Carte blanche Format Court @ Paris !

Mardi 31 janvier, bon nombre d’entre vous auront peut-être envie de voir du court métrage à Paris. Cela tombe bien : nous vous proposons une nouvelle projection de courts, après celle, bien chouette, de l’Entrepôt, organisée le 21 décembre dernier. Collectif Prod, proche du cinéma émergent, et l’Espace Beaujon, centre d’animation du 8ème arrondissement, nous accueillent, en effet, le temps d’une soirée et d’une carte blanche. Jazz, couleurs, hommes-objets ,angoisse, humour, consumérisme et voyeurisme au programme.

Films programmés

Dripped de Léo Verrier. Animation, 8′10″, 2010, France

Synopsis : New York, 1950. Passionné de peinture, Jack écume les musées à longueur de journée. Il y vole des tableaux qu’il cache ensuite chez lui pour…

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Csicska de Attila Till. Fiction, 20′, Hongrie, 2011

Synopsis : Istvan Balogh, agriculteur hongrois, a le contrôle total de sa femme, de sa famille et de son esclave. Les personnages croisent leur destin tragique à cause de leurs relations extrêmes. Ce film a été inspiré par les souvenirs de personnes qui ont survécu à de telles situations.

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Conversation piece de Joe Tunmer. Expérimental, Fiction, 7′, 2009, Royaume-Uni

Synopsis : Un dimanche matin, Jean remarque que son vase préféré a été ébréché. Elle accuse Maurice, son mari, qui nie en bloc. Mais Jean veut absolument savoir ce qui s’est passé. Dans cette extraordinaire comédie musicale, chaque syllabe prononcée correspond à une note précise de “Conversation piece”, un morceau improvisé en 1966 par le cornettiste de jazz Rex Stewart.

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La inviolabilidad del domicilio se basa en el hombre que aparece empuñando un hacha en la puerta de su casa d’Alex Piperno. Fiction, 7′ 2011, Uruguay-Argentine

Synopsis : Dans le jardin d’un pavillon de campagne, une série d’événements implique un homme, une femme et un groupe d’individus aux convictions particulières.

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Fais croquer de Yassine Qnia. Fiction, 24′, France, 2011

Synopsis : Yassine, jeune cinéphile passionné, veut tourner un film dans sa cité. Il souhaite associer ses amis d’enfance à son projet. Mais l’amitié a parfois ses travers…

Un homme, en chemin vers le travail, est plongé dans un monde où l’utilisation de gens en tant qu’objets fait partie du quotidien.

El Empleo de Santiago Grasso. Animation, 6’19’’, 2008. Argentine

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Casus Belli de Yorgos Zois. Expérimental, fiction. 11’11’’, Grèce, 2010

Synopsis : Toutes sortes de gens, de nationalité, de classe, de sexe et d’âge différents, font la queue dans sept files d’attente. La première personne de chaque file devient la dernière de la suivante, formant une gigantesque chaîne humaine. Mais au bout de la queue, le compte à rebours commence.

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Infos pratiques

Mardi 31 janvier, 20h

Espace Beaujon : 208, rue du faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris. Métro : Ternes, Charles de Gaulle – Étoile

PAF : 5 euros, 3 euros tarif réduit. Verre offert après la séance.

Réservation obligatoire : contact@collectifprod.net

Bruz 2012, la compétition professionnelle

C’est en terre bretonne, dans la petite ville de Bruz située à quelques kilomètres de Rennes, que le Festival National du Film d’Animation a eu lieu du 7 au 13 décembre. Entre deux séances, on a pu assister à une apéroterview, une leçon de cinéma ou encore aux secrets de fabrication de films courts. Des professionnels qui expliquent leur démarche, des amateurs curieux, des écoliers, et des lycéens constituant le jury « jeunes » du festival, tel est le public que l’on rencontre dans l’enceinte du Grand Logis de Bruz.

En compétition nationale, trente-quatre films de fin d’études et trente courts métrages professionnels nous ont été proposés. Arrêtons-nous ici sur ces derniers, et découvrons cette programmation faite de lignes et de courbes soigneusement tracées, d’étonnantes matières dont on ne soupçonnerait pas le potentiel expressif et de diverses ambiances chromatiques et sonores. Car c’est bien de tous cela que le cinéma d’animation est fait !

Des formes et des couleurs étranges, on en trouve tout d’abord dans « Planet Z », film expérimental de Momoko Seto dans lequel on découvre une planète inconnue qui se couvre sous nos yeux d’une curieuse végétation. Exploration de la matière végétale et de sa décomposition, « Planet Z » filme le dépérissement des aliments de notre quotidien et transforme cette exploration des effets du temps en véritable voyage dans l’espace.

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Autre curiosité comestible, « Là où meurent les chiens », de Svetlana Filippova, met en mouvement des grains de café, et nous transporte dans un univers poétique où les grains, évoquant ceux de la pellicule, se séparent et s’assemblent pour révéler les liens qui se nouent entre l’homme et son compagnon à poils longs. Le jeu qui lie les personnages se transforme en souffrance lorsque la séparation devient inévitable, et lorsque la silhouette du chien disparaît à jamais, nous n’avons plus qu’à nous demander où meurent donc les chiens…

Parmi les surprises de cette compétition, « La Détente » de Pierre Ducos et Bertrand Bey, qui a remporté le Prix de la Jeunesse, nous plonge dans un univers en noir et blanc par un long travelling avant à l’intérieur d’une tranchée de la première guerre mondiale. La caméra se dirige vers le visage d’un jeune soldat figé par la peur puis, sans répit, plonge dans l’œil de cet homme paralysé et nous emporte dans un univers coloré peuplé de jouets qui ressemblent de près aux playmobiles de notre enfance. Car c’est bien dans le monde de l’enfance et du jeu que l’on se retrouve pris au piège; un monde édulcoré et caricatural où le jeune soldat de plastique glisse et virevolte avec entrain. Pas de « détente » possible, les mouvements continus et les déplacements frénétiques de la caméra, ainsi que la musique entraînante, ne nous laissent pas de répit.

On se trouve emporté dans le mouvement incessant d’un véritable parc d’attraction où l’on joue à la guerre et où les soldats paradent de façon ridicule lorsque d’un seul coup, l’attraction dans laquelle on nous fait entrer avec le personnage se referme. Soudain le rythme change, les couleurs s’assombrissent et la musique et les jouets prennent des allures menaçantes. Lorsque dans une explosion, surgissent comme des flashs, des morceaux de corps filmés en image réelle, la réalité reprend peu à peu le dessus et nous glace le sang. Explosion soudaine d’une réalité inavouée à laquelle le soldat comme le spectateur ne peut plus échapper, le film prend tout à coup toute sa signification. Ces images, frappantes, fracassantes, bouleversent l’univers surfait du dessin animé 3D qui repose souvent sur des prouesses visuelles et tente de nous en mettre plein la vue, pour révéler une profondeur déconcertante.

Certainement engagé trop jeune dans un conflit dont il ne perçoit pas les enjeux, le soldat anonyme ne prend sa forme humaine qu’au moment où il se trouve confronté à une mort certaine et ne peut plus reculer; le moment où le jeu est terminé. Cette chute étonnante, ce film de guerre aux couleurs agressives qui cachent une nature sombre, a en tout cas trouvé son public parmi les adolescents qui constituaient le jury « jeune ». Film choc qui retient son souffle jusqu’au bout, « La détente » ne révèle qu’à la fin sa véritable nature : un jeu, certes, mais un jeu qui met l’accent avec effroi sur la naïveté des hommes et l’horreur de la guerre.

La programmation professionnelle nous a offert également un peu de tendresse et d’humour avec « La douce » de Anne Laricq, adaptation libre de « Douchetchka » de Tchékhov ayant obtenu le Grand Prix du court-métrage professionnel ainsi que le Prix SACEM de la meilleure création musicale originale. Le film s’ouvre sur un générique dont les mots en couleurs pastelles viennent s’inscrire sur un arrière-plan aux tons doux et une musique aux sonorités étranges et lointaines. On ne sait trop si cette toile de fond aux formes abstraites représente une carte ou un tableau de paysage, mais petit à petit, des formes viennent s’y ajouter, à commencer par un poisson. Serait-ce un premier vestige de la vie de Douchetchka?
Douchetchka, diminutif affectueux de « Doucha », âme, peut se traduire par « ma mignonne », « ma chérie », mais Anne Laricq a fait le choix de « la douce », et c’est ce choix de la douceur qui constitue une sorte de fil rouge par lequel on se laisse porter tout au long du film. L’héroïne de « La douce » change d’homme comme de chemise, et adopte à chaque fois le mode de vie et les pensées de celui qu’elle aime, ne devenant qu’un double de l’homme, légère et heureuse, à l’image de ces femmes que Tchékhov, quelque peu misogyne, aimait tant dépeindre. L’aspect malléable de l’héroïne trouve par ailleurs son écho dans ce tableau abstrait qui refait surface à chaque fois que l’homme aimé disparaît pour laisser place à un autre. Le tableau de la vie de la Douce prend forme petit à petit et est tout aussi malléable que la femme dont il dessine le chemin. Le poisson que l’on voit au début serait bel et bien un premier souvenir qui vient trouver sa place dans le tableau des vestiges, suivi par le chien de son deuxième amant, la vache du troisième, et pour finir, un lion provenant d’un cirque.

