« Une Pute et un Poussin » de Clément Michel, est cette année en lice pour le César du meilleur court métrage. Dans ce film, Julie Budet et le réalisateur lui-même nous livrent une interprétation positivement loufoque d’une probable prostituée et d’un improbable poussin. Le personnage du poussin sort d’une soirée déguisée années 80, qu’il a passée avec ses soi-disant amis. Son costume s’expliquant par le fait qu’« il y avait des poussins dans les années 80 ». La probable prostituée, quant à elle, s’est faite descendre de voiture, au milieu de nulle part, par celui qui avait aimablement proposé de la raccompagner. Le ton est donné : « Une Pute et un Poussin » relate la rencontre de ces deux personnages dans une situation qui frise l’absurde.
On connaissait déjà Clément Michel pour son premier court-métrage, « Bébé », qui traitait aussi avec beaucoup d’humour de la question de la paternité. Julie Budet, plus connue sous le nom de Yelle, notamment pour sa chanson « Je veux te voir », invective musicale par laquelle elle répond sans retenue au lâchage verbal, offensif pour la gente féminine, dont le trio de TTC avait fait preuve pour leur morceau « Girlfriend ». Bien que Yelle tienne ici le rôle de la pute, il ne serait pas à propos de parler d’un film sur la condition féminine. A travers une approche délirante et un poil simplificatrice, « Une Pute et un Poussin » pose une problématique sérieuse, celle des jugements que l’homme, par un simple regard, porte sur la femme.
Prostituée ou pas, la femme du film ne veut pas être traitée comme une pute. Quand le poussin lui dit : « C’est pas commun d’être là à 8h du matin, toute seule, en petite jupe, sur une route », elle lui répond à juste titre : « En même temps toi tu fais du vélo habillé en poulet, c’est pas hyper commun non plus ». Suite à cet échange, une forme de tendresse s’installe peu à peu entre les deux personnages. Pourtant, sûrement par habitude, la jeune femme ne peut s’empêcher de se sentir prise pour une pute. Campant sur la défensive, elle tend elle-même à se considérer comme telle et appelle de fait à ce type d’attention.
Le film nous mène à nous interroger sur la tromperie potentielle des apparences. Il explore la notion de représentation par le paradoxe suivant : le regard inhabituel que porte le poussin sur la femme qu’il rencontre ne laisse pas cette dernière insensible. Au yeux de cet homme, elle n’est pas une pute, tandis qu’à ses yeux à elle, lui, restera son poussin, un poussin qui continuera à la faire sourire, lorsque vêtue de sa mini-jupe, elle remonte un trottoir sur lequel se trouvent d’autres femmes, elles aussi vêtues de mini-jupes. Le spectateur se demande alors, si la femme qu’il voit à l’écran est ou n’est pas une pute.
Une pute et un poussin » est une réussite à tout point de vue. Le scénario, simple parce que linéaire, est surtout efficace, du début à la fin. La mise en scène, extrêmement soignée, donne au film un aspect fort naturel, de même que la photographie, l’interprétation des personnages et… les costumes, même si celui du poussin peut surprendre un peu plus que le reste, mais l’idée même du poussin est une trouvaille qui apporte énormément au film. Le film de Clément Michel a donc bien sa place dans la compétition des Césars, autant pour son humour que pour son sérieux, qui, parfaitement mêlés, en font une œuvre aussi plaisante que touchante.
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