T comme Tel père telle fille

Fiche technique

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Synopsis : Julie rend visite à son père dans le sud de la France. Le père est amputé et vit seul dans une maison au bord de la mer. Père et fille ne savent comment se parler, se cherchent, s’effleurent, quelquefois se reconnaissent. Ils partagent le même désir pour les femmes. Cette complicité ambiguë est tolérable tant qu’elle reste silencieuse.

Genre : Fiction

Durée : 20’

Pays : France

Année : 2007

Réalisation : Sylvie Ballyot

Scénario : Sylvie Ballyot

Image : Claire Mathon

Son : Jean-Baptiste Haehl, Philippe Deschamps

Montage : Charlotte Tourrès

Décors : Benjamin Lavarone

Production : Ostinato Production

Interprétation : Salomé Stévenin, Bernard Blancan, Sophie Cattani

Article associé : l’interview de Bernard Blancan

Bernard Blancan. Profession comédien

Sa filmo alterne aussi bien les courts que les longs, et des films de la Fémis qu’« Indigènes » de Rachid Bouchareb. Bernard Blancan, membre du Jury National, a la spontanéité dans la poche et un regard lucide sur sa profession. Rencontre avec un acteur qui se pointe aux interviews avec des sucettes au citron.

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Il y a beaucoup de métiers associés au cinéma. Qu’est-ce qui t’a intéressé à la base pour devenir comédien ?

Je viens d’une famille éloignée de l’artistique. J’ai commencé très tôt à faire du théâtre, aux Jeunesses Communistes, mais je n’ai jamais envisagé d’en faire mon métier, du moins dans un premier temps. J’ai travaillé, repris des études, puis vers 25 ans, j’ai fait un IUT dans lequel un metteur en scène que j’appréciais beaucoup avait monté un superbe Beckett, En attendant Godot. En réalité, j’ai suivi ces études essentiellement pour rencontrer ce mec. A ce moment-là, j’ai rencontré Yves Caumon, qui était à la Fémis, et j’ai tourné dans ses films. Après, j’ai continué, j’ai bossé, je suis même devenu instituteur. A 30 ans, j’ai décidé d’être comédien de théâtre, et de laisser tomber tous les boulots pour ce choix-là, même si j’ai fait quelques films que ce soit pour Yves Caumon ou pour Hélène Angel qui était à la Fémis en même tant que lui. Ce sont des personnes qui m’ont rappelé des années plus tard et avec qui j’ai continué à faire des courts.

Tu parles de théâtre. Est-ce que tu as appris à jouer autrement au cinéma et à t’habituer à la caméra ?

Ah, complètement. Quand les acteurs de théâtre qui n’ont jamais tourné s’y mettent, ils parlent un peu fort et répètent des mimétismes qu’ils se sont appropriés à la scène, alors que moi, j’ai commencé très tôt avec Caumon et les autres. Pour moi, le court métrage a été une vraie formation. Avec ce format, j’ai vraiment appris mon métier d’acteur.

Comment prend-on en considération le travail de comédien sur un court ? Qu’est-ce que tu as appris avec la caméra d’Yves Caumon ou Hélène Angel ?

Ce n’est pas tant se former à la technique (parler moins fort, moins bouger le visage, être moins expressif) qu’apprendre en voyant le rendu du travail à l’image. La première fois, tu vois que tu en as fait des tonnes, la fois d’après, tu feras attention à gérer ton image et à travailler de sorte que ça se passe bien. En même temps, le cinéma t’apprend à travailler entouré d’une équipe, à être dans le présent avec des personnages ou dans une situation en zappant tout le reste, et à apprivoiser la caméra, à en faire abstraction tout en sachant qu’elle est là.

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Tel père telle fille

Dans ta filmographie, à un moment, il y a «Indigènes », et puis, on te retrouve dans un court métrage. Tu passes facilement d’un format, d’une structure, et d’une équipe plus grande à quelque chose de plus réduit, de plus artisanal ?

Oui, c’est tellement important que le lendemain de la sortie d’« Indigènes », je partais sur le tournage de « Tel père telle fille » de Sylvie Ballyot. Je logeais au camping alors la veille, je fréquentais le Martinez. Cela ne m’a pas posé de problème. Alterner les expériences est même une nécessité. Il ne faut pas se perdre, il faut garder les pieds sur terre, et l’énergie du court me plaît, avec sa petite économie et cette envie qu’ont les gens de faire les choses sans un rond.