Mais qui sont donc ces mystérieuses femmes vêtues de voiles et de robes noires dont les voix délicates, formant un chœur, hantent la vie de la Douce ? Sortes de messagères annonciatrices de mort, ces femmes deviennent plus nombreuses chaque fois que la Douce perd son amant. Tandis que les formes étranges du tableau s’accumulent, dans une sorte de pause narrative au sein du mouvement perpétuel de la vie de la Douce, ces femmes en noir, sorte de doubles de Douchetchka, semblent porter le deuil pour elle, afin de permettre à la femme aimante de continuer à s’épanouir dans cette légèreté et cette tendresse qui est la sienne. A chaque fois, ce sont les éléments naturels qui se déchaînent sur elle : la roche, l’eau puis le vent, comme si la nature elle-même refusait à la Douce d’aimer et la condamnait à la solitude. Mais Douchetchka ne désespère pas, rien ne semble pouvoir l’empêcher de tomber à nouveau amoureuse.

Le film de Anne Laricq met en avant l’aspect humoristique de l’œuvre de Tchékhov. Après avoir utilisé le poisson de son ancienne vie comme friandise à donner au chien, le poil de ce dernier lui sert de tapis dans sa prochaine vie. Anne Lericq confère un poil de cruauté à Douchtchka la douce, pas si innocente que ça. La réalisatrice ne s’attarde pas sur la douleur du deuil et permet à la Douce, le personnage et le film, de s’épanouir dans une certaine apesanteur. Car le personnage principal ne marche pas mais plane, porté par l’amour, et se frotte la jambe en se tenant en équilibre sur un pied à chaque fois qu’elle tombe amoureuse. Petite manie presque attachante, la Douce ne vit plus que sur un pied et repose sur un équilibre fragile qui peut basculer à tout moment.

Cette légèreté de l’être trouve son parallèle dans la légèreté du trait qui caractérise le dessin, et la douceur des couleurs. Tout ici semble doux, sauf le poids du destin qui s’acharne sur la pauvre Douchetchka, véritable héroïne tragique. Pour finir, les formes du tableau, reprenant les éléments qui ont parcouru la vie de cette héroïne, s’amoncellent et suggèrent une histoire sans fin, sur le point de déborder du cadre, formant sous nos yeux un tableau de la vie qui rappelle les tableaux animés, colorés, et maculés de tâches du peintre Miró, et qui devient de plus en plus abstrait. Comme un écho au célèbre peintre, dont la représentation du corps féminin traverse toute l’œuvre, « La Douce » explore les formes et les couleurs pour représenter le corps et les émois d’une femme.

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Et puisqu’on parle de peinture, la programmation de courts professionnels proposait également des films comme « Dripped » de Léo Verrier ou encore le sombre et intriguant « Apnée » de Flora Molinié. Le premier rend hommage à ce médium, plus particulièrement à travers l’œuvre du peintre américain Jackson Pollock, tandis que le second met la peinture en mouvement. « Apnée » nous plonge dans l’univers suffocant d’une jeune femme qui se cherche dans le miroir d’une salle de bain. Est-ce à travers la connaissance du corps que l’on peut se comprendre ? Peut-on s’en libérer ? La répétition des mouvements et des images ne fait qu’accentuer cette impression d’étouffement, d’aliénation. La jeune femme retient sa respiration tandis que les images peintes qui se succèdent dégoulinent progressivement à l’écran et perdent leur substance. On se demande si la lente destruction de ces images est une libération, tellement toute échappée semble ici impossible. « Apnée » se déploie au rythme de la respiration, de l’écho formé par l’eau et les gouttes qui s’échappent des robinets, des voix inquiétantes qui grouillent et des murmures insondables. Mais finalement, c’est la reprise du souffle, et ces images et ces sons cauchemardesques cessent enfin pour laisser place au vide et peut-être, permettre d’atteindre la sérénité.

La musique n’était pas en reste non plus, avec plusieurs clips musicaux comme « Miss Daisy Cutter » de Laen Sanches, sur la musique des Veils, « I Own You » de Romain Chassaing, sur la musique de Wax Tailor feat. Charlie Winston, et « The Waterwalk », autoproduction de Johannes Ridder, sur la musique de Violent Femmes, « Jesus Walking on the Water », véritable hymne à la bonne humeur qui permet de commencer, comme le personnage que l’on suit tout au long de ce film-promenade, la journée du bon pied. Avec une programmation variée et de nombreux évènements autours des films, le Festival National du Film d’Animation a su animer la petite ville de Bruz et égayer, à base de matières, de couleurs et de musiques, le ciel gris de ce mois de décembre.

Agathe Demanneville

Consulter les fiches techniques de « Là où meurent les chiens »,« La détente »« La douce », « Apnée »

L comme Là où meurent les chiens

Fiche technique

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Synopsis : On dit que les chiens ne veulent pas causer de chagrin à leurs maîtres et qu’ils quittent leur maison quand ils sentent leur mort approcher. Personne n’a jamais vu où meurent les chiens. Où vont-ils ? Nul ne le sait.

Réalisation : Svetlana Filippova

Genre : Animation

Durée : 12′

Année : 2011

Pays : France

Scénario : Svetlana Filippova

Image : Svetlana Filippova

Son : Arseniy Troickiy

Montage : Svetlana Filippova

Décoratrice : Svetlana Filippova

Production : Sacrebleu Productions

Article associé : Bruz, la compétition professionnelle

D comme La Douce

Fiche technique

Synopsis : Adapté d’une nouvelle « Douchetchka » de Tchekhov. Au gré des intempéries, La Douce perd et trouve de nouveaux compagnons. Si la perte de l’un la désempare sincèrement, elle se console très vite avec un autre. Tous font l’affaire, ce qu’elle cherche avant tout, c’est de pouvoir s’oublier et ressembler à l’autre.

Réalisation : Anne Laricq

Genre : Animation

Durée  : 8’50 »

Pays : France

Année : 2011

Son : Christophe Héral

Scénario : Anne Larricq

Image : Anne Larricq

Son : Christophe Heral

Montage : Yves Françon

Décors : Anne Larricq

Musique : Christophe Heral

Production : Les Films à Carreaux

Article associé : Bruz, la compétition professionnelle

D comme La Détente

Fiche technique

Synopsis : Au fond d’une tranchée de la Première Guerre Mondiale, un soldat paralysé par la peur tente de s’évader en transposant la guerre dans un monde jouets.

Réalisation : Pierre Ducos, Bertrand Bey

Scénario : Pierre Ducos, Bertrand Bey

Genre: Animation

Pays: France

Année : 2011

Durée : 8’30 »

Son : Patrick Stemelen, Damien Perrollaz

Musique : Patrick Stemelen

Production : Kawa Animation

Article associé : Bruz, la compétition professionnelle

Festival de Bruz 2012

Reflet de la diversité de la production française, le Festival national du film d’animation de Bruz (petite ville située pas bien loin de Rennes) s’occupait il y a un bon mois de faire découvrir, aux pros et amateurs d’animation, des créations imagées récentes et plus anciennes, telles que « Le Tableau » de Jean-François Laguionie, des sélections de courts, des programmes thématiques, des visites des studios d’animation, et des secrets de fabrication, pour ne citer que ceux-ci. Pour la deuxième année, Format passait sa tête courte au festival.

Retrouvez dans ce Focus :

Christelle Lheureux : « Le cinéma est loin d’être mort. Notre imaginaire également »

Depuis la Thaïlande où elle travaille actuellement sur son projet de long métrage à proximité de poissons-chats et de son ami Apichatpong Weerasethakul, Christelle Lheureux, auteure de “La Maladie blanche”, Prix Format Court à Vendôme, nous a fait parvenir une carte postale sur laquelle elle s’exprime généreusement sur sa démarche artistique. Présence au monde.

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Comment est née l’idée de ce film, « La Maladie blanche » ?

J’avais très envie de tourner dans un village des Pyrénées, de profiter d’un tournage pour rencontrer davantage villageois, Myrtille, la petite fille et Manuel, le comédien, et d’être dans la nature, l’été, avec des gens que j’aime. Les films sont souvent une excuse pour faire des expériences singulières. Depuis de nombreuses années, je participe à la fête que les villageois organisent chaque été. Elle dure trois nuits, l’ambiance y est particulièrement bonne. J’avais envie de tenter quelque chose entre cet évènement (la fête populaire, la danse, la nuit un peu alcoolisée dans les ruelles d’un village médiéval, le flirt adolescent…, ) et tout ce qui entoure le village au même moment (la force de la nature, la profondeur du noir, les vents, les animaux sauvages…). Cette image simple d’une nature sauvage hantée par le son d’une fête populaire d’un village a été le point de départ. Ensuite, j’avais très envie d’explorer des choses qui ne se rencontrent pas assez souvent au cinéma : faire glisser une réalité documentaire vers un conte onirique. Comment faire cohabiter le fantastique et le réalisme ? Comment ensorceler le réel par l’imaginaire ? L’idée du film est partie de ces envies très simples.

