce tout ce qui existe dans l’Univers. (… ) La Protomatière est obtenue grâce à une machine qui émet des ondes de tachyon pour décomposer l’atome ». Précisons aussi que si elle n’a pas été prouvée scientifiquement à ce jour, l’hypothèse de l’existence des tachyons a inspiré un certain nombre d’auteurs de science-fiction.

En 20 plans, le plus souvent fixes, et un peu plus de sept minutes, « Protoparticulas » est une capsule visuelle et sonore qui nous fait transiter dans l’univers d’un être déjà disparu ou dédié à sa folie entre documentaire et (science-) fiction. Comment en être totalement sûr vu que Chema García Ibarra efface nos repères habituels ? Il nous faut donc lire entre les lignes et les scènes. Patienter. Par exemple, la scène d’ouverture, la plus longue (un peu plus d’une minute) est silencieuse. En temps réel, très tôt le matin ou très tard en pleine nuit, dans une ville occidentale ordinaire, un individu sort d’un immeuble au loin et s’avance vers nous. Le noir et le blanc du film, l’immobilité des voitures garées comme la tranquillité du quartier apportent une atmosphère un peu étrange. Cette personne qui porte un casque, est-ce un motard ? Une femme ? Un homme ? Quelqu’un qui se rend à son travail ? En une minute, nous avons le temps de gamberger pour finalement constater que notre protagoniste a accompli tout ce chemin dans le seul but de jeter un sac poubelle et un carton de boîte à pizza dans la benne à ordures se trouvant devant nous, au premier plan ; une benne à ordures que nous avions jusqu’alors ignorés, focalisés que nous étions sur cette apparition de forme humanoïde. A peine l’avons-nous compris qu’un fondu clôt ce premier plan. A cet instant, s’enclenche un monologue évoquant un pré-enregistrement sur bande magnétique narrant l’histoire de notre astronaute. Car notre personnage se déplace, tout le film durant, dans la tenue de celui qui revient d’une expérience spatiale. Cette voix, imperturbable, nous narrant le passé et le futur de notre « homme » alors que nous réceptionnons son présent, sera le principal trépied sonore de « Protoparticulas ».

protoparticulas

Nous croyons que cette voix est celle de notre héros. Nous apprendrons à la fin du film que nous avons pourtant été leurrés à ce sujet. Chema García Ibarra multiplie les paradoxes et les anachronismes (par exemple, notre cosmonaute tape laborieusement son histoire sur une machine à écrire mécanique alors qu’une affiche nous indique que nous sommes au moins en l’an 2003). S’établit alors la description d’un monde, le nôtre, fait de dépersonnalisation et de solitude mais où, malgré tout, un peu d’affection et de tolérance restent possibles. Notre personnage trouve ainsi un certain réconfort en la personne d’Asuncion et de José Manuel qui l’acceptent tandis qu’il les aide, nous dit-il, pour de menues tâches et remplit le rôle du père et du grand frère qu’ils n’ont pas eus. La tolérance est aussi une vertu sociale de ce film car lorsque notre mystérieux spationaute, dont nous ne verrons jamais le visage et dont n’entendrons jamais la voix véritable, accomplit certains actes de la vie quotidienne dans sa tenue de l’espace, telles que faire ses courses, éplucher une orange dans un jardin public ou tenir la caisse du magasin d’Asuncion, les personnes qui le croisent semblent s’en accommoder avec bienveillance.

Mais qu’avons-nous vu et entendu exactement ? Un extra-terrestre ? Un homme qui, du fait d’un accident qui l’a mis en contact avec la protomatière, est véritablement revenu 96 ans en arrière ? Ou le récit d’un fou nous offrant son délire avec la part de souvenirs et de vérités que celui-ci recèle de notre vie et de notre monde ?

Très rusé, et espiègle, Chema García Ibarra fait semblant de nous répondre : dans l’ultime plan du film, notre cosmonaute joue au loto avec José Manuel mais aussi avec notre imaginaire. Absurde, délire, sursis et catharsis contre les turbines du rendement, du désespoir et de l’uniformité, « Protoparticulas » est un magma de tout cela.