Comment les autres personnes d’« Indigènes » ont-elles perçu le fait que tu enchaînais avec un court le lendemain ?

Dans ce paysage du cinéma français, j’ai commencé tardivement. Je suis seulement monté à Paris en 2000, il y a dix ans. Mon chemin est un peu bizarre, je fais office de vilain petit canard, donc les gens ne sont pas étonnés que je fasse un court et que j’enchaîne après avec Louis la brocante. Normalement, un type qui sort avec un prix d’interprétation à Cannes, si il n’a pas les pieds sur terre, il se met à rêver et croit qu’il doit juste que les grands et beaux scénarios lui parviennent. Moi, j’ai une grande lucidité de cette profession et de la façon dont elle fonctionne.

On t’en propose beaucoup, en tant que comédien, des rôles dans le court métrage ?

Oui, et j’en refuse certains, parce que je ne gagne pas ma vie en faisant du court. Je fais des courts métrages quand j’en ai le temps. Quand je lis quelque chose qui ne me plaît pas, je ne le fais pas, même si j’ai le temps. Après, quand le projet m’intéresse, on essaye de le caler dans un moment où je peux le faire. Là, normalement, je devais faire un court, mais il avait lieu pendant le festival. C’est dommage, je le trouvais bien, mais les dates ne pouvaient pas bouger. J’ai orienté le réalisateur vers Serge Riaboukine.

Quand tu parles d’image de vilain petit canard, c’est lié à quoi ?

Il y a d’abord quelque chose de très personnel. C’est dû à mon comportement et à mes choix bizarres qui font qu’on a du mal à me classer. Je suis un touche à tout, je veux réaliser, jouer, faire de la musique, … De plus, je ne m’exprime pas comme on a l’habitude d’entendre un comédien parler. Un comédien, ça pose, ça fait trois blagues à la con, moi, je peux le faire aussi, mais à ce moment-là, je joue, et je n’ai pas envie de jouer. Médiatiquement, je suis très lucide sur la manière dont les choses fonctionnent. Même si j’ai une palme refilée par un jury international qui s’en fout de la notoriété et qui juge en fonction du travail accompli, je ne vaux que dalle pour les Français, sauf pour les cinéphiles. Si la presse ne parle pas de toi, tu n’existes pas.

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En faisant beaucoup de courts, est-ce qu’à un moment donné, il y a un risque d’être catalogué “comédien de courts” ?

Quoi qu’on fasse, on est étiqueté. Je suis étiqueté ”court” par les mecs qui font du court. Pour les mecs qui font de la télé, je suis un “comédien France 2”, et dans le cinéma, vu que je bosse avec des gens assez radicaux comme Yves Caumon et Philippe Fernandez, je suis catalogué “cinéma d’auteur”. Après, quand je fais « Indigènes », les mecs sont un peu perdus ! Pour moi, ce qui compte en fait, c’est de faire mon boulot avec plaisir et d’être intéressé par des choses suffisamment variées et ouvertes.

Depuis le temps, est-ce que tu as senti une évolution dans le court ?

En vieillissant, tu commences à avoir de l’expérience et à reconnaitre certaines choses. Certains courts sont des grosses machines surfinancées qui ne sont pas amusantes à tourner parce qu’on se retrouve à faire un petit long métrage. Ici, en étant juré, je trouve qu’il y a vachement de tenue dans le court, qu’il y a un nivellement vers le haut qui, d’après moi, est dû au financement des films. Dans les génériques, je sens beaucoup la présence du CNC, des télés, des régions, et je trouve que les films répondent aux critères attendus par les commissions qui leur ont refilé du pognon. Du coup, ça assagit les films, et je ne me suis ni époustouflé ni surpris en séances.

Quand tu regardes ces films, tu les vois en tant que spectateur ou comédien ?

J’avoue que je ne suis pas très objectif. Je suis d’abord comédien, donc forcément, les films dans lesquels les acteurs m’étonnent à chaque plan me plaisent. Ils peuvent complètement m’emporter dans un film, même si il y a des imperfections à côté, je n’en ai rien à foutre. Si je suis embarqué par des personnages qui me racontent une histoire, cela me suffit.