Comment ce film s’inscrit-il dans ton travail et ta recherche artistique ? Pourquoi désires-tu de plus en plus aller vers un récit de type dramaturgique ?

Ce n’est pas mon premier film, mais c’est le premier pour lequel j’ai écrit un scénario. J’ai longtemps questionné les dispositifs narratifs du cinéma par des installations vidéo ou des courts-métrages, jusqu’au long-métrage « Un sourire malicieux éclaire son visage » en 2009. L’expérience préhistorique, un de mes courts métrages, a aussi été un long processus de rapprochement vers le récit dramaturgique. Dans tous ces projets, il était souvent question du fonctionnement du récit et de notre capacité de spectateur à combler les absences de récits justement, à s’identifier, à construire des récits parallèles. Ces pièces laissaient aussi une grande place à notre imaginaire. Aujourd’hui, je fais la même chose, sauf que c’est moi qui écris les récits. C’est un prolongement très naturel, même si j’ai mis du temps à trouver ma façon d’écrire les scénarios. Peut-être que ma façon de regarder les films y est pour beaucoup. « La Maladie blanche » a été le premier film où j’ai vraiment cherché à mettre en place une écriture scénaristique en partant du dispositif simple d’une fête préexistante filmée de manière documentaire à partir de laquelle j’ai crée une fiction onirique, entre rêve et cauchemar. Maintenant, j’ai pratiquement fini le scénario de mon prochain long-métrage et c’est vrai que l’écriture n’a pas été simple, j’en connais les raisons, mais mon travail en ressort vraiment grandi. Effectivement, en m’impliquant dans les récits, je m’engage davantage et parle de mon expérience personnelle. Mais c’est ce qu’il y a de plus intéressant, disons qu’un autre équilibre se met en place.

Que voulais-tu exprimer dans ce film avec ce noir et blanc et cette texture d’image granuleuse ?

La nécessité du noir et blanc est venue rapidement, pour déréaliser le présent du village, le placer plus hors du temps. Pour faire du cinéma, il faut de la lumière, hors tout le film est tourné de nuit. Nous avions quelques lampes LED sur batteries pour éclairer et imprimer les images sur le support filmique. C’était passionnant de partir du noir complet pour construire l’image par la lumière, on ressentait constamment ce geste primitif de la formation d’une image. Sur le tournage, on lisait tous « La survivance des lucioles » de Didi-Huberman. C’était un drôle de hasard, car effectivement, le film parle de ça, de l’impression d’une image sur du néant, des premières représentations pariétales sur le mur des grottes. C’est le mythe de la caverne, l’origine de l’apparition d’une image. Le cinéma est un langage très préhistorique. L’image granuleuse est la conséquence du manque de lumières assez puissantes pour vraiment éclairer de nuit. Je ne voulais pas d’une image propre, je souhaitais que le manque de lumière se fasse constamment sentir, d’où ce grain constant qu’on a beaucoup travaillé en post-production pour le rendre un peu moins fou sinon on ne voyait plus rien… Les images du film travaillent cette limite du visible, c’est pour ça qu’il faut le voir dans une salle obscure. La sobriété des noirs profonds et des nuances de gris appellent notre imaginaire à combler les vides d’image. Comme lorsqu’on regarde des lucioles et qu’elles disparaissent dans le noir, nos yeux les cherchent dans le néant. Et là peut-être, la magie du cinéma commence.

Ton travail donne l’impression d’explorer des questions liées à la mémoire et à la disparition, vois-tu des liens entre ces thématiques et ta démarche ?

Bien sûr. Je crois que je fais avant tout des films pour enregistrer des présences et du présent. Ensuite, ce présent renaît quand on regarde le film, on construit avant tout une mémoire. Ensuite, effectivement, mes films parlent beaucoup de mémoire, mais c’est le propre du médium cinéma je crois, justement, la peur de la disparition de notre mémoire et du présent qui fuit constamment vers le futur. Cette question est au coeur de mon prochain film. Faire des films résout ça en partie, mais dans notre quotidien, il y a d’autres solutions à trouver, une attitude et une conscience à développer pour vivre un peu mieux avec son présent. Je ne sais pas très bien m’accommoder de tout ça, c’est peut-être pour ça que je fais des films. How to let go, to allow ourself be here and now…

Le jeu des comédiens donne l’impression que l’on se trouve dans un documentaire, comment as-tu travaillé avec eux pour arriver à un tel réalisme ?

J’ai écrit précisément la majorité des dialogues, ça m’a aidé à savoir où je voulais emmener le film. Ensuite, je l’ai adapté aux mots des comédiens, surtout pour Myrtille la petite fille. La collaboration avec Manuel, un comédien professionnel, m’a beaucoup aidée. Il savait où le film allait et ensemble, on a emmené les personnages vers ça. Mais le film et son histoire partent avant tout des personnes qui jouent dans le film, je l’ai écrit en pensant à eux. Ensuite, ils se sont accaparés leurs « rôles ». J’étais très présente sur la direction d’acteur, pour leur donner des retours, les aider à oublier le contexte du récit et vivre au présent ce qu’il y avait à jouer, oublier la caméra, avoir du plaisir à être là à ce moment-là. C’est pour ça aussi que le film est entièrement filmé sur trépied. Comme je n’avais pas de chef op, je cadrais l’image, donnais les limites spatiales et me concentrais sur les acteurs. Ça aussi, c’était très primitif finalement, comme du théâtre filmé.

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Dans la première partie du film, les séquences se déploient par petite touches pointillistes, comment as-tu travaillé à l’écriture de ces scènes ?

C’était passionnant. La fête réelle dure 3 nuits, du coup, j’avais le temps d’essayer plein de choses. Comme je connaissais de nombreuses personnes du village, je filmais ce qui se passait tout simplement pour les scènes de danse. Les gens étaient en confiance. Certains plans sont un peu mis en scène. De toute façon, on met toujours en scène le réel à partir du moment où on fait un cadre et qu’on décide d’une durée. Mais j’ai mis en place les conditions nécessaires pour qu’advienne ce que je cherchais. Les enfants qui jouent aux ombres chinoises par exemple, c’est quelque chose qu’ils font naturellement, j’ai juste convié un soir tous les enfants du village pour jouer, en les aidant à oublier la caméra et à libérer leur imagination. Pour la scène entre Manuel et le chasseur, on a juste poursuivi une discussion amorcée quelques jours avant le tournage. Le chasseur s’est prêté au jeu, avec encore une fois une petite tension avec la caméra, mais en parlant longtemps (je crois que le plan fait 20 minutes), j’ai juste gardé un des moments les plus précieux. Pour la scène du crapaud, avec le berger, Manuel et une amie, on a fait pareil. Je savais qu’il y avait un crapaud caché sous la marche de l’escalier. Sans rien dire, je leur ai demandé de s’assoir là pour discuter, espérant que le crapaud allait sortir à un moment où à un autre. C’est arrivé comme une surprise pour eux, ils ont joué avec le crapaud et ça a fait basculer la scène dans une discussion un peu surréaliste. La scène dans la bergerie avec les adolescents était très écrite. Je les connais depuis plusieurs années même s’ils n’avaient jamais joué avant. Ils ont adapté les lignes de dialogues avec leurs mots.

Effectivement, le film opère par petites touches, par-ci par là, qui permettent d’installer tout ce monde. Je n’ai pas écrit ces scènes noir sur blanc, j’ai juste orienté des conversations et crée des situations pour que le réel parle de lui-même. Je fais confiance au spectateur pour associer tous ces éléments réels qui contiennent leur part d’irrationnel. Au milieu de tout ça, il me fallait juste inclure Manuel, le comédien, que les gens du village ont accueilli sans problème, et Myrtille, la petite fille, qui passe tous ses été dans ce village. C’est assez grisant de travailler comme ça, mais sur un film de plus de 20 minutes, je crois que ce n’est possible que si on a écrit une partie. Lucrecia Martel que je viens de rencontrer, ici, en Thaïlande est étonnante pour cela. Elle travaille en semi-improvisation tout en sachant très bien où elle veut aller, Miguel Gomes travaille aussi comme ça. Leur pratique montre que ça ne peut fonctionner que si une partie majoritaire du scénario est écrite.

A la fin du film, tu montres que Myrtille, l’héroïne, parle avec les animaux. Pourquoi une telle audace ?

Pourquoi pas ?! J’ai tourné le film quand Myrtille avant 5 ans et demi, juste avant d’entrer à l’école élémentaire. C’est vraiment cet âge particulier que je voulais mettre en scène. C’est un âge où tout est possible, où on accepte toutes les réalités. Ensuite, ça demande un effort intellectuel de faire tomber les murs de notre esprit rationnel. Dans ce film, Myrtille est un peu la part d’irrationnel qui sommeille en nous. Dans la chambre, après avoir discuté de l’origine de la représentation avec son père, des peintures pariétales, des hommes préhistoriques, des sangliers qu’ils chassaient, Myrtille s’endort. Dans la nuit, un sanglier vient la chercher. Myrtille l’accompagne jusque dans sa grotte. Dès leur rencontre, Myrtille comprend ce que le sanglier lui dit. Rien de tout cela n’est possible, mais dans les rêves ou au cinéma, à partir du moment où le spectateur accepte d’entrer dans une autre réalité, la magie du cinéma opère.

