L’Académie des Arts et des Sciences du Cinéma vient d’annoncer sa liste réduite des courts métrages d’animation en lice pour la 85ème cérémonie des Oscars. Sur les 56 candidats initialement annoncés, ils ne sont plus que dix en lice. Les nominations définitives (5 films) tomberont le 10 janvier. Découvrez sans plus attendre la première liste des films retenus et leurs images visibles sur la Toile.
Entre les deux poids lourds de la Fox (« Maggie Simpson in The Longest Daycare ») et de Disney (« Paperman »), la pléiade de productions indépendantes joue la carte de l’authenticité et de la diversité. Dans cette liste, on retrouve avec plaisir et émerveillement de l’animé traditionnel japonais (« Combustible ») au milieu d’oeuvres entièrement dessinées à la main(« Adam and Dog ») ou en stop-motion (« The Eagleman Stag », Fresh Guacamole »). Cerise sur le gâteau, deux productions françaises (« Dripped » et « Tram ») font partie des candidats à la statuette.
Après un film semi-expérimental assez dur de 22 minutes, Fireworks, nous ne sommes pas mécontents de tomber sur cette petite parenthèse de 7 minutes, qu’est « Klein » de Sanne Vogel, dans le programme 6 de la compétition européenne du 27e Festival de Brest.
Dans ce joli film hollandais, une mère emmène pour la première fois, Noortje, sa fille de 12 ans dans un salon de beauté, où elle va découvrir de nouvelles sensations, au contact d’une masseuse qui, à sa grande surprise, est un homme. On suit alors Noortje dans la cabine de massage, où elle se retrouve seule avec le masseur, ce qui n’a pas l’air de rassurer la fillette qui hésite d’ailleurs à retirer le haut de son maillot de bain.
S’ensuit le massage en temps réel, avec une alternance de plans entre ceux des mains du masseur sur le corps juvénile de Noortje et ceux du visage de la fillette immobilisé dans le trou de la table de massage. Au début du massage, Noortje éprouve quelques difficultés à se laisser aller, malgré la musique lounge, l’éclairage reposant et la douce voix du masseur. Au fur et à mesure, elle adopte des mimiques tantôt poilantes tantôt attendrissantes, tant son visage reflète ce qu’elle ressent sous les mains du masseur. A un moment, elle se relaxe jusqu’à en saliver littéralement de plaisir, à un autre, elle redevient une enfant lorsque le massage plantaire la chatouille et la fait rire aux éclats.
Une petite appréhension ne la quitte néanmoins jamais, ne sachant pas ce que va lui faire le masseur et sur quelle partie de son corps il va poser ses mains. Puis, avec le soulagement de la fin du massage, une certaine complicité naît entre les deux individus et le sourire qu’envoie Noortje au masseur est comme un remerciement qu’elle lui adresse pour toutes les sensations qu’il lui aura procurées.
Sanne Vogel, la réalisatrice, réussit avec merveille à nous conter l’émancipation d’une fillette de 12 ans, à nous faire ressentir de la gêne et de la jouissance, en passant du visage tendu de Noortje aux gestes sensuels du masseur, sans jamais que cela paraisse malsain. Le plaisir physique est ainsi perçu avec beaucoup de tendresse et de délicatesse, le « rite de passage » vers la sexualité est filmé avec autant de douceur, malgré le fait que l’on sache pertinemment que l’adolescence est une période particulièrement ingrate, voire violente.
Lorsque le massage se termine, Noortje en sort changée. Lorsque sa mère lui demande si elle n’a pas été perturbée par le fait que le massage ait été fait par un homme, celle-ci lui répond fièrement par la négative. Un simple massage et surtout les premiers émois, auront par conséquent fait d’elle une femme.
John a un seul et unique objectif : remporter le concours Georgia Bodybuilding Championships. Pour cela, il impose à son corps une discipline de fer. Sa vie est rythmée par les entraînements, le reste est accessoire.