Franck Unimon

Consulter la fiche technique du film

P comme Protoparticulas

Fiche technique

Synopsis : L’expérience a failli aboutir : la protomatière existe.

Réalisation : Chema Garcia Ibarra

Genre : Fiction

Durée : 7′

Pays : Espagne

Année : 2009

Scénario : Chema Garcia Ibarra

Interprétation : José Antonio Fernandès, José Manuel Ibarra, Susi Martinez, Pedro de la Ossa, voix de Juan Carloz Diaz

Montage : Chema Garcia Ibarra

Image : Alberto Gutierrez

Décors : Leonor Díaz Esteve

Production : Leonor Diaz Esteve et Chema Garcia Ibarra

Article associé : la critique du film

Nouveau Prix Format Court au Festival européen du Film Court de Brest !

Pour la première fois, nous remettrons un prix Format Court à l’occasion de la 27e édition du Festival européen du Film Court de Brest. Depuis la création du site, en 2009, nous observons attentivement les oeuvres fortes et originales dénichées dans tous les coins de l’Europe par ce festival éclectique, ayant véritablement sa place dans le monde du court. A l’instar des prix précédents, le lauréat, déterminé par le Jury Format Court (Marie Bergeret, Camille Monin et Katia Bayer) dans la compétition européennne du festival, bénéficiera d’un dossier spécial sur le site et son film sera projeté le 14 mars 2013, à l’occasion de la carte blanche offerte par Format Court au Festival de Brest, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème). Huit programmes reprenant 41 courts métrages de fiction, dont de nombreux premiers films et films d’écoles, composent cette sélection officielle.

Compétition européenne

COMPÉTITION 1
For better or for worse – Victor Vroegindeweij – Pays-Bas / 7’20 / 2011
Prematur – Gunhild Enger – Norvège / 17’ / 2012
Short for vernesa – B. Jons Vukorep – Allemagne – Bosnie-herzégovine / 10’47 / 2011
Ainult Meie Kolm – Giampietro Balia – Estonie / 29’ / 2011
her name is crasy – Paillowski brothers – France / 19’ / 2012

COMPÉTITION 2

Voice over – José Martín Rosete – Espagne / 10’ / 2012
Dos au mur – Miklos Keleti – Belgique / 13’21 / 2011
Voisin voisin – Timothée Augendre & Geoffroy Degouy – France / 18’25 / 2011
Kaninuholan – Guðmundur Hallgrímsson – Islande / 20’15 / 2011
Le syndrome du cornichon – Géraldine Doignon – Belgique / 21’ / 2012

COMPÉTITION 3

Abgestempelt – Michael Rittmannsberger – Autriche / 11’ / 2012
Chasse à l’âne – Maria Nicollier – Suisse / 15’ / 2011
Tabăra din – Răzoare Cristi Iftime – Roumanie / 22’ / 2012
Flow – Hugues Hariche – France / 23’ / 2012
I have a boat – Nathan Nill – Allemagne / 14’ / 2011

COMPÉTITION 4

Goose – Morgan Simon – France / 15’24 / 2011
Was uns zusteht – Thomas Szabó – Allemagne / 23’30 / 2012
The cricket – Stefano Lorenzi – Italie / 13’ / 2011
Djurens dag – Tommi Seitajoki – Finlande / 22’30 / 2011
Alien repair guy – Alexander Somma & Øystein Moe – Norvège / 10’40 / 2012

COMPÉTITION 5

Prora – Stéphane Riethauser – Suisse / 23’ / 2012
Oči, a lahko jaz šofiram? – Miha Hočevar – Slovénie / 14’ / 2011
Everything falls apart – Andrew Amorim – Norvège / 12’30 / 2011
Cagey tigers – Aramisova – République Tchèque – Slovaquie / 23’ / 2011
Sanguetinta – Filipe Abranches – Portugal / 12’ / 2012