Dans ce film, Manuel, le père, ne comprend pas ce que dit le sanglier, car c’est un adulte. Il a besoin de sa fille pour traduire ce que l’animal lui dit à la fin. Cette traduction du langage du sanglier par la petite fille est très importante dans le film. Il incarne notre part préhistorique (pré-narrative), sauvage et irrationnelle et notre origine. Mais je ne voudrais pas tout dévoiler pour ceux qui n’ont pas vu le film…

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Ton travail est très influencé par Apichatpong Weerasethakul. Peux-tu me dire ce qui te touche dans son travail, comment tu te l’es approprié et comment tu trouves ta place par rapport à sa démarche et à son oeuvre ?

Je ne suis pas influencée par le travail d’Apichatpong, nous avons des affinités amicales, artistiques et intellectuelles. Nous les avons mises en pratique en réalisant deux courts-métrages qui ont eu des versions installation, un worksop au printemps dernier avec mes étudiants des Beaux-Arts de Genève et maintenant il co-produit mon prochain long-métrage. C’est avant tout un ami, depuis plus de 10 ans, avec qui je partage beaucoup de choses. Là, je vous écris depuis une petite maison qui m’est réservée quand je viens chez lui, de l’autre côté de l’étang des poissons-chats. Nourrir les poissons-chats d’un ami m’influence, peut-être, comme la vie des autres influence notre vie. Mais je ne mettrais jamais en scène des poissons-chats depuis qu’une princesse thaïlandaise a eu un rapport sexuel avec l’un d’eux ! Cette image est trop forte pour en créer une autre. Apichatpong dirait plutôt que nous nous influençons mutuellement depuis que nous nous connaissons. J’aime sa curiosité face au monde, son humour et sa façon d’articuler très simplement les idées. Il a une façon d’aller directement aux choses essentielles. Une partie de ma famille vit en Malaisie, j’ai grandi avec cette culture et je m’y suis toujours intéressée. Elle fait partie de mon histoire.

Ton film donne un sentiment de fusion avec la nature presque animiste. Est-ce juste ? Que recherchais-tu par là ?

C’est très intuitif et je ne saurais pas très bien le définir. Dans ce village, les villageois vivent toute l’année avec la nature au contact des animaux. Avec nos vies citadines, on perd un peu ce contact avec ces présences vivantes qui nous entourent. Mes films ne prônent pas un retour à la nature, plutôt une meilleure harmonie avec elle. Que les plantes ou les animaux parlent ou aient une âme ne me pose aucun problème, c’est une juste une autre manière de parler de la projection de notre esprit sur ce qui nous entoure.

Tu as déjà réalisé de nombreux courts-métrages. Comment conçois-tu le travail dans ce format et quel rôle joue-t-il dans ta carrière maintenant que tu développes ton premier long-métrage ?

Le court-métrage est une forme légère et libre où on peut se permettre beaucoup de choses, explorer de nouvelles formes de récit. Il ne nécessite pas beaucoup de préparation ni de budget, cela permet d’expérimenter. Même si maintenant, je prépare ce long-métrage (le projet nécessite une durée plus longue, plus de temps pour écrire, tourner, monter et penser le film), je pense que je ferais toujours des courts métrages et des installations. C’est un aller-retour nécessaire pour chercher des nouvelles écritures et gagner en liberté, sans engager trop de monde, de temps et d’argent.

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Tu as beaucoup exposé en galerie, y a-t-il une différence entre concevoir un film pour une galerie ou pour la salle ?

Oui, surtout dans des centres d’art, des musées. Je n’ai jamais eu une activité très importante en galeries. Oui, c’est complètement différent, simplement parce que l’espace est différent. Devant une installation vidéo ou une projection muséale, on traverse un espace, on reste 2 minutes à 1 heure, selon ce qu’on souhaite voir d’autre ou ce que l’installation nécessite. La concentration du spectateur est complètement différente. On peut discuter avec des amis, passer un coup de fil, lire un texte, prendre une photo, envoyer un sms… Le temps est ouvert à la disponibilité du visiteur. Dans une salle de cinéma, on est immergé par une image plus grande que soi et par un environnement sonore qui peut reconstituer précisément l’espace sonore d’un mixage. La concentration n’a rien à voir, le corps du spectateur disparaît dans le noir, sa parole avec. Je ne conçois pas du tout mes projets de la même façon pour ces deux dispositifs différents. Certains projets nécessitent cette liberté de passage et de parole de l’espace d’exposition, d’autres nécessitent l’immersion et le silence d’une salle obscure. On ne s’adresse tout simplement pas de la même façon au spectateur.

Ton film est très poétique mais il revêt aussi de mon point de vue un engagement politique. Es-tu d’accord avec cette interprétation ?

Oui, il y a plein de façon d’être politique. Ce que je dis plus haut sur la résurgence des images est une façon d’être politique. Le cinéma est loin d’être mort, notre imaginaire également. Mon engagement est plus à cet endroit, dans l’envie de pousser plus avant les limites de l’imaginaire en demandant au spectateur de s’abandonner à l’enchantement et de croire en d’autres réalités, d’autres possibles. J’ai l’impression que dans le monde dans lequel nous vivons, où le « réel » et le rationnel font un peu dictature, c’est surtout ça qui est en péril.

Peux-tu nous dire deux mots sur « Le vent des ombres », ton projet de long-métrage pour lequel tu es en Thaïlande en ce moment ?

Le scénario est en finition. Le film est produit par Valentina Novati, d’Independencia Production et co-produit par Kick the machine ici, en Thaïlande. On est au début du développement. Le fidlab, le torino film lab et le cinémart du festival de Rotterdam nous aident. Valentina travaille à la production, moi, je commence les repérages, on ne tournera sans doute pas avant un an. On n’est pas pressées, on a envie de faire ça bien pour donner toutes les chances possibles à ce projet. C’est un film où les personnages cherchent à s’abandonner dans tous les sens du terme, à lâcher leurs souvenirs, un passé qui les hantent pour penser leur présence au monde en restant pleinement incarnés dans le présent. Le film est drôle et mélancolique, imbibé de culture bouddhiste et européenne. Il explore comme « La Maladie blanche » les limites fragiles entre le réel et l’imaginaire, le conte animiste ou philosophique, le fantastique et le naturalisme de situations très ancrées dans le réel. La vie, la mémoire de la vie et la vie après la vie s’y confondent. Il y est beaucoup question de notre rapport au temps. La temporalité du film est éclatée entre plusieurs strates (souvenirs, rêve, passé, futur, présent…) justement pour approcher ce présent « ici et maintenant » dont je parle plus haut. Sa géographie est également éclatée. Le film sera tourné en grande partie en corse, dans un village en bord de mer, le reste sera tourné en Thaïlande. Le film a une base narrative développée mais nous la percevrons de façon fragmentée, dans des temporalités différentes, à l’image de notre perception du monde qui est toute aussi fragmentée. Ce qui m’importe n’est pas l’histoire mais la manière dont je la raconte. C’est une expérience où notre mémoire de spectateur et notre capacité d’association libre aura un rôle important. On fera concrètement l’expérience de réalités entrelacées, à l’image du trouble intérieur des personnages du film. C’est un projet qui joue avec le pouvoir spectral du cinéma et qu’on ne peut partager que dans une salle obscure.

Propos recueillis par Isabelle Mayor

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La Maladie blanche de Christelle Lheureux

Depuis la nuit des temps, les hommes ont cherché à s’extraire et à se séparer de la nature, vécue comme hostile et dangereuse. Aujourd’hui, la frontière entre la ville où vivent la majorité des êtres humains et la nature devient tellement étanche que la campagne se transforme en un lieu de fantasme et représente le paradis perdu. C’est le cas du petit village des Pyrénées investi pendant les vacances par Manuel, environ 35 ans et Myrtille, sa fille de 5 ans, enfant curieuse et intelligente. « La Maladie blanche » de Christelle Lheureux, lauréate du Prix Format Court au festival de Vendôme, suit la nuit de Manuel et de Myrtille alors qu’ils participent à une fête en plein air qui réunit les villageois. Quand Myrtille, réveillée par un sanglier, le suit avec confiance jusqu’à l’entrée d’une grotte, le film bascule dans le fantastique et on entre dans un songe d’une extrême réalité. Dans ce film entièrement filmé de nuit dans un noir et blanc granuleux et intemporel, le poids de ces projections d’un temps mythique dont souffrent les campagnes vont voler en éclats.