Vouloir faire un film sur le quotidien de John, un jeune culturiste, qui possède un poster d’Arnold Schwarzenegger au-dessus de son lit peut laisser perplexe plus d’un spectateur. Hugues Hariche, dont le film « Flow » passe à Brest ces jours-ci, aurait pu se contenter de montrer banalement l’ordinaire de son personnage, John, interprété par John Fournier, culturiste de son état. Au lieu de cela, il dépeint avec justesse un homme seul au milieu des autres, se confrontant à des questions qui résonnent au-delà de la salle de musculation, et nous donne à voir une autre facette de cette discipline méconnue qu’est le culturisme.
En nous rendant témoins de l’intimité de John, en nous apprenant, par la voie de son médecin, qu’après son accident, il n’aurait jamais dû remarcher, en utilisant les codes de la fiction, en structurant le récit autour de la seconde chance, avec un acteur jouant son propre rôle, « Flow » interpelle et semble osciller entre fiction et documentaire.
Ce dispositif hybride rappelle celui employé par Darren Aronofsky dans « The Wrestler », où une ancienne légende du catch tente de revenir dans la lumière après une longue traversée du désert. Aronofsky n’avait bien évidemment pas choisi Mickey Rourke au hasard, son personnage étant largement inspiré de la vie de l’acteur. Si les a priori sont nombreux lorsqu’il s’agit de catch ou de bodybuilding, les deux films réussissent à prendre à contre-pied les préjugés, pour montrer avec honnêteté et sans ambages les tragédies et les destins respectifs vécus par les deux personnages.
Dans « Flow », seule compte la détermination sans failles dont fait preuve John pour atteindre son rêve, celui de remporter le concours de bodybuilding. Imposant, taiseux et obstiné, rien ne semble l’atteindre, pas même Laurie, la jeune femme qui, contrairement aux autres, prend le temps de s’intéresser à lui. Pourtant, lorsqu’une après-midi, il se rend sur la plage pour parfaire son bronzage en vue de la fameuse compétition, deux jeunes hommes se moquent de son physique et font naître chez lui une certaine amertume. Cette scène met en lumière la tension qui existe entre l’image que John offre aux autres et celle qu’il a de lui-même. Ces moqueries permettent aussi d’intégrer à la narration les critiques communément faites au culturisme, sans qu’elles viennent parasiter la perception du récit.
La mise en scène n’est pas la seule à participer à l’isolement de John. En utilisant une lumière saturée voire éblouissante, notamment pour les lumières extérieures, le réalisateur maintient son personnage dans un petit périmètre au-delà duquel le reste du monde est difficilement perceptible. Le jour J, celui du concours, les repères changent : la caméra s’affranchit du personnage de John, prend plus de distance avec lui et admet la profondeur de champ. John se révèle, il se met à exister au travers du regard des gens qui le voient sur la scène. Sous les feux des projecteurs, son visage s’illumine, ses muscles assurent le spectacle, il se métamorphose. Une nouvelle vie commence.
« Flow » parvient avec habilité à aborder un sujet complexe en touchant des problématiques essentielles dans un contexte habituellement réservé aux films d’action. Un véritable tour de force.
Synopsis : John, un jeune bodybuilder, se prépare jour après jour pour une compétition, les NPC Georgia Bodybuilding Championships. Sa vie est un rituel, une mécanique parfaitement réglée. Concentré sur son objectif, il ne lâche rien, espérant atteindre sur scène cet instant de bonheur unique : le flow.
Réalisation : Hugues Hariche
Genre : Fiction
Durée : 22’49 »
Pays : France
Année : 2012
Scénario : Hugues Hariche
Image : Sean Price Williams
Son : Scott Johnson
Montage : Nicolas Desmaison, Jessica Menéndez
Musique : Alexandre Wimmer
Mixage : Ivan Gariel
Interprétation : John Fournier, Michaela Landay, Michael Warshauer, Nicolas V. Costrini, Jared Bacon
Le 27ème Festival européen du film court de Brest a démarré hier soir, avec un programme et un cri du cœur : Shorts’Attack ! Avant de découvrir en fin de semaine notre Prix Format Court, attribué au sein de la compétition européenne, nous vous proposons de découvrir jour après jour, les films qui nous ont le plus séduits, qu’ils soient issus de la Cocote Minute, de la compétition nationale ou européenne.
