Artiste vidéo et cinéaste, Eléonore Saintagnan mêle documentaire, mise en scène et images pittoresques pour concocter un film de proportion encyclopédique. Sélectionné en compétition OVNI au Festival Media 10-10 cette année, le film dessine un portrait envoûtant de la réserve naturelle des Ballons des Vosges et de ses habitants.
Eléonore Saintagnon décide de filmer la région sous la forme d’un abécédaire original. Son sujet est dense et ambitieux, allant du quotidien de bergers dressant un chien à la rencontre entre un couple d’immigrés, en passant par un prêtre vedette de son village et un Saint-Nicolas en mauve se baladant de manière suspecte dans la forêt. Chaque sujet de ce glossaire social dispose de sa propre lettre, le lien étant parfois littéral, parfois moins évident à comprendre – « Brebis et Chien », « Da Silva », « Frère Joseph » et « Nicolas » pour les susdits exemples, « Alsacien » pour la langue et l’humour de la région, « Patois et Quads » pour trois personnes discutant en patois (et vraisemblablement de quads) et « Indépendance » pour « le Viking et la Walkyrie », un couple de druides vivant dans la nature.
Derrière sa caméra discrète, la réalisatrice s’efface complètement pour plonger le spectateur directement dans l’intimité d’une communauté habitant dans un des plus vastes parcs naturels de l’Hexagone. Dépourvu de toute métanarration, le film prend une dimension quasi objective. Le sujet parle pour lui-même, s’imbibant d’un humanisme remarquable et d’une grande poésie visuelle, en plus des beaux passages musicaux dont le spectateur peut se régaler : une des variations Goldberg de Bach interprétée par un luthier-pianiste, la très originale reprise de Keith Richards par ledit Alsacien et la version rythmique du chant de Solveig par la Walkyrie et le Viking qui clôture le film.
S’il n’est pas évident de classer le film, entre documentaire ou essai audiovisuel, cette véritable œuvre d’art démontre pourtant bel et bien que Saintagnan est une artiste accomplie.