Est-ce que tu es quelqu’un qui a besoin d’être beaucoup dirigé ?

Quand on veut trop me diriger, en général, je me raidis, et je retourne dans ma voiture ! Non, ce n’est pas vrai, je suis un mec assez docile. En général, les mecs qui t’en disent trop, ce sont ceux qui n’y connaissent rien. Si on m’a choisi, c’est pour donner même ce que je ne veux pas donner. Les meilleures directions d’acteurs que j’ai eues, c’est Hélène Angel qui me dit juste : “Fronce pas les sourcils. C’est une indication qui m’a vachement aidé, qui peut paraître complètement débile et formelle, mais qui dit tout. Et c’est Bouchareb dans « Indigènes » qui dit : “Tiens-toi droit”. Ça, c’est de la vraie direction d’acteurs. Moi, je suis un acteur instinctif. J’adore les réalisateurs qui le sont aussi. Pour moi, un bon réalisateur, c’est un mec qui regarde. Ce n’est pas un mec qui projette, c’est un mec qui regarde.

Propos recueillis par Katia Bayer

Consulter la fiche technique de « Tel père telle fille »

Article paru dans le Quotidien du Festival

D comme Deux cents dirhams

Fiche technique

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Synopsis : Ali, un jeune berger, vit dans la campagne marocaine. Un jour, alors qu’il promène ses moutons près de la nouvelle route qui borde son village, il trouve comme par miracle un billet de 200 dirhams…

Genre : Fiction

Durée : 14’18 »

Pays : France, Maroc

Année : 2002

Réalisation : Laïla Marrakchi

Scénario : Laïla Marrakchi

Images : Béatrice Mizrahi

Musique : Fawzy Al-Aiedy

Son : Pierre  André

Montage : Sarah Anderson

Décors : Naïma Bouanani

Production : Agora Films, Lazennec Tout Court

Interprétation : Abdelfatah Sail, Jamal Lahouissi, Omar Chanbod

Article associé : l’interview de Laïla Marrakchi

H comme L’Horizon perdu

Fiche technique

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Synopsis : Abdeslam est un homme rompu ; ses rêves se sont envolés. Considérant que son avenir n’est plus au Maroc, il décide de partir de l’autre côté de la Méditerranée, en Espagne. La nuit, à bord du zodiaque clandestin, il se souvient de Rhimou, celle qu’il a aimée, de son pays, de leur séparation.

Genre : Fiction

Durée : 12’

Pays : France, Maroc

Année : 2000

Réalisation : Laïla Marrakchi

Scénario : Laïla Marrakchi

Images : Béatrice Mizrahi

Musique : Raï Na Raï

Son : Pierre André , Jean-Paul Hurier

Montage : Pascale Fenouillet

Production : Gloria Films Production

Interprétation : Zakariya Gouram , Smahane La Housine

Article associé : l’interview de Laïla Marrakchi

Laïla Marrakchi. Le Cinéma, les Traditions et les Super Nanas

Cinéaste marocaine vivant en France, Laïla Marrakchi est l’auteur de trois courts métrages, « L’horizon perdu », « Deux cents dirhams », « Momo Mambo », et d’un long métrage, « Marock », considéré comme subversif dans son pays d’origine, à sa sortie en 2005. Sept ans après son dernier passage à Clermont-Ferrand, elle est à nouveau dans le coin, en tant que membre du Jury National.

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Vous êtes née à Casablanca, mais vous avez étudié à Paris. Pourquoi êtes-vous partie ?

D’abord, il n’y a pas tellement d’écoles de cinéma au Maroc. Au départ, je voulais aller aux États-Unis, mais comme toute ma scolarité avait eu lieu au lycée français de Casablanca, après le bac, la suite logique a été de partir en France. Beaucoup de gens partent à ce moment-là à l’étranger, pour se forger une expérience de vie et découvrir le monde, avant de revenir quelques année plus tard au Maroc.

L’idée n’est pas de partir pour ne pas revenir ?

Non. Pour la plupart, il y a un retour. Mes amis sont revenus après cinq-dix ans passés à l’étranger. Ils ont travaillé dans un autre pays, y ont passé une partie de leur vie, puis sont revenus au Maroc, car leurs attaches familiales et culturelles étaient très fortes. Après, tout le monde ne part pas. C’est très compliqué de le faire, il faut un visa et appartenir à une certaine classe sociale.