Lauréat de l’envieux Bayard d’or du meilleur court métrage international au FIFF, « On The Beach » se présente comme une traversée intime des sensations d’une adolescente en quête d’elle-même.
Qui ne se souvient pas, le sourire aux lèvres, de « Mon père ce héros » où Marie Gillain fit sa première apparition à l’écran. Un film joyeux, comique et tendre qui traitait du sujet délicat des enfants issus du divorce. Un peu plus de 20 ans plus tard, Marie-Elsa Sgualdo qui avait déjà abordé la séparation dans « Bam Tchak » approfondit le sujet en le montrant à travers les yeux d’une adolescente de 15 ans.
D’une facture plus sérieuse, la Sara de « On the Beach » diffère grandement de la Véronique de Gérard Lauzier. Elle ne passe pas ses vacances à l’île Maurice en compagnie du paternel qu’elle appelle par son prénom. Non, chez Sgualdo, le père laisse la fille (ou l’abandonne) avec son petit frère à l’entrée du camping de vacances où résident sa mère et son nouveau petit ami. Sara se retrouve à s’occuper de son petit frère en attendant le retour de sa mère. En 20 ans, l’adolescence semble avoir pris en responsabilité tandis que le monde adulte rattrape sa jeunesse en discothèque sur le dernier tube à la mode.
Posant sa caméra au plus proche du corps et du visage de Sara, magnifiquement interprétée par Joanne Nussbaum, la réalisatrice arrive à transmettre chaque doute, hésitation et souffrance de la jeune fille qui a du mal à supporter la frivolité de sa mère. Quand le petit frère disparaît un moment, mère et fille, unies dans la même douleur, ne peuvent s’empêcher de s’affronter, de se confronter et de se culpabiliser. Et les vacances estivales, qui devaient être un moment joyeux, se transforment petit à petit en une troublante et indispensable quête de soi.
Ayant un besoin farouche d’indépendance et une envie inévitable de se sentir désirable, Sara s’isole de la main maternelle, protectrice, tout en voulant s’y réfugier.C’est finalement dans la nature, seule vraie complice et à l’écoute de son mal-être, qu’elle décide de s’abandonner.
Sensible et sensuel, grave et sérieux, « On The Beach » est assurément le plus abouti des films de Marie-Sgualdo. Un Bayard d’or plus que mérité.
Synopsis : C’est l’été, mais la vie est bien compliquée pour Sara, quinze ans. Son petit frère sur le dos, la voilà expédiée chez sa mère pour les vacances. Son père y tient, même s’il s’est fait larguer. Sa mère, elle crèche dans une caravane, au camping. Drôle d’endroit pour refaire sa vie! Heureusement, il y a la plage et les garçons. Encore faudrait-il qu’elle se laisse vivre, Sara…
Genre : Fiction
Durée : 17’
Pays : Suisse
Année : 2012
Réalisation : Marie-Elsa sgualdo
Scénario : Marie-Elsa Sgualdo
Image : Gabriel Lobos
Son : Guilhèm Donzel, Lionel Haflants, Thomas Grimm-Landsberg
Synopsis : Yoann, 17 ans, n’a qu’un rêve dans la vie : devenir footballeur professionnel. À quelques semaines d’un match décisif, Thomas, un nouveau joueur talentueux, arrive dans le club. Il va bouleverser la vie de l’équipe et celle de Yoann.
Au FIFF cette année, pas moins de 11 films sur les 13 en compétition internationale traitaient explicitement de la jeunesse et des questions de quête d’identité, d’exploration de soi et de prise de conscience s’y rapportant. La sélection impressionnante par sa qualité a su mettre à l’honneur un sujet délicat et difficile à maîtriser. A l’heure actuelle où les multiples crises sociopolitiques, économiques et environnementales nous menacent, il est plus que nécessaire de nous interroger sur la place qu’occupe la génération de demain dans le monde d’aujourd’hui et sur l’avenir que nous leur léguons.