Avec « La Maladie blanche », la cinéaste questionne le spectateur sur son propre rapport à la nature, cet élément indomptable pourtant essentiel à notre équilibre et à notre survie. Christelle Lheureux montre comment loin de la nostalgie de Manuel, la réalité de sa peur de l’Autre et de l’inconnu incarné par le sanglier pourrait le mener à détruire inexorablement cette nature que sa fille et lui chérissent tant. La curiosité et l’attirance de Myrtille pour les animaux contrastent avec l’angoisse de son père qui, dès le début du film, exprime sa crainte des sangliers qui rôdent autour du village ou son dégoût pour un crapaud qu’il touche pour la toute première fois. Malgré les paroles réconfortantes des habitants, l’angoisse de Manuel pour ces « étrangers » est intarissable. Quand il découvre que sa fille a disparu dans la nuit, c’est armé d’un fusil et d’une torche qu’il part à sa recherche. Avec ce récit inspiré de la Belle et la Bête, une immense histoire d’amour, on ressent encore plus profondément comment la peur de l’Autre et le manque de confiance ne créent qu’isolement et perte.

Face à ce constat douloureux, la grande intelligence de la cinéaste est d’adopter le point de vue de l’enfance et ainsi de proposer une voie vers la réconciliation. Et comme dans tous films dignes de ce nom, son regard est livré dès le premier plan. Des enfants miment les animaux qui apparaissent en ombres chinoises contre un mur. L’analogie avec le travail de la cinéaste qui, en créant des images projetées dans une salle obscure, ouvre l’imaginaire et donne à penser/panser la réalité du monde est amenée avec finesse grâce à la justesse du jeu de ces acteurs non professionnels.

Le rythme apaisé et la richesse des détails du jeu des habitants vont jusqu’à questionner la frontière entre documentaire et fiction. Dans ce film, la saveur du réel permet de se laisser émerveiller et d’accepter le basculement dans le conte. Rien n’est attendu, mais tout enchante comme ces moments où Myrtille et son père dialoguent avec le sanglier dont les cris sont sous-titrés. Le souvenir de ce fantasme animiste propre à l’enfance resurgit et paradoxalement grâce à l’aspect hyperréaliste du film, il devient acceptable. L’esthétique documentaire mêlée à cette audace de mise en scène réveille notre mémoire collective. Ici, ce sont par les sensations enfantines que les adultes retrouvent un bon sens perdu avec le temps. Myrtille n’a que cinq ans, mais c’est elle qui détient le savoir indispensable à la préservation de notre espèce. Dans ce jeu de projection contre le mur, elle accepte les lois de la nature, sans se sentir menacée et même, elle s’en amuse joyeusement. Elle a peur de la nuit comme son père, mais son désir de suivre le sanglier l’emporte. L’attirance et la confiance dont elle fait preuve pour braver l’obscurité jusqu’à l’entrée de la grotte devient exemplaire.

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Christelle Lheureux, avec finesse et sensibilité, affirme son point de vue en rendant à la nature environnante la place qui lui revient. Les animaux sont filmés avec la même attention et le même respect que les humains. Sans cesse, par le son des insectes, l’espace s’élargit au-delà du village et des seules préoccupations humaines. Par ce décentrement du point de vue, chacun, qu’il appartienne au règne humain ou animal, se retrouve à sa juste place. Ainsi repositionnés dans un écosystème plus vaste, les personnages apparaissent dans toute leur humilité et leur fragilité. Une sensation étrangement rassurante propice à la libération de l’imaginaire envahit alors le spectateur. Échappant à son égocentrisme, l’homme sort de sa solitude.

Dans le premier tiers du film, le récit avance de façon lâche par la superposition de séquences qui, par touches pointillistes, permettent à la réalisatrice de dessiner une cartographie des liens qui unissent humains et animaux. Elle montre comment ils se pervertissent avec l’âge. La joie des enfants et la curiosité des adolescents qui observent par exemple avec intérêt des lucioles contrastent avec le discours des adultes qui ont un rapport plus distancié et dominateur avec le règne animal. Eux, ils parlent de chasse. Toutes ces séquences s’entremêlent avec des images de fête et une musique disco. Par ce montage parallèle, le discours de la réalisatrice passe de façon inaperçue avec une simplicité éblouissante.

Ensuite, le film nous emmène dans l’intimité de la chambre à coucher de Manuel et Myrtille. Le couple partage le même lit et dialogue avant d’éteindre la lumière. Ici encore, tant le geste cinématographique que le rapport filial décrit n’est que pudeur, on éprouve l’amour inconditionnel qui circule entre un père et sa fille quand chacun reste à sa place. Grâce à la justesse de la distance de la caméra et de leur relation, on accède à un degré d’intimité rarement atteint au cinéma. La grâce presque indécente qui traverse le film de part en part permet à ce dispositif minimal de toucher le spectateur au plus profond de ses tripes.

Avec une voix douce, Manuel propose à Myrtille d’aller visiter le lendemain la reconstitution d’une grotte où l’on peut admirer des copies de peintures pariétales. Il lui explique pourquoi ils ne peuvent pas se rendre dans la grotte originale. Ces trésors de l’humanité qu’Herzog a aussi cherché à immortaliser s’effacent s’ils sont exposés à la lumière, recouverts par un champignon minéral. C’est cette disparition qui est appelée la maladie blanche. Et devant le noir et blanc granuleux du film, on se demande soudain si en devenant adulte, on n’en serait peut-être pas tous atteints, ainsi condamnés à vivre dans un monde factice, seulement capable d’accéder au pâle reflet de la réalité et du lieu de notre mémoire originelle. Cette scène est le socle sur lequel le film s’appuie pour entrer dans la fable.

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Le spectateur est désormais assez réceptif pour éprouver, comme dans l’allégorie de la caverne de Platon, un renversement de la conscience. Il peut quitter le monde des projections pour partir à la découverte de la pleine réalité du monde. En montrant la violence de l’homme malgré ses fantasmes de fusion avec la nature, Christelle Lheureux remet en question la vision dominante du monde rural. Pour ce faire, elle a la bienveillance de ne pas violenter notre regard. C’est avec diplomatie, à travers un songe, qu’on reçoit en miroir l’ignorance du père qui, aliéné par sa peur, serait capable de tout détruire. En mettant en scène la difficulté de sortir du monde des apparences à cause de la puissance de ses projections et fantasmes, le spectateur accède à la connaissance et retrouve la mémoire. Christelle Lheureux offre ainsi le remède à la maladie blanche.

En cette période de crise où l’homme occidental vit dans un délire de toute puissance face à la nature, où la peur grandit, amenuisant avec elle la confiance et l’innocence face à l’avenir, ce conte contemporain devient un acte de résistance justement grâce à la bienveillance, à la douceur et à la générosité du regard que pose Christelle Lheureux sur tous ceux qu’elle filme qu’ils soient humains ou appartenant au règne animal. Si Pasolini avait eu la chance de voir « La Maladie blanche », peut-être aurait-il retrouvé espoir, lui qui, désespéré, avait prédit « la disparition des lucioles », ces lueurs survivantes des contre-pouvoirs.

Isabelle Mayor

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M comme La Maladie blanche

Fiche technique

Synopsis : Un soir de fête dans un village isolé des Pyrénées. Un père et sa fille de cinq ans, Myrtille. Des adolescents, un chasseur, un berger, des lucioles, des brebis et des chats. Un monde nocturne où des histoires d’ombres chinoises, de miroir magique et de peintures préhistoriques s’entremêlent. Dans la nuit, un être préhistorique vient chercher Myrtille.

Genre : Fiction, expérimental

Durée : 45′

Pays : France

Année : 2011

Interprétation : Myrtille Finken, Manuel Vallade, Gaston, Naïty, Bob Escot, Clémentine Poidatz, Jacques Blanco, Katya Bonnenfant,
Daniel San Martin

Réalisation : Christelle Lheureux

Scénario : Christelle Lheureux

Image : Christelle Lheureux

Son : Aurélie Mertenat

Montage : Christelle Lheureux, Camille Lotteau

Production : Les Films des Lucioles

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Christelle Lheureux, Prix Format Court au Festival de Vendôme 2011

Lauréate du Prix Format Court du festival de Vendôme, Christelle Lheureux est une cinéaste et plasticienne française, diplômée du Frenoy, enseignante aux Beaux-arts de Genève, dont le nom est bien connu des cinéphiles et amateurs d’arts. Avec une œuvre très personnelle d’une sensibilité éblouissante, Christelle Lheureux est une des rares réalisatrices qui réussit à véritablement exploser les genre. « La Maladie blanche », son moyen-métrage primé à Vendôme, se situe entre fiction et documentaire, préhistoire et actualité, réalité et songe. Par sa démarche, Christelle Lheureux questionne l’art cinématographique lui-même. Son travail qui comprend autant des installations réalisées avec Apichatpong Weerasethakul que de nombreux courts-métrages ont été montrés dans de nombreux centres d’arts et dans des festivals prestigieux aussi variés que Torino, Rotterdam, Indie Lisboa, Viennale, BAFICI, Vision du réel, WFFBangkok et en France au Fid Marseille, à Brive, à Pantin, à Hors Pistes ou encore au Cinéma du réel. Christelle Lheureux est l’une des jeunes auteurs françaises qui va véritablement compter dans l’histoire du cinéma. Focus.

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Retrouvez dans ce Focus :

Festival pointdoc, les films sélectionnés

Pour la deuxième édition de pointdoc, le festival de documentaire en ligne (15-29 janvier), retrouvez 20 films documentaires d’auteurs visibles à tout moment pendant quinze jours. Chaque jour, un nouveau film sera mis à la une et chaque soir, le réalisateur de ce film échangera avec les internautes lors d’une session de tchat.