Qu’est-ce qui vous a orienté vers des études de cinéma ?

Le cinéma m’intéressait et je n’avais pas envie de faire une école de commerce comme tout le monde. J’avais envie d’apprendre un métier artistique. J’étais très cinéphile et je voulais être différente, du coup, je me suis retrouvée à l’ESRA. À l’école, on pouvait se frotter à la réalité pour fabriquer un court métrage, ce qui était très agréable. Puis, il y a eu les stages et les rencontres qui ont un peu plus défini les choses. J’ai été assistante et scripte sur des courts, mais aussi stagiaire sur des castings de longs. On a beau parler d’un film, mais assister à sa fabrication et le faire à plusieurs reprises est essentiel pour définir ce qu’on a envie de faire par la suite.

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Comment devient-on réalisatrice quand on a cette envie ?

Je pense que j’ai eu de la chance d’être marocaine ! J’ai fait des courts métrages qui ne sont pas extrêmement personnels, mais qui correspondaient un peu à ce qu’on attendait d’une réalisatrice marocaine. Mon long métrage a été vraiment plus personnel. Avec les courts, je me suis essayée à raconter une histoire, à gérer une équipe, à diriger des acteurs, à placer une caméra, à travailler le son, la musique, …. J’ai écrit « L’Horizon perdu » et « Deux cents dirhams » avec une certaine distance, en les concevant comme des expériences, mais je ne les ai pas portés comme j’ai pu porter mon long.

Comment au Maroc, percevait-on vos courts métrages ?

Positivement. Le cas du Maroc est intéressant : il y a une vraie demande en termes de cinéma parce que la société a besoin de se voir à travers les films.

« L’horizon perdu» date de 2001. À cette époque-là, on ne parlait pas beaucoup d’immigration clandestine. Pourquoi vous y êtes-vous intéressée ? À cause d’un fait divers ou pour exploiter vos origines ?

Il y a de ça, mais je suis aussi très intéressée par la thématique du départ, la possibilité de s’extraire d’un clan pour exister et de revenir dans son lieu d’origine. Je pense qu’on est obligé de quitter son clan pour devenir un individu et pour se construire. Cette thématique, ce fantasme de l’ailleurs et de l’autre m’intéresse avant tout. L’immigration est le fond, mais c’est un prétexte pour parler de choses qui m’interpellent et me touchent.

Êtes-vous retournée vivre au Maroc ?

Non, j’y vais souvent, mais je n’y vis pas.

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Vos films sont coproduits par la France et le Maroc. Est-ce compliqué de financer des projets avec 100% de fonds marocains ?

C’est très difficile pour les longs en général. « Marock » est un film entièrement français. Le CCM, le Centre Cinématographique Marocain, aide beaucoup les courts métrages, mais ces ressources sont insuffisantes pour les longs métrages. Quand on a des exigences techniques, il faut chercher ailleurs d’autres sources de financement.

Les films marocains sont souvent orientés autour de la culture, des traditions, et des racines. Qu’est-ce qu’une jeune marocaine peut réussir à exprimer sur son pays ?

Honnêtement, les femmes sont très combattives au Maroc. Ce sont des sacrées nanas ! Je ne parle pas de moi, mais il y a des femmes incroyables qui se battent, à tous les niveaux, social, économique, etc. Ce qui est intéressant, je l’ai surtout vu avec « Marock », c’est de créer un débat de société. Je ne pense pas qu’un film puisse changer les mentalités, mais il participe à créer un débat et à opposer les opinions.

En tant que femme, qu’est-ce que je peux exprimer ? C’est toujours difficile de se positionner en tant que telle, mais c’est vrai que les femmes doivent se battre. Même si il y a eu une réforme sur le statut de la femme, dans les mentalités, les femmes ne sont pas égales aux hommes, et n’ont pas le même pouvoir et les mêmes acquis qu’eux. Mais cela n’est pas propre au Maroc, la parité est compliquée partout.

Ce qui est intéressant, c’est de donner à une autre génération la possibilité d’y croire. C’est ce qui m’est arrivé en voyant Farida Belyazid, une réalisatrice plus âgée, appartenant à une autre génération, faire des films. Personnellement, j’ai eu la chance d’avoir une famille assez ouverte, je n’ai pas dû me battre pour faire ce que j’avais envie, pour m’imposer, et pour partir. On m’a beaucoup soutenue, mais je sais que pour la plupart des filles qui veulent être comédiennes ou qui désirent travailler dans un milieu artistique, elles doivent se battre car leurs parents et leur la famille ne voient pas ces professions d’un très bon oeil.