COMPÉTITION 6

Zimmer 606 – Peter Volkart – Suisse / 15’ / 2012
Fireworks – Giacomo Abbruzzese – France – Italie / 21’ / 2011
Klein – Sanne Vogel – Pays-Bas / 6’35 / 2011
Hiljainen Viikko – Jussi Hiltunen – Finlande / 17’30 / 2011
Rhinos – Shimmy Marcus – Irlande / 17’ / 2012
After – Lukasz Konopa – Royaume-Uni – Pologne / 7’ / 2011

COMPÉTITION 7

Tiger boy – Gabriele Mainetti – Italie / 20’ / 2012
A.B.E. – Jean-François Hassoun – France / 16’25 / 2011
Vegtelen percek – Cecilia Felméri – Hongrie – Roumanie / 19’ / 2011
Obedna pochivka – Ivaylo Minov – Bulgarie / 18’20 / 2012
Hyvä Päivä – Teemu Nikki – Finlande / 10’30 / 2011

COMPÉTITION 8

The farmer’s wife – Francis Lee – Royaume-Uni / 18’ / 2012
Just a perfect day – Evris Papanikolas – Grèce / 6’ / 2011
Bedemanden – Martin Winther – Danemark / 20’ / 2011
Le cri du homard – Nicolas Guiot  – Belgique – France / 30’ / 2012
Prochainement sur vos écrans – Fabrice Maruca – France / 11’ / 2011

Festival de Brest, la compétition française

Le Festival de Brest inaugure cette année une nouvelle compétition, celle des films français, et l’ouvre aux premiers films et films d’école. Une dizaine de titres, regroupés en deux programmes, la compose.

COMPÉTITION 1

Les parapluies migrateurs/Mélanie Laleu / 20’ / 2012
Stronger/Victor Rodenbach & Hugo Benamozid / 14’ / 2011
La sole, entre l’eau et le sable /Angèle Chiodo / 15’ / 2011
Polaroid song / Alphonse Giorgi & Yann Tivrier / 19’15 / 2012
Les filles du samedi / Emilie Cherpitel / 15’ / 2011

COMPÉTITION 2

Chacun sa nuit / Marina Diaby / 30’ / 2012
Cendres / Jérome Farrugia / 11’ / 2012
Le propriétaire / Wei Hu / 24’30 / 2012
Le sourire du plombier / Guillaume Chevalier / 3’30 / 2012
Que puis-je te souhaiter avant le combat ? / Sofia Babluani / 15’37 / 2012

Festival de Brest, la compétition Cocote Minute

Parmi les films en compétition au Festival de Brest, figure ceux de la section Cocote Minute, d’une durée de moins de 10 minute et sans dialogues. Mélange de formes et de styles différents, ce programme décalé dévoilera cette année treize histoires audacieuses, et souvent loufoques.

Films en compétition

– .363 ep.2 – Jessy Deshais & Daniel Ablin – France / 4’17 / 2012
– What it seems – Jakob Schmidt – Allemagne / 4’30 / 2012
– Melvin – Benoît Monney & Sami Khadraoui /Suisse / 6’ / 2012
– Jäsningen – Åsa Maria Bengtsson /Suède / 9’06 / 2011
– Riders to the sea – Orla Walsh / Irlande / 5’10 / 2010
Noise – Przemyslaw Adamski /Pologne / 8’ / 2011
– Der philatelist – Jan-Gerrit Seyler / Allemagne / 7’20 / 2011
– Extreme walks – Agnes Sklavos & Stelios Tatakis /Grèce / 5’15 / 2011
– Year zero – offf barcelona 2011 – Mischa Rozema / Pays-Bas – République Tchèque / 6’20 / 2011
– Ibijazi – Luc Feit /Luxembourg / 8’30 / 2011
– (IN) – Mikko Kallinen /Finlande / 6’56 / 2011
– Waterbaby – Andrea Harkin /Royaume-Uni / 6’20 / 2011
– Oh merde ! – Aliocha Itovich & Guillaume Ducreux /France / 8’33 / 2012