N’hésitez pas à faire vivre ce festival soutenu par Format Court en laissant vos commentaires sur les films et en votant à partir du 15 janvier pour sélectionner le film : « Coup de coeur du public ».

Rendez-vous ce dimanche 15 janvier 2012 à 12h sur http://www.festivalpointdoc.fr/ et dès aujourd’hui la liste des films sélectionnés.

Catégorie « Première création »

Aadesh baba, ainsi soit-il de Aurore Laurent et Adrien Viel / 77′ / France /

Au Népal, à Katmandou, Tiger baba est sâdhu Aghori, homme saint. Son regard noir, son visage maquillé, son corps dénudé, fascinent certains, en effraient d’autres. Aadesh baba est l’histoire d’une quête, qui doit mener le sâdhu au divin. Mais l’homme doit s’affranchir de sa souffrance pour atteindre l’éternité. Entre dérives alcooliques et vie pieuse, Tiger baba y parviendra-t-il ?

Au prix du gaz de Karel Pairemaure / 85′ / France /

En juillet 2009, les ouvriers de l’usine de sous-traitance automobile New Fabris, à Châtellerault, occupent leur usine, menaçant de la faire exploser avec des bonbonnes de gaz. Les médias se précipitent dans la zone industrielle Nord. Vivant à quelques pas de l’usine, j’ai décidé d’aller voir de moi-même. C’est là que tout a commencé…  » Au prix du gaz » est une plongée au cœur de la lutte ouvrière, de la rage à la reconstruction… Silence des machines. Paroles d’ouvriers. Un écho aux « sans voix », à une classe ouvrière devenue invisible.

Itchombi de Gentille M.Assih / 52′ / France /

Dans un village du Kéran au Togo, se déroule l’Itchombi, rituel de circoncision réunissant l’ensemble de l’ethnie des Solla. L’Itchombi désigne à la fois les couteaux, les jeunes hommes et le rituel. Déau et sa famille se préparent à cette cérémonie en voulant respecter scrupuleusement les traditions. Toutefois, cette année, ils veulent que des mesures sanitaires soient prises pour éviter une contamination éventuelle de M.S.T ou de V.I.H. Ce débat vient traverser toute la communauté en ébullition pour la fête.

Kosovo B : the impossible film de Benjamin Huguet / 12′ / Israël /

En 1999 les employés des miniorités serbes et roms de la centrale à charbon de Kosovo B ont tous été licenciés. Pourquoi ? Silence radio : personne ne veut parler. Une enquête sur le mutisme et l’oubli dans les années qui ont suivies la guerre du Kosovo.

L’amour à trois têtes de Elsa Levy / 26′ / Suisse /

Une exploration personnelle des relations amoureuses entre hommes et femmes par le biais de trois générations de femmes de la même famille, la grand-mère, la mère et la réalisatrice elle-même. Ninette Sylviane et Elsa, trois époques, trois visions, trois expériences qui s’affrontent et se confrontent.
Derrière ces histoires d’amour, se dessine un questionnement autour de la transmission inter générationnelle, de l’image féminine au fil d’une vie de femme et du rapport mère – fille.

L’ouest sauvage de Aline Fischer / 57′ / France /

Au printemps 1945, 400 000 soldats allemands et 305 000 soviétiques meurent pendant la bataille de l’Oder. Sur l’ancienne ligne de front, à 100 km de Berlin, un pays prend racine mêlant armées victorieuses, peuple vaincu, nazis en fuite et pilleurs de toutes origines… On l’appelle encore aujourd’hui l’Ouest sauvage, à la frontière de la Pologne et de l’Allemagne. Des Protagonistes venus d’un univers de film noir en racontent l’histoire. Parfois même la nuit juste avant les forêts… Ils sont taxi, truckdrivers russes, vendeurs de cigarettes polonais, prostituées, garçons aux frontières de l’âge adulte, et garde-frontières.

La psychiatrie court les rues de Marianne Estèbe / 25′ / France /

Vincent, Audrey, Agnès, et Hermann sont médecins, psychiatres, travailleurs sociaux, et « travailleurs pairs ». Richard, David et Mélik souffrent de pathologies psychiatriques lourdes et sont sans domicile fixe. C’est dans les rues de Marseille, au fil de leurs rencontres, que se développe l’expérience insolite de l’équipe mobile de santé communautaire. Ensemble, ils travaillent à la construction d’un lieu de vie, inventent de nouvelles formes de soins, et élargissent le champs des possibles.

Le cordonnier de la rue Stalingrad de Romane Shirm & Magali F.Fouquet / 25′ / France /

Monsieur Bennoit est le dernier cordonnier d’Arcueil. Il maîtrise son art comme peu d’autres savent le faire. Témoin d’une époque qui passe, d’un artisanat qui tire peu à peu sa révérence, il est aussi le confident de tout un quartier.

Tiers-paysage de Naïs Van Laer & Yasmine Bouagga / 52′ / France /

Réalisé avec une famille tsigane vivant dans un bidonville à Montpellier, Tiers-paysage interroge le lieu des marges et ses habitants. Au travers des saisons se déroule le quotidien de cette famille, entre la ferraille, la mendicité, les allers-retours en Roumanie, les moments d’inquiétude et les moments de joie. Trois générations de femmes cohabitent dans ces cabanes précaires, tissent le fil de leurs histoires alors que, derrière elles, les grus étendent l’emprise de la ville. ‘‘ Tiers-paysage renvoie à tiers-état ( et non à Tiers-monde). Espace n’expriment ni le pouvoir ni la soumission au pouvoir ‘‘ (Gilles Clément, Manifeste du Tiers paysage.)

Un long cri mêlé à celui du vent de Julie Aguttes / 42′ / France /

À Marseille, il y a ceux qui travaillent sur le port et les autres. Le mythe d’un monde impénétrable et d’une classe ouvrière contestataire est nourri de part et d’autre. Par delà cette frontière, un film comme une immersion fascinée au cœur d’un monde à part, aujourd’hui voué à disparaitre.

Catégorie « Film jamais diffusé »

1% d’amour de Stéphanie Magnant / 43′ / France /

Pour comprendre l’étrange commerce des réseaux de télécommunication (audiotel / minitel), je me fais embaucher en tant qu’animatrice dans une entreprise qui vend du désir virtuel. Je découvre alors un travail qui exige mensonges et dévoilements. Exposée à ce double jeu, actrice de cette mise en scène, je me filme au travail et invite des collègues, Elodie, Sylvie, Arnaud, à témoigner.

(3) promesses de Sébastien Balanger / 56′ / France /

Cambodge. Dans un bidonville de Phnom Penh, trois femmes racontent l’histoire de leur esclavage. Entre les souvenirs qui reviennent et les gestes du quotidien, une autre histoire se révèle : celle de leur propre résistance, souterraine et fragile…

Ce sera presque comme j’ai rêvé de Frédéric Guillaume/ 42′ / Belgique /

Ce sera l’enchantement de voir un enfant grandir.
Ce sera la douleur de sentir la personne qu’on aime s’éloigner.
Ce seront toutes les tentatives pour retenir le bonheur.
Ce sera une épreuve et il faudra se réinventer.

Dans l’ombre de Bart S. Vermeer / 43′ / Belgique /

La Belgique, au coeur de l’Europe, apparaît pour beaucoup de réfugiés politiques comme la Terre Promise. Mais que faire lorsqu’on est noyé dans un système politique de contradiction et d’apathie et qu’on finit par se retrouver face à l’inverse de la liberté tant souhaitée ?

Favela de çiva De Gandillac / 45′ / France /

Plongée au coeur de deux favelas, Rocinha, la plus grande favela du Brésil et Santa-Terezinha, petite favela située à la périphérie de Salvador de Bahia.
Filmé avec une caméra de poche, en improvisation totale…

Le temps de quelques jours de Nicolas Gayraud / 62′ / France /

Ce film est l’une des rares expériences d’une rencontre avec des moniales cloîtrées, dans l’abbaye de Bonneval, dans l’Aveyron. Il se présente sous la forme d’une déambulation contemplative. Le film esquisse quelques portraits de femmes et interroge le spectateur sur son rapport aux autres, à la nature et au temps.

Little Sister de Ségolène Neyroud / 33′ / Belgique /

Ma soeur, Anne-Sophie, est sourde de naissance. Le temps d’un été, et pour la première fois, je prends la caméra pour filmer ma relation avec elle. Ensemble, nous mesurons la distance entre temps de l’enfance et celui du présent.

Natpwe, le festin des esprits de Tiane Doan na Champassak & Jean Dubrel / 30′ / France /

Taugbyon, minuscule village du centre de la Birmanie. Lieu de pélerinage annuel pour des dizaines de milliers de croyants. Pendant cinq jours, fidèles et médiums célèbrent le culte des nats, les esprits du panthéon birman. Cinq jours d’offrandes, de cérémonies, de rituels de possession. Cinq jours de liberté, dans une société verrouillée à l’extrême.