Les débats suscités par « Marock » étaient-ils différents selon le pays où vous le présentiez ?

En France, c’était très soft, il n’y avait rien de subversif. Dans les pays arabes, par contre, le film a posé problème. Il a été considéré comme ultra subversif car il touchait à la religion, à la judéité, et à la liberté des moeurs. Voir des jeunes gens fumer et boire ne passait pas très bien. En général, dans les films marocains, ces actions sont souvent montrées de manière maladroite, du coup, on n’y croit pas du tout. Dans ce film-ci, comme la plupart des comédiens étaient non professionnels, il y avait quelque chose de très réel et de très vrai. Voir une fille en mini short se foutre de la gueule de son frère qui est en train de faire la prière, on peut le faire en aparté mais pas de façon publique. Il y a des tabous auxquels on ne touche pas. Je le savais, mais je n’avais pas envie d’être consensuelle. Actuellement, la mode, c’est faire du cinéma qui provoque. Quand j’ai fait mon film, on m’a dit que je faisais de la provocation, alors que j’étais dans la réalité.

Sur quoi travaillez-vous depuis « Marock » ?

J’ai fait un enfant ! Cela m’a pris du temps. La vie est revenue, c’est important, c’est comme ça qu’on se nourrit aussi. Là, je suis en pleine écriture et j’espère tourner en septembre une histoire vraie que j’adapte un peu à ma sauce.

Pensez-vous revenir un jour au court métrage ou avez-vous définitivement tourné la page ?

Je me sens mieux dans le format du long, car j’ai plus d’espace pour raconter ce que je veux. Mais peut-être qu’un jour, je retournerai au court pour essayer quelque chose de formel.

Cela faisait longtemps que vous n’étiez pas revenue à Clermont-Ferrand (« Momo Mambo », 2003). Comment voyez-vous, en tant que jurée, les films que vous regardez ?

Je les regarde plutôt en tant que spectatrice. J’aime être surprise en voyant comment les histoires sont racontées et ce qui ressort de la nouvelle génération. Pour le moment, je suis un peu sur ma faim. Je retrouve les mêmes formes, histoires et traitements, comme il y a sept ans. Mais il me reste encore quelques séances à voir, et j’ai de l’espoir !

Propos recueillis par Katia Bayer

Consulter les fiches techniques  « Deux cents dirhams » et « L’Horizon perdu »

Article paru dans le Quotidien du Festival

Clermont, le Palmarès 2010

Compétition Internationale

Grand Prix :Blue sofade Lara Fremder, Giuseppe Baresi, Pippo Delbono (Italie)

Prix Spécial du Jury : Ella de Hanne Larsen (Norvège)

Prix du Public : Sinna man (L’homme en colère) de Anita Killi (Norvège)

Prix du Meilleur Film d’Animation : Sinna man (L’homme en colère) de Anita Killi (Norvège)

Prix de la Jeunesse : Efecto domino (Effet domino) de Gabriel Gauchet (Cuba, Allemagne)

Prix Canal+ : Glenn Owen Dodds de Frazer Bailey (Australie)

Prix des Médiathèques : I love Luci (J’aime Luci) de Colin Kennedy (Royaume-Uni, Danemark)

Prix de la Presse International SFR : On the run with Abdul (En cavale avec Abdul) de David Lalé, James Newton et Kristian Hove (Royaume-Uni)

 

Compétition Labo

Grand Prix : Petite anatomie de l’image de Olivier Smolders (Belgique)

Prix Spécial du Jury : Marker (Les terres) de Susanna Wallin (Royaume-Uni)

Prix du Public: Photograph of Jesus (Une photo de Jésus) de Laurie Hill (Royaume-Uni)

Prix Audi labo : A family portrait (Un portrait de famille) de Joseph Pierce (Royaume-Uni)

Prix Canal+ : Mrdrchain de Ondrej Svadlena (République Tchèque)

Prix de la Presse Télérama : A family portrait (Un portrait de famille) de Joseph Pierce (Royaume-Uni)