Génération J au Plat Pays
Les deux films belges retenus en compétition nationale s’inscrivent pleinement dans notre propos.
« Premiers pas » de Grégory Lecocq suit les tergiversations de deux adolescents, devenus malgré eux (trop) subitement parents. Leurs réactions par rapport à la naissance inopportune de leur enfant sont montrées de manière sommaire et distanciée. Le résultat est un moment de cinéma parfois boiteux où les motivations et les gestes des personnages nous échappent. Le réalisme social à la belge tend-il un piège ? Au-delà de la ressemblance scénaristique avec des géants wallons comme « L’Enfant » ou « Le Silence de Lorna », « Premiers Pas » soulève des enjeux conséquents pour ensuite délibérément choisir de ne pas les développer.
Film d’école farouche issu de l’INSAS, « Tristesse animal sauvage » de Florian Berutti poursuit le thème de l’amour en marge et de la première expérience sexuelle. Deux ados, des personnages peu définis (rebelles indignés, enfants terribles désocialisés…?), se retirent dans une cabane dans la nature pour consommer leur relation. De parfaits ingrédients pour une œuvre audacieuse. Et pourtant, le film souffre d’un manque de profondeur. Nonobstant ceci et une certaine violence – tant latente qu’explicite – qui pourrait sembler gratuite, le film a suffisamment plu pour remporter le Prix du Public.
Un second sevrage
Parler de la jeunesse sans parler du cadre familial est chose difficile. Les films sélectionnés au FIFF l’ont démontré.
« On The Beach », de Marie-Elsa Sgualdo (Suisse) est un récit prenant sur des tensions familiales vécues principalement à travers le personnage de Sara, une adolescente qui cherche sa place en tant qu’enfant d’un ménage brisé (elle entretien un rapport d’amour-haine avec sa mère, tiraillée entre le rejet et l’identification), en tant que jeune femme (elle répond aux avances amoureuses d’un pair pour lequel elle est partagée entre curiosité et indifférence) et en tant qu’adulte à responsabilités (elle a à sa charge son petit frère en l’absence de sa mère vraisemblablement désinvolte). Pour sa réalisation sobre et son jeu d’acteurs excellent, le film a d’ailleurs remporté le prestigieux Bayard d’Or.
« Blu » de Nicolae Constantin Tanase est, pour sa part, une pépite qui confirme l’excellente réputation dont jouit le cinéma roumain en matière de fiction. Le réalisateur met en scène, avec aplomb, une friction tangible et émouvante entre un couple divorcé, progressiste au point d’être gênant, et leur fille, elle-même sur le point de devenir potentiellement mère. Le récit se déroule sous fond d’une panne de voiture qui donne au film son titre et qui réunit les trois personnages dans un huis clos hivernal, où auront lieu des révélations, des reproches et une double prise de conscience : l’enfant grandit un jour et on ne choisit pas ses parents. Le tout baigné dans un réalisme dépourvu de tout côté histrionique.
De son côté, « Faillir », réalisé par Sophie Dupuis (Canada), met en scène la tension sexuelle croissante entre une adolescente et son grand frère à la veille du départ de celle-ci pour la ville. S’il est tentant de voir dans la démarche de la réalisatrice un rappel des enfants terribles de Bertolucci dans « Les Innocents », une faille se perçoit toutefois dans la construction psychologique des personnages, dont les actions paraissent mécaniques et injustifiées. Le film risque de se complaire dans la simple représentation d’un flirt incestueux sans faire plus. Traiter du thème de l’éveil sexuel à travers les liens fraternels relève d’un pari ambitieux et d’une idée très porteuse en soi. Hélas, « Faillir » ne présente aucun questionnement et ne pose aucun véritable regard sur ce sujet.
Jeune animal social
Certains titres, sélectionnés au FIFF, dotés d’une dimension sociale et engagée confrontent le jeune, voir l’enfant, aux enjeux et aux menaces de la société. La démarche peut paraître brutale, mais elle a tout son sens dans le cadre de ces films assumés.