Quand les filles flirtaient avec les Dieux de Damien Faure / 51′ / France /

Un portrait singulier et libre de l’artiste Florence Reymond, qui fonde ses peintures sur le monde ambivalent de l’enfance, entre cruauté et innocence, entre poésie et barbarie.
Scènes primitives ou mise en scène documentaire ?

Vu le candidat de Seb Coupy & Bertrand Larrieu / 29′ / France /

France, présidentielles 2007 : comment regarde-t-on les affiches électorales ? Et comment nous regardent-elles ? Des portraits de portraits.

Festival des Nouveaux Cinémas, appel à films

La 8ème édition du Festival des Nouveaux Cinémas se déroulera du 22 juin au 1er juillet 2012, à Paris et en Ile-de-France. L’objectif principal du Festival est de promouvoir et soutenir les cinémas numériques sous toutes leurs formes. Les films retenus qui osent proposer une approche novatrice dans l’utilisation du numérique seront projetés lors du Festival.

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À l’issue de chacune des projections (entrée gratuite), seront organisées des rencontres entre le public, les réalisateurs sélectionnés, les producteurs, et des personnalités du cinéma numérique. Le Festival est à la recherche de films sans contrainte de genre ni de thème réalisés en numérique (DV, HDV, HD, Téléphone portable, Webcam, Appareil photo numérique…).

Catégorie Court-métrage : durée de moins de 20 minutes uniquement.

Catégorie Long-métrage : durée à partir de 60 minutes et plus uniquement.

Inscription en ligne uniquement avant le 15 février 2012 (date limite d’inscription) sur :  http://www.nouveaucine.com/formulaire/form_inscription.php

Envoyez vos films (DVD Pal uniquement) avant le 15 février 2012 (date limite d’envoi, cachet de la poste faisant
foi)accompagnés de la fiche d’inscription (à télécharger, imprimer et signer)

à CINE FAC B.A.L 16
C/O MAISON DES ASSOCIATIONS DU 6ÈME
60 Rue Saint-André-des-Arts
75006 Paris

Infos et Inscription : http://www.nouveaucine.com/

Le Top 5 2011 de la rédac’

L’an passé, nous avions initié un Top 5 des meilleurs courts métrages de l’année, à la manière des Best of annuels des revues et autres sites dédiés au long métrage. Une semaine après le décompte (bonne année au fait !), voici les films de l’année retenus par l’équipe de Format Court.

Katia Bayer

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1. Csicska de Attila Till (Hongrie)
2. Killing the Chickens to Scare the Monkeys de Jens Assur (Suède)
3. Apele Tac de Anca Miruna Lazarescu
(Roumanie, Allemagne)
4. Body Memory de Ülo Pikkov (Estonie)
5. M’échapper de son regard de Chen Chen (France)

Amaury Augé

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1. Planet Z de Momoko Seto (France)
2. Mourir auprès de toi de Spike Jonze et Simon Cahn (France)
3. Rêve bébé rêve de Christophe Nanga-Oly (France)
4. Cross de Maryna Vroda (France, Ukraine)
5. Dimanches de Valéry Rosier (Belgique)

Marie Bergeret

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1. Fragments d’une révolution, Anonyme (Iran/France)
2. La Pianiste de Sung-A Yoon (Belgique)
3. Szelest de Leszek Korusiewicz (Pologne)
4. Gabrielle de Rozenn Quéré et Perrine Lottier (France)
5. Fourplay : Tampa de Kyle Henry (Etats-Unis)

Fanny Barrot

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1. J’aurais pu être une pute de Baya Kasmi (France)
2. Il était une fois l’huile de Vincent Paronnaud (France)
3. Pandore de Virgil Vernier (France)
4. It was on earth that I knew joy de Jean-Baptiste De Laubier
5. Scenes from the suburb de Spike Jonze (Etats-Unis, Canada)

Julien Beaunay

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1. Il était une fois l’huile de Vincent Paronnaud (France)
2. Suiker (Sugar) de Jeroen Annokkée (Pays-Bas)
3. Hurlement d’un poisson de Sébastien Carfora (France)
4. La Gran Carrera de Camacho Kote (Espagne)
5. The Origin of Creatures de Floris Kaayk (Pays-Bas)

Adi Chesson

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1. Fragments d’une révolution, Anonyme (Iran/France)
2. Fourplay : Tampa de Kyle Henry (Etats-Unis)
3. I know you can hear me de Miguel Fonseca (Portugal)
4. Un film abécédaire de Saintagnan Eléonore (France)
5. The Death of Conversation de Francisco Saco (Allemagne)

Agathe Demanneville

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1. Suiker de Jeroen Annokkeé (Pays-Bas)
2. Le Vivier de Sylvia Guillet (France)
3. The Backwater Gospel de Bo Mathorne, Tue T. Sorensen, Arthur Gil Larsen, Rie C. Nymand, Mads Simonsen, Thomas H. Gronlund, Esben Jacob Sloth et Martin Holm-Grevy (Danemark)
4. Mourir auprès de toi de Spike Jonze et Simon Cahn (France)
5. La Détente de Pierre Ducos et Bertrand Bey (France)

Dounia Georgeon

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1. Body Memory de Ülo Pikkov (Estonie)
2. La France qui se lève tôt de Hugo Chesnard (France)
3. Big Bang Big Boom de Blu (Italie)
4. Le Vivier de Sylvia Guillet (France)
5. The external world de David O’ Reilly (Royaume-Uni)

Mathieu Lericq

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1. Killing the Chickens to Scare the Monkeys de Jens Assur (Suède)
2. Danny Boy de Marek Skrobecki (Pologne)
3. Frozen Stories (Opowiesci z chlodni) de Grzegorz Jaroszuk (Pologne)
4. O nosso homem (Notre homme) de Pedro Costa (Portgual)
5. C’est à Dieu qu’il faut le dire de Elsa Diringer (France)

Isabelle Mayor

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1. Killing the Chickens to Scare the Monkeys de Jens Assur(Suède)
2. La maladie blanche de Christelle Lheureux (France)
3. Un monde sans femmes de Guillaume Brac (France)
4. Pandore de Virgil Vernier (France)
5. The cloud of unknowing de Tzu Nyen Ho (Singapour)

Camille Monin

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1. Alexis Ivanovitch, vous êtes mon héros de Guillaume Gouix (France)
2. J’aurais pu être une pute de Baya Kasmi (France)
3. Que divertido de Natalia Mateo (Espagne)
4. Deep in dance de Conor Horgan (Irlande)
5. La maladie blanche de Christelle Lheureux (France)

Julien Savès

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1. The Origin of Creatures de Floris Kaayk (Pays-Bas)
2. Il était une fois l’huile de Vincent Paronnaud (France)
3 . Big Bang Big Boom de Blu (Italie)
4 . Maska des Frères Quay (Pologne)
5 . La Inviolabilidad Del Domicilio Se Basa En El Hombre Que Aparece Empuñando Un Hacha En La Puerta De Su Casa d’Alex Piperno (Uruguay-Argentine)

Xavier Gourdet

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1. La Vie sur terre de Philippe Welsh (France)
2. New Hippie Future de Dalibor Baric (Croatie)
3. Matatoro de Raphaël Calamote, Mauro Carraro, Jérémie Pasquet (France)
4. La France qui se lève tôt de Hugo Chesnard (France)
5. La détente de Pierre Ducos, Bertrand Bey  (France)

Morceaux Choisis ce soir, sur France 2

Info de dernière minute. Ce soir, France 2 programme une carte blanche au G.R.E.C. à minuit dix dans son programme court, Histoires Courtes.

Ce programme hommage au G.R.E.C. est constitué de films inédits de Hélène Abram, Xanaé Bove, Jean-Sébastien Chauvin, Clément Cogitore, Jacky Goldberg, Damien Manivel, Jean-Claude Taki, d’entretiens avec Mathieu Amalric, Alain Guiraudie, Michael Lonsdale, Delphine Gleize, Pascale Thirode, Emmanuel Salinger, Xavier Beauvois, et d’image d’archives de films du G.R.E.C.