Filmer la violence à distance : aller au-delà de la provocation ? Critique de « Les Meutes » de Manuel Schapira

La violence n’est pas seulement affaire de coups, ou encore d’état psychologique extrême, elle a également à voir avec l’éthique. Chaque cas de combat physique nous amène, en effet, à questionner ses origines et son sens, non seulement pour les personnes engagées dans le duel mais aussi pour l’humanité entière. La violence n’est jamais (totalement) gratuite, et le cinéma s’est avéré l’un des transmetteurs les plus aptes à la décrire et à en analyser les causes, voire à la dénoncer (de par la quantité phénoménale de thriller, de films noirs, etc., mais également par le truchement d’une situation concrète avec l’exposition d’une logique (senti)mentale, par exemple). D’où vient la violence ? De quelle nature est-elle ? Comment l’expliquer pour mieux l’appréhender ?

Face au récent court métrage « Les Meutes », réalisé par Manuel Schapira, Prix de la Presse au dernier Festival Paris Courts Devant, le spectateur est en droit de se poser des questions similaires. Relatant une anecdote parisienne, où un jeune homme de peau blanche fait face à un événement de violence extrême, le film décrit minute après minute l’épisode traumatique vécu par le protagoniste. Décidé à participer à une pendaison de crémaillère dans un quartier huppé, l’homme assiste dans une cage d’escalier à l’explosion de violence de deux hommes de peau basanée, après qu’ils aient été refoulés de la même soirée. Le protagoniste, lui, est seulement le témoin de la scène. Il est un spectateur chétif et lâche, auquel le cinéaste invite le spectateur du film à s’identifier. Mais est-il possible de s’identifier à ce personnage ? Dans quelle position le film place-t-il son spectateur ?

les-meutes-manuel-shapira

La ciné-anecdote : le monde hic et nunc

« Les Meutes » est un film au présent. Au présent d’une situation complexe, où le personnage-spectateur fait l’expérience de la violence tout en ne pouvant rien faire. Vraiment ? Ne peut-il rien faire ? Sur le plan législatif, cela s’appelle “non assistance à personne en danger”. Mais nul ne lui reprochera pas son inaction puisque la violence est extrême, qu’il est seul, et qu’il n’est pas préparé à cela. Mais au fond, n’a-t-il pas tort de tenter d’appeler d’autres personnes plutôt que d’intervenir pour tenter de sauver la victime ? Cette question, c’est au spectateur de se la poser et, en conscience, de s’imaginer quelle aurait été sa propre réaction. La réelle qualité du film se trouve ici, dans sa capacité à soulever des questions.

Habituellement, les films de Manuel Schapira ne se veulent pas psychologiques, c’est-à-dire qu’ils se refusent à toute appréhension mentale, à toute verbalisation d’un état d’être. Les personnages sont posés là, et sont confrontés à une situation de violence qui, elle, aura néanmoins des répercussions psychologiques. Mais ces films se refusent aussi à traiter des conséquences. Alors que reste-t-il ? Dans cette démarche a priori séduisante car dépouillée, il ne reste que la situation (envenimée) et des personnages à lire entre les lignes. Un précédent film, La fille de l’homme (2010), montrait un père, sortant dans la rue avec sa petite fille, qui était victime des insinuations de kidnapping par de jeunes hommes dans la rues. Tout en portant un intérêt réel sur le plan sociologique, les deux films s’en tiennent à montrer le fait. Enfin presque… Car n’y a-t-il pas derrière cette démarche à la fois politique (l’intrigue) et faussement désintéressée (la mise en scène), un désir de provoquer, de pousser à bout le spectateur pour le faire réfléchir sur lui-même ? Provoquer le débat est une belle chose, mais le spectateur a-t-il toutes les cartes en main pour pouvoir juger ?