Cosigné Stéphanie Lansaque et François Leroy, « Fleuve rouge, Song Hong » porte un regard sur un certain Vietnam et esquisse le portrait soigné de trois jeunes frères nouvellement arrivés à Hanoi, à la recherche d’un avenir meilleur. Très vite, ils rencontrent l’agressivité d’une capitale impersonnelle, la pauvreté et les inégalités sociales propres à la ville, mais aussi la présence des mines, ces vestiges dormants d’une guerre à peine cicatrisée. Autant de thèmes potentiellement pesants mais qui sont abordés de manière digeste grâce à la poésie qu’apportent les auteurs. Seule animation de la compétition, le film se démarque par son beau graphisme et son usage ingénieux de la musique vietnamienne. L’image somptueuse mêle le réalisme de la 3D, des dessins vaporeux et des tons doux, à laquelle la bande-son s’ajoute pour transporter le spectateur vers un autre espace-temps.
Dans une veine plus poétique encore et construit à la manière d’un conte, « Voyage des pierres » de Seydou Cissé (Mali/France) est le titre le plus « expérimental » de la sélection. Aux abords d’un village malais, un petit garçon semble donner des coups de fouets à un amas de pierres qui se mettent à s’animer par de curieux effets spéciaux pour se transformer en un pont. Ce spectacle quasi thaumaturgique est interrompu par une coupe vers le présent et le monde réel, créant une impressionnante transition entre le chromatisme sec et suffocant du Sahara onirique et la flambée de couleurs vives portées par deux villageoises qui traversent le désert. Conformément à la tradition orale du continent qui assume parfaitement son côté explicitement instructif, la plus âgée dévoile à la plus jeune le sens de la métaphore à laquelle on vient d’assister : la construction du magnifique pont de Markala qu’on admire tellement aujourd’hui a coûté la sueur, le sang et la vie d’innombrables hommes et femmes.
Avec « Demain, Alger », le réalisateur Amin Sidi-Boumédiène raconte un moment crucial dans la vie de quatre amis d’enfance, fin 1988. L’un d’entre eux embarque pour la France. Les trois autres doivent faire face à la perte de celui-ci mais aussi assumer l’engagement social qui les attend le lendemain du récit, lors des premières manifestations annonçant la guerre de 1991. Le réalisateur inscrit avec habileté l’histoire individuelle dans l’Histoire collective, même si un certain manque de subtilité dans le jeu des acteurs rend les personnages quelque peu naïfs, parfois au détriment de la vraisemblance du récit.
« Sur la Route du Paradis », signé Uda Benyamina, paraît comme un véritable tour de force dans la sélection. Le ton est établi dès les premiers plans : Sarah, une jeune élève, et son petit frère se voient poursuivre par la police et abriter par leur directrice d’école aux grands risques et périls de cette dernière. Nous avons à faire à l’histoire d’une famille sans-papiers, plus précisément d’une mère de deux enfants, qui (sur)vit en France à l’aide de sa sœur (un travesti) et son beau-frère, en attendant désespérément de rejoindre son propre mari élusif en Grande-Bretagne. Pour montrer les péripéties et la précarité émouvantes des nombreux personnages dont on retiendra Sarah et sa mère Leila comme protagonistes, la réalisatrice dose parfaitement réalisme retenu et humanisme poignant. Ajoutons à ce travail de direction très abouti, un autre facteur majeur de la réussite de cette fiction costaude de 43 minutes : le remarquable jeu des acteurs, en particulier celui de Majdouline Idrissi, actrice marocaine qui incarne le rôle de Leila, et de la jeune Sanna Marouk qui, avec sa Sarah à la fois innocente et fougueuse, débute une carrière prometteuse. Un film vivement conseillé à ceux qui souhaitent vivre un rare moment de cinéma fort.
C’est le temps de l’amour…
L’éveil des sentiments et des sensations nouvelles, voici une étape ô combien douce-amère mais incontournable de la jeunesse ! Alors que le thème de l’amour a déjà été relevé dans la sélection de la compétition nationale La sélection internationale n’en est pas moins riche pour ses deux titres très réussis qui livrent deux portraits touchants de chagrin d’amour, qu’il soit illusoire, non partagé ou carrément tabou.