Retrouvez la bande-annonce de ce programme…

Les Lutins du Court Métrage, nominations 2012

Bonne info, en ce début d’année. Les Lutins du court poursuivent leur soutien au court, avec une nouvelle édition et 24 nominations (14 fictions, 7 animations, 3 documentaires). Les voici…

lutins

Fictions

ANNE ET LES TREMBLEMENTS de Solveig Anspach – Ex Nihilo / 20’

BRÛLEURS de Farid Bentoumi – Les films VELVET / 15’

C’EST À DIEU QU’IL FAUT LE DIRE de Elsa Diringer – Agat Films & Cie / 20’

COLOSCOPIA de Benoît Forgeard – Ecce Films / 13’

DIANE WELLINGTON de Arnaud Des Pallieres – Les Films Hatari / 15’

J’AURAI PU ÊTRE UNE PUTE de Baya KASMI – Karé Productions / 24’

JE POURRAIS ÊTRE VOTRE GRAND-MERE de Bernard Tanguy – Rezina Productions / 19’30

L’ACCORDEUR de Olivier Treiner – 24 25 Production / 13’

LA DAME AU CHIEN de Damien MANIVEL – GREC – Groupe deRecherche et d’Essais Cinématographiques / 15’

LE MARIN MASQUÉ de Sophie Letourneur – Ecce Films / 35’

MÉDITERRANÉES de Olivier PY – Sombrero Films / 32’

PARIS SHANGHAÏ de Thomas CAILLEY – LITTLE CINEMA / Les Films Dorla / 25’

PARMI NOUS de Clément Cogitore – Kazak Productions / 30’

UN MONDE SANS FEMMES de Guillaume Brac – Année Zéro / 58’

Animation

ADIEU GENERAL de Luis Briceno – Trois fois plus / 5’20

BISCLAVRET de Emilie Mercier – Folimage – Valence Production / 14’10’

DRIPPED de Leo Verrier – Chez Eddy / 8’12

IL ÉTAIT UNE FOIS L’HUILE de Vincent Paronnaud – Je Suis Bien Content / 14’40

LA QUEUE DE LA SOURIS de Benjamin RENNER – La Poudrière – École du Film d’Animation / 4’10

PLANET Z de Momoko SETO – Sacrebleu Productions / 9’

RUBIKA de Claire BAUDEAN – Les Films d’ici / 4’

Documentaires

LES BARBARES de Jean-Gabriel Périot – Sacrebleu Productions / 5’

CHAQUE JOUR ET DEMAIN de Fabrice Main – TS Productions / 13’

LA NUIT TOMBE SUR LA MÉNAGERIE de Nicolas Philibert – Les Films d’ici / 11’

Double bonus. Films en ligne (Laïka park, Benoît Forgeard)

Ce post aurait dû sortir pendant la Semaine la plus courte, seulement, l’actualité nous a rattrapés. Benoît Forgeard, déjà évoqué sur Format Court (« critique de « Coloscopia »« , interview), assistait récemment au Festival de Vendôme pour participer au Jury pro et présenter « Réussir sa vie », un long métrage composé de trois courts (« La course », « Belle-île-en-mer » (Grand Prix 2007), « L’antivirus ») en avant-première. L’occasion pour nous de vous proposer deux épisodes de « Laïka park », réalisé en 2003, une fiction en marge des narrations classiques où le réalisateur imagine un parc d’attractions pour le moins étrange…

Laïka park épisode 1 (France, 2003, 12′)

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Laïka park épisode 2 (France, 2003, 12′)

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Apéro Projo ce vendredi

Ce vendredi 06/01/2012, l’Apéro Projo revient au Café de Paris. Voeux, pintes et courts au programme.

Programme de la soirée

Préambule : (4min40)

– Bande Annonce LA PANDEMIE DU NOUVEAU MONDE de Nazzarena et Christophe Del Debbio (4min40 – 2011 – autoproduction) :

1ère partie : (30min)

– 100% YSSAM d’Isabelle Mayor (HD – 14min – 2011 – autoproduction) : Comme les garçons et les filles de son âge, Sémira, 15 ans, pense qu’être vierge n’est pas cool. Alors qu’elle ressent du désir pour Yssam, sa vie sexuelle commence. Un portrait du 19ème arrondissement de Paris entre crudité et poésie.

– LE VELO de Mike Zonnenberg (HD – 10min – 2011 – Bande Rivale) : Paul adore son vélo, il vient d’une famille ouvrière et ses parents ont eu du mal à le lui offrir, il y tient énormément, il en prend le plus grand soin, d’ailleurs il ne le prête jamais à personne. Mais un jour, Léo, son meilleur ami, insiste pour faire un tour. En acceptant de lui prêter son vélo, Paul n’aurait jamais imaginé que les choses iraient si loin…

CONTRE, TOUT CONTRE de Yoann Stehr (animation – 6min – 2010 – La Cambre) : Un contre tous et/ou tous contre un !

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2ème partie : (32min25)

– G.O.S.I de Derka (HD – 19min – 2010 – DRKFilms) : >> Sur une idée originale de Frédéric Perosa.
La conscience est ce qui définie un homme dans ses valeurs, ses sentiments, ses devoirs. Eddy a vu Alex, son ami proche et collègue de travail abattu dans l’exercice de ses fonctions. L’auteur de ce meurtre, fiché au grand banditisme, est toujours en liberté. Au terme de plusieurs mois d’investigation, le Groupe des Opérations de Surveillance et d’Intervention, chargé de l’affaire, va devoir intervenir avant le braquage d’un fourgon blindé. La confrontation entre Eddy et le meurtrier de son ami est proche, il va devoir choisir entre son sentiment de vengeance et son devoir. Qui va réagir, l’Homme ou le flic ?

– POUPEE de William S. Touitou (HD – 6min – 2010 – When We Were Kids) : Au crépuscule, sur une route déserte. Une jeune femme pousse péniblement une brouette. À l’intérieur, un jeune homme, le visage tuméfié de coups.

– 5000 PIEDS SOUS TERRE de Didier Philippe (HD – 7min25 – 2010 – Butterfly Productions) : Deux amis spéléologues amateurs se retrouvent, à la suite d’un éboulement, pris au piège dans une cavité hermétiquement close. Tandis que l’un angoisse, l’autre se laisse envahir par une peur panique. De manière démente, il ne cesse de calculer le temps hypothétique que pourrait prendre les secours pour parvenir jusqu’à eux.

Infos de programmation : diffusion@collectifprod.net

Café de Paris : 158 rue Oberkampf – 75011 Paris
Métro : Ménilmontant (L2)
Entrée libre.

20H30 pour se rencontrer au bar
21H pour la projection

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Dancing Odéon de Kathy Sebbah

L’Odéon Dancing n’est pas une succursale cachée du théâtre de l’Odéon dans le 6e arrondissement de Paris mais un dancing situé en Haute-Garonne où Kathy Sebbah, dont c’est le quatrième court, a installé sa caméra.

Ni tout à fait une boîte, un nightclub ou un bal musette, l’Odéon Dancing serait un peu un mélange de tout cela à la fois, tout comme le film oscille entre fiction et documentaire, cette zone mouvante déjà explorée par la cinéaste dans « MIC Jean Louis » (2006). Car il s’agit bien ici de documenter les après-midi dansants de personnes plus ou moins âgées et d’observer leurs modes de séduction sur ou hors-piste. La cinéaste a choisi de suivre Marcette, la soixantaine, blonde platine, bien apprêtée et un brin novice, entraînée par son amie brune arborant un décolleté plongeant et un maquillage pas vraiment léger. À la façon d’une Madame de Merteuil, c’est elle qui lui glisse à l’oreille les codes à suivre pour être abordée ou aborder, entre deux battements d’éventail. Les hommes sont là, certains déjà en couple et s’exhibant fièrement, d’autres simplement en sueur à la recherche d’une partenaire de danse.

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Marcette est finalement invitée à danser par un monsieur qui en l’espace d’un morceau lui propose déjà de se revoir pour dîner mais elle décline poliment l’invitation en retournant s’asseoir sur sa chaise, scrutant la piste et échangeant des regards légèrement gênés avec la gent masculine, caressant nerveusement le foulard en soie accroché à son cou. Les situations peuvent prêter à sourire mais la mise en scène de Kathy Sebbah ne cherche pas à provoquer le rire ou même à moquer gentiment cette boum pour retraités. Au contraire, Sebbah décrit en creux la solitude des corps, le besoin d’être regardé et désiré dans l’espoir d’une rencontre.

Dans cette atmosphère moite et nocturne, l’Odéon Dancing finit par atteindre un instant une dimension quasi lynchéenne et rappelle  « Mulholland Drive » et son club Silencio où l’on se jouait de la réalité. Ici aussi, tout est mis en scène, rejoué et planifié. Nos deux héroïnes, la blonde et la brune observent ce ballet de corps vieillissants que l’on désire malgré tout. Dehors, un homme, passablement éméché, saute par dessus la clôture du pré jouxtant le club et se met à courir frénétiquement après un groupe de chevaux blancs. L’image est proche du rêve mais la réalité revient frapper à l’intérieur. Un homme s’écroule, victime d’une crise cardiaque, Marcette assiste à la scène sans rien pouvoir y faire. On pense un instant que l’incident signe la fin de la soirée, mais la musique reprend et les danseurs restent en piste. C’est la dernière de la saison avant la fermeture estivale, alors il n’est pas question de se priver. Kathy Sebbah clôt son carnet de bal par un madison général où chacun tente, tant bien que mal, de rester groupé, en rythme.

Amaury Augé

Consultez la fiche technique du film

D comme Dancing Odéon

Fiche technique

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Synopsis : A l’Odéon dancing, toutes les fins de semaine, on s’enlace et on guinche, on s’essouffle et on sue. Ici, les codes sont précis. Marcette, novice, va découvrir cet univers clos. Elle s’attend à vivre une nuit particulière. Et elle le sera.

Genre : Fiction, Documentaire

Durée : 25′

Pays : France

Année : 2011

Réalisation : Kathy Sebbah

Scénario : Kathy Sebbah

Image : Javier Ruiz-Gomez

Montage : Xavier Thibault

Son : Xavier Thibault

Interprétation : Marcette Payares, Jelena Covic

Musique : Olivier Samouillan

Production : Ecce Films

Article associé : la critique du film