Présenté au Festival Cinéma du réel, le dernier court métrage de Peter Tscherkassky explore la culture pop sous le couvert d’images publicitaires auxquelles le réalisateur confie des intentions bien plus complexes que celles qu’on leur donne naturellement.
Elaboré à base de rushes de films publicitaires des années 50 et de morceaux de films de cinéma, « Coming Attractions » nous immerge dans un spectacle qui regorge de matière filmique.
Les morceaux de pellicules travaillés sont cisaillés, démembrés, découpés par un réalisateur-monteur qui ne jure que par la matière argentique. Tscherkassky met en œuvre son savoir faire, acquis au gré des expérimentations, pour faire émerger un sens caché aux images. Dans ses mains, un « stylo laser » magique, qui ne le quitte plus depuis plusieurs films et qui élabore la surimpression à la manière d’un orfèvre aveugle, laissant – un peu – sa chance au hasard. On découvre alors, au détour d’une transparence, un visage en bordure du cadre qui répond de manière anachronique à celui d’une femme en gros plan qui déchire l’écran de sa beauté sensuelle.
On dit qu’à force de répétitions de l’exposition d’un sujet à un phénomène donné, ledit sujet finit inévitablement par l’apprécier. « Coming Attractions » joue certainement sur ce registre tant dans la forme que dans le fond. Du cinéma documentaire de Tscherkassky naît la proposition d’un point de vue sur ce produit qu’est la matière film et sur les phénomènes d’attractions que peuvent induire les images données à voir dans celui-ci. Ici, les gestes simples et mécaniques des ménagères montrées dans les spots ventant des produits (jamais montrés à l’écran dans le film) deviennent sensuels et changent de sens lorsqu’ils sont découpés, ralentis, accélérés dans une répétition lancinante de chaque séquence.
Le montage atteint son paroxysme quand le réalisateur l’emploie, sans distinction de genre (pub ou film), sur des gros plans de visages de femmes. Au détour d’un regard, il transfigure un plan, plus ou moins anodin, en un appel peu farouche. Ces œillades sont-elles autant d’incitations à consommer (pour les spots de pub), à nourrir une intrigue (pour les films de cinéma), ou bien à venir voir de plus près ce qui peut se passer dans cette expérimentation ?
« Coming Attractions » repense la réception des images de consommation. Tscherkassky prend le parti, comme à son habitude, de transfigurer le message initial des rushes dont il dispose. Cependant, la particularité de « Coming Attractions » vient de la nature même des images utilisées.
Si dans ses précédents films il utilisait des rushes de fictions de cinéma, l’emploi de bouts de films de consommation de masse, en parallèle à ceux de cinéma, propose une lecture juste de ce qu’était (et ce qu’est toujours ?) la culture pop : un amalgame complexe de perceptions artistiques, culturelles, sociales et consuméristes.