Premièrement, un court délicieux issu du Québec. Dans « Avec Jeff, à moto », Marie-Eve Juste explore avec justesse une multitude de questionnements vécus par chaque Eve (c’est le cas de le dire). Sa protagoniste adolescente Nydia s’interroge sur sa féminité avec une maturité épatante. Et avec autant de candeur, elle tombe sous le charme de l’irrésistible Jeff, jeune motard à la Jimmy Dean, pour qui elle s’apprêtera à aller très loin et à grandir très (trop) vite. Avec son film à la fois simple et riche, Juste exhibe son génie de scénarisation et de réalisation et une grande sensibilité envers son sujet.
Pour clôturer cette sélection substantielle, citons « La Tête froide », film audacieux réalisé avec brio par le Français Nicolas Mesdom. Un scénario qui commence comme le récit simple de Yoann, jeune sportif ambitieux d’une carrière dans le football, bascule vers un rapport tendu entre lui et Thomas, nouveau-venu dans l’équipe. La rivalité méfiante de l’un et l’admiration amicale de l’autre se traduisent en une passion refoulée qui éclate violemment sans le moindre avertissement. Une violence qui va bien plus loin lorsque la peur (de l’inconnu ? de l’inadmissible ?) chez Yoann engendre une agression physique sur Thomas. Each man kills the thing he loves, se lamentait Oscar Wilde, incarcéré pour sa sexualité jugée délinquante. Depuis lors, en passant par Tennessee Williams, Pasolini, Genet ou Fassbinder, pour n’en citer que quelques uns, nous retrouvons cette même dimension destructrice dans les relations homosexuelles décrites et vécues. C’est ce que Mesdom parvient si bien à montrer avec « La Tête froide ». Le fait qu’il ait su le faire si convenablement dans un milieu typiquement hostile à ce sujet tabou est un point en plus en sa faveur.
Synopsis : Leila et ses deux enfants, Sarah et Bilal, ont quitté leur terre natale afin de s’installer en France. Sans papiers et à la recherche de son mari réfugié en Angleterre, Leila, qui souhaite offrir à ses enfants une vie meilleure, tente de survivre et d’élever ses enfants dans la clandestinité. Alors qu’elle retrouve enfin la trace de son époux et dispose de l’argent nécessaire pour le rejoindre, l’étau se resserre.
Synopsis : Des miracles se produisent dans un village, des pierres se déplacent par des coups de fouet et nombre d’autres mystères qui se terminent par la vue magnifique d’un pont. Une vieille dame y passe avec sa fille, elle raconte à celle-ci l’histoire de la construction de cet ouvrage : « Le pont de Markala ».
Genre : Fiction
Pays : Mali/France
Année : 2012
Durée : 11′
Réalisation : Seydou Cissé
Scénario : Seydou Cissé
Image : Sylvain Bryand
Interprètes : Coulibaly Moussa, Diallo Hawa, Coulibaly Fatoumat
Production : Le Fresnoy Studio National des Arts Contemporains
Synopsis : La vieille voiture familiale tombe en panne. Mara et ses parents tentent dès lors de la réparer. Au fil des réparations, il devient clair que c’est leur propre lien qu’ils essayent de réparer.
Genre : Fiction
Pays : Roumanie
Année : 2012
Durée : 20′
Réalisation : Nicolae Constantin Tănase
Image : Daniel Kosuth
Scénario : Raluca Manescu
Montage : Codrin Iftodi
Son : Dan-Stefan Rucareanu, Filip Muresan, Filip Ioan
Musique : Cari Tibor
Interprétation : Mădălina Craiu, Dan Condurache, Rodica Negrea
Synopsis : Jeff à moto et Nydia derrière lui. Ils filent entre les voitures. Le temps se suspend. La balade terminée, c’est le retour du quotidien. Mais tout ira bien, Jeff reviendra.
Synopsis : Ariane vit à Val-d’Or. Bientôt, elle habitera la grande ville. Elle se prépare à tout quitter. Alors qu’elle doit faire ses adieux à son frère, la tension sexuelle qui s’est toujours dressée entre eux semble vouloir prendre toute la place.