C’est là où le bât blesse : le cinéaste semble, dans une certaine mesure, ouvrir le débat et le fermer immédiatement. Cela demande explication : à partir du point de vue adopté, plutôt distancier, dans « Les Meutes », le cinéaste ne se prononce d’abord pas. On assiste à un déferlement de violence venue de loin et à la réaction (ainsi qu’au remords ?) d’un jeune homme. Mais rien ne permet de comprendre ce qui se passe; c’est comme si le film refusait de donner sa vision, son orientation. En regardant tout de loin, de manière assez neutre, en mettant de côté les causes et les conséquences, le cinéaste ne se place-t-il pas finalement au-dessus de la mêlée tout en pointant l’inaction non seulement du héros mais aussi des spectateurs (potentiellement) à sa place ? En filmant simplement l’anecdote d’une manière désintéressée, et par là même provocatrice, on a le sentiment que le film dit : « Vous auriez agi de même. Vous n’auriez rien fait. » Se faire a priori moraliste ou a posteriori redresseur de torts, la mise en scène semble avoir choisi son camp.

Les Meutes 00032

Banaliser les stéréotypes

Une interrogation émerge à l’issue du film : peut-on filmer banalement le mal ? La réponse n’est pas si simple. Car la violence physique est contradictoire : elle n’est absolument pas nécessaire et pourtant elle est nécessairement présente dans la société. Beaucoup pensent la montrer, la télévision s’y emploie à tours de bras. En vérité, que montre-t-elle ? Seulement le fait de violence. Car beaucoup s’intéressent rarement aux commanditaires, aux individus qui violentent, ou ceux qui sont violentés.

Si « Les Meutes » se refuse à donner une orientation pour ne prétendre que montrer, on soupçonne alors qu’il colporte (peut-être sans le vouloir) des clichés. Par exemple, les jeunes hommes qui violentent, dans le film (il en était de même dans “La fille de l’homme”), sont étrangement et systématiquement des individus d’origine maghrébine. En ne voulant montrer que le fait du point de vue du témoin inactif, il banalise le cliché de l’homme violent. D’un autre côté, il banalise également le cliché du bourgeois, d’où l’insistance dans « Les Meutes » sur le dandinement des filles sur la musique avant le générique de fin. Si le cinéma veut montrer sans démontrer, il devra aussi détruire les clichés et regarder pas seulement une mais les quatre faces de la pyramide du Mal.

les-meutes

La chute de la civilisation

« Les Meutes » est intéressant dans la combinaison deux logiques; d’une part, la logique de la fête, c’est-à-dire de l’abandon total dans l’alcool et la légèreté et, d’autre part, celle de la brutalité des faits, inattendue et soudaine. Le film en vient même à se demander s’il n’y aurait pas quelque chose de la vaine destruction au sein même de la situation de fête et s’il n’y aurait pas quelque chose de la construction existentielle dans la situation de destruction. Le frottement de ces deux situations pointent une certaine vanité, présente dans les deux camps, ainsi que la possibilité d’un sursaut, d’une prise de conscience. Dans les deux parties, cependant, l’objet du désir n’est pas défini et l’assouvissement (du plaisir ou de la violence) ne sera que partiel, laissant les êtres dans une forme de frustration.

Aussi finira-t-on par deux réflexions. La première, c’est une question très contemporaine à laquelle devra tenter de répondre le cinéma : celle de la conscience disjointe du monde. Pourquoi la violence ostensible (coups) et la violence intime (suicide) sont-ils de si importants refuges ? Pourquoi avons-nous tant de mal à trouver l’objet de notre pensée et surtout des mots, la manière d’exprimer cet objet ? Le deuxième point, qui en est un prolongement, c’est la question du style. En effet, si le cinéma veut traiter de la violence dans sa complexité, mieux vaudrait ranger la situation provocante au profit d’une démarche de poète, capable de triturer les mots et les images pour rendre compte d’un sentiment précis. C’est peut-être là qu’on trouvera le sens intrinsèque de la bestialité des êtres.

Mathieu Lericq

Article associé : la fiche technique du film