Au beau milieu du Moyen-Orient, il existe un pays où les habitants s’éveillent chaque matin avec le même rêve au creux du lit, une douce illusion persistante et des étoiles au fond des yeux qui ne cessent de briller malgré les œillères de la bêtise humaine. Ce pays, c’est l’Iran
Cette année encore, le Festival Millenium a accordé une place de choix au cinéma iranien en programmant deux moyens métrages documentaires révélateurs. « Fragments d’une révolution », film anonyme, lauréat du Prix du Meilleur message pour la démocratie offert par le Parlement européen et « Moving Up » de Loghnan Khaledi.
En moins de vingt ans, le cinéma iranien s’est imposé sur la scène internationale avec des auteurs comme Abbas Kiarostami, la famille Makhmalbaf, Jafar Panahi ou encore récemment Asghar Farhadi, l’auteur du très remarqué « Une séparation ». Un cinéma original, possédant ses codes, ses références et une esthétique proche du documentaire qui aime mettre en avant des individus en état de crise. Aujourd’hui, à l’image du long, le court et le moyen métrage sont devenus un lieu d’expression essentiel à la société iranienne.
« Fragments d’une révolution », anonyme
« Fragments d’une révolution » est un projet ambitieux, réalisé dans l’urgence et dont la volonté principale est de rendre compte de la vague verte qui a envahi les rues de Téhéran en juin 2009. Au lendemain de la réélection de l’ultra-conservateur Mahmoud Ahmadinejad, on a vu apparaître des manifestations contestataires un peu partout dans la ville. Devant une presse muselée, les jeunes ont décidé dès lors de se servir de la technologie mise à leur disposition – les téléphones portables et les réseaux sociaux – pour dénoncer les résultats frauduleux des élections et pour montrer les émeutes qui les ont suivis. Les images prises sur le vif, postées sur Internet et envoyées ainsi dans le monde entier témoignent des violences perpétrées par le régime, violences qui ont mené à de nombreuses exécutions arbitraires.
A l’aide de ces images réelles prises pour la plupart dans des conditions extrêmes et risquées, le film tente de retracer les faits dans leur chronologie mais tel un grand puzzle dont il manquerait des pièces, il comporte des trous noirs. Entre 2010 et 2009, l’auteur(e) effectue des allers-retours, de sa vie à Paris à celle de ceux qui sont restés au pays, et les pavés mouillés et silencieux recueillent les cris des victimes des balles « perdues ».
Aux côtés de ces fragments de réalité, l’auteur(e) déconstruit volontairement le langage documentaire en montrant les différentes étapes de la fabrication du film. Le spectateur ne peut donc jamais tomber dans la « facilité » cinématographique qui l’éloignerait de sa conscience critique. Authentique chronique contemporaine de la révolution verte, « Fragments d’une révolution » donne tout à coup un sens à ces nombreuses images où la parole du peuple devient une vérité médiatique vue et entendue par le reste du monde.
« Moving Up » de Loghman Khaledi
Avec son premier moyen métrage documentaire, Loghman Khaledi s’attache à réaliser le portrait de Shariyar, un homme partagé entre sa condition d’éboueur et sa passion pour l’écriture. A Kermanshah, au Kurdistan iranien, il ramasse les poubelles le jour et écrit des histoires la nuit. Grâce à l’écriture, il a trouvé un moyen de transcender sa condition, de s’élever, de s’envoler vers un ailleurs moins hostile. Pas étonnant dès lors que ses romans déclinent un imaginaire de contes de fées et que sa première œuvre s’intitule « La Princesse enchantée ». Seul quelques pigeons écoutent docilement les histoires de cet original solitaire.
Portrait doux-amer, teinté de mélancolie d’un poète sur le déclin qui lutte contre un quotidien prosaïque « Moving Up » révèle les rêves bafoués ainsi que les contradictions de toute la société iranienne qui oscille entre tradition et modernité, entre conservatisme religieux et laïcité intellectuelle, et qui reste naturellement en quête d’elle-même.
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