Genre : Fiction
Pays : Canada
Durée : 24′
Année : 2012
Réalisation : Sophie Dupuis
Scénario : Sophie Dupuis
Image : Marie Davignon
Interprètes : Noémi Lira, Antoine Paquin, Sonia Vigneault
Introduit dans le circuit festivalier à Clermont-Ferrand, lauréat de son Prix du Jury Jeunes, montré en mai à l’une de nos séances Format Court, revu ensuite à la rentrée à l’Étrange Festival, « Posledný Autobus » offre un véritable choc esthétique, animé et musical. Ce film slovaque très maîtrisé révèle les instincts de chacun face à la peur, sur fond de saison de chasse, et fait douloureusement écho à une époque contemporaine peu éloignée.
Parmi les films d’animation originaux, symboliques, durs et sombres repérés cette année – tous deux à Clermont-Ferrand -, il y a « Body Memory » de Ülo Pikkov et « Posledný Autobus » (The Last Bus) de Ivana Laucikova et Martin Snopek. Le premier montre, dans un espace sonore et visuel très marqué, des pelotes de laine animées, enfermées et liées les unes aux autres dans un train de marchandises. Le deuxième propose une chasse à l’homme-animal dans une forêt anonyme, enveloppée d’une musique énigmatique, envoûtante et lancinante. Les deux films nous proviennent des pays de l’Est : le premier est estonien, le deuxième est slovaque. « Body Memory » a déjà fait l’objet d’une critique sur le site il y a un an, nous n’en reparlerons pas (mais nous vous invitons à vous rendre sur la critique du film, signée Dounia Georgeon). Le deuxième film, par contre, mérite quelques lignes, pour son impact renouvelé à chaque visionnement.
« Posledný Autobus » débute avec des tirs, une course poursuite dans la forêt, des proies mi-humaines mi-animales. Un loup, blessé et traqué par des chasseurs, tombe sur un autobus occupé par un blaireau, un ours, un lapin et une famille de cervidés. Les passagers, voyant l’animal blessé, prennent peur et resserrent les rangs. Le loup s’engouffre malgré tout dans le bus et se planque à l’arrière, derrière un amoncellement de valises. Le véhicule démarre, avec ses animaux à bord. Plus tard, pendant la nuit, il s’arrête. Le lapin en descend et découvre une femme renard touchée par balle, encore en vie. De nouveaux tirs se font entendre, le lapin tente de sauver l’animal touché, mais le blaireau lui refuse l’accès à bord. A cet instant, le loup sort de sa cachette, s’interpose et permet au renard de monter. L’autobus repart, lorsque deux chasseurs l’interceptent au milieu de la nuit, les armes à la main. Ils sont à la recherche de belles fourrures, celle du renard en particulier. Les animaux leur font front, mais reculent vite quand l’un des hommes emmènent le lapin, plus téméraire que les autres, pour le tuer. Lorsque le chasseur revient, le renard leur est finalement livré par le loup, devant les passagers silencieux. Le lendemain, le loup est retrouvé mort.
« Posledný Autobus » réussit à s’emparer de l’attention de chacun par ses têtes d’animaux empaillées, sa musique absolument fascinante et répétitive, et les vraies natures de ses passagers face à la peur. On le voit dans le film, la masse se met à l’abri, ferme les yeux, n’éprouve pas d’état d’âme, cherche à sauver sa peau. Seule une poignée risque sa vie pour venir en aide à un être différent, menacé ou blessé.
Le synopsis du film parle d’ouverture de la chasse, de traque d’animaux sauvages. Forcément, on est amené à penser à une situation moins abstraite, plus contemporaine, où la traque à l’homme est/était de mise, où a dictature régnante distingue/distinguait les hommes et en assimile/assimilait certains à des bêtes à traquer et à persécuter. Ce parallèle tient bien évidemment au sujet mais aussi au réalisme du film alimenté par les costumes et les valises des animaux, à la prise de vues réelles dans la forêt et à la présence d’hommes, sournois petits dictateurs sur pattes.
Synopsis : C’est le début de saison de la chasse. Les animaux de la forêt montent à bord d’un autobus et partent se mettre à l’abri. Lorsque des chasseurs interceptent le bus au milieu de la nuit, ses passagers, craignant pour leur vie, révèlent leur véritable nature.
La Direction régionale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale d’Auvergne (Mission Acsé) offre à dix jeunes la possibilité de devenir jurés pour le 35e Festival du court métrage de Clermont-Ferrand, et de décerner les Prix de la Jeunesse National et International. Les jeunes sélectionnés assisteront aux projections et décerneront les Prix de la Jeunesse National et International.
Pour postuler :
* Avoir entre 18 et 26 ans révolus (né(e) entre le 09/02/1986 et le 01/02/1995)
* Constituer un dossier comprenant :
– Un CV (avec une adresse email)
– Une photo
– Une photocopie de la carte d’identité
– Un engagement sur l’honneur à participer à l’intégralité du Festival du 1er au 09 février 2013
– Une lettre de motivation manuscrite (une feuille A4 minimum), dans laquelle vous devrez, dans un style personnel et spontané, exprimer :
o Ce que vous aimez et n’aimez pas dans le cinéma (donnez 3 ou 4 exemples de films)
o Votre envie et votre capacité à vivre cette expérience au sein d’un groupe
Les membres des deux jurys bénéficieront de tickets-repas pour la durée du festival. Les frais de voyage et d’hébergement ne sont pas pris en charge.
Les dossiers sont à déposer ou à envoyer à l’Espace Info Jeunes / 5 rue Saint-Genès / 63000 Clermont-Ferrand.
A l’occasion des 40 ans du festival Média 10-10 à Namur, Format Court est heureux de pouvoir remettre son deuxième Prix pour le meilleur film dans la compétition OVNI. Le jury sera composé de Julien Beaunay, Marie Bergeret, Adi Chesson et Nadia Le Bihen-Demmou. Le lauréat sera annoncé lors de la cérémonie de clôture le samedi 17 novembre 2012. Le prix comprendra un focus spécial dédié au film gagnant ainsi qu’une projection en salle à Paris, lors d’une séance Format Court au Studio des Ursulines.
Découvrez les 5 films de la compétition ci-dessous.
– La tendresse des perspectives de Cornet Quentin (France – Suisse – Ghana – Burkina Faso)
Une fiction coloniale dans l’Afrique contemporaine.
– Or anything at all except the dark pavement de Théodora Barat (France)
Un travelling en deux moments. D’abord une percée nocturne dans la ville. Elle s’estompe, l’obscurité lui succède. Des éléments de mise en scène apparaissent, proposant un autre paysage lumineux. Une vision fantasmée de paysages de bords de route.
– Antero de José Alberto Pinto (Portugal)
Un film qui ressort du domaine païen et populaire, à propos d’un homme qui s’appelle Antero. Antero récite des vers et des pensées populaires, Antero rit. Antero récolte des objets perdus et répare tout ce qu’il trouve. Comme l’a dit Joseph Beuys, chaque homme est un artiste.
– Ondine 3 de Timo Van Luijk (Belgique)
Cette vidéo qui porte le nom d’ « Ondine 3 » est une observation personnelle de la beauté de la nature. Elle est créée à partir d’un dispositif simple composé essentiellement d’éléments naturels (l’eau, la lumière du soleil, le vent et objet de verre), ce qui génère un dialogue élégant et organique dirigé par les lois naturelles. La combinaison de ces éléments forme alors un micro-univers de formes et de vagues comme un esprit aquatique dansant dans un mouvement ondulatoire de quasi-rêve.
– Encounters with landscape (3x) de Salomé Lamas (Portugal – Azores)
En 2011, je suis arrivée à Sete Cidades, aux Açores. Je me rappelle les idées de Kant par rapport au sublime. Il avance que le sublime est la compréhension du corps, la mesure esthétique (mesurée par le corps) précède la mesure mathématique. Le sublime s’impose quand la mesure humaine est dépassée, c’est-à-dire quand le corps fait l’expérience d’être mordu par une montagne imaginaire.