Compétition française

Grand Prix : Dónde está Kim Basinger ? (Où est Kim Basinger ?) de Edouard Deluc (France, Argentine)

Prix Spécial du Jury : Annie de Francia de Christophe Le Masne

Prix du Public : Comme le temps passe de Cathy Verney

Prix Audi National : Logorama de H5 (François Alaux, Hervé de Crécy, Ludovic Houplain)

Prix de l’ACSE (Agence Nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances) : Dounouia de Olivier Broudeur et Anthony Quéré

Prix de la meilleure musique originale (SACEM) : Je criais contre la vie. Ou pour elle de Vergine Keaton. Musique : Vale Poher

Prix de la Meilleure Première Œuvre de Fiction (S.A.C.D.) : Le frère de Julien Darras

Prix ADAMI d’interprétation – Meilleure comédienne : Mathilde Bisson dans Sur mon coma bizarre glissent des ventres de cygnes de Vincent Cardona

Prix ADAMI d’interprétation – Meilleur comédien – Guillaume Briat dans Dans le décor de Olivier Volcovici

Prix du Meilleur Film d’Animation francophone (S.A.C.D.) : Fard de David Alapont et Luis Briceno

Prix de la Jeunesse : Wakefield de Laurent Bébin et François Valla

Prix Canal + : Dónde está Kim Basinger ? (Où est Kim Basinger ?) de Edouard Deluc (France, Argentine)

Prix « Attention Talent » Fnac : Logorama de H5 (François Alaux, Hervé de Crécy, Ludovic Houplain)

Prix du Rire « Fernand Raynaud » : Comme le temps passe de Cathy Verney

Prix de la Presse National SFR : Une vie de Emmanuel Bellegarde

Prix Procirep du producteur de court métrage : Sacrebleu Productions, Ron Dyens

 

Mentions spéciales du Jury International

Mention d’Alanis Obomsawin : Trolls de Brianne Nord-Stewart / Canada

Mention d’Ada Solomon: Viikko ennen vappua (Par-dessus le grillage) de Hamy Ramezan / Finlande

Mention de Gérard Manset: Aprilis Suskhi (Fraîcheur d’avril) de Tornike Bziava / Géorgie

Mention de Nacho Vigalondo : Jenny and the worm (Jenny et le ver) de Ian Clark / Royaume-Uni

Mention de Paul Driessen : Betty B and the The’s de Felix Stienz / Allemagne

Mention spéciale du Jury Labo

Videogioco (Loop Experiment) (Jeu vidéo) de Milkyeyes (Italie)

Mention spéciale du Jury National

C’est gratuit pour les filles de Marie Amachoukeli et Claire Burger

Mention spéciale du Jury Jeunes National

Dónde está Kim Basinger ? (Où est Kim Basinger ?) de Edouard Deluc / France, Argentine

Mention duo d’interprétation du Jury ADAMI

Philippe Rebbot et Yvon Martin dans Dónde está Kim Basinger ? (Où est Kim Basinger ?) de Edouard Deluc

Mention spéciale du Jury Presse Labo

A film from my parish – 6 farms (Un film de ma paroisse – 6 fermes) de Tony Donoghue / Irlande

 

Prochain festival, prochaines dates : du 4 au 12 février 2011.

P comme Des Poux dans la Paille

Fiche technique

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Synopsis : Bernard, la cinquantaine, habite une petite caravane dans l’arrière-cour de son garage. Suite au divorce de ses parents, Mathias choisit de rejoindre le cadre peu contraignant que lui offre son père. L’arrivée d’une assistante sociale perturbera leur équilibre fragile.

Genre : Fiction

Durée : 22’30 »

Pays : Suisse

Année : 2009

Réalisation : Didier Crepey

Scénario : Didier Crepey

Images : Marc-André Verpaelst

Musique : Pierre-Jean Detroyat

Son : Patrick Duvoisin

Montage : Prune Jaillet

Interprétation : Priska Cordonier , Jean-Robert Abplanal , Jérôme Sire , Simon Hidebrand, Kevin Sirman

Production : Haute Ecole d’Art et de Design (HEAD)

Article associé : la petite interview de Didier Crepey

E comme Efecto domino

Fiche technique

Synopsis : Un soir, dans un quartier de la Havane, les hommes jouent aux dominos et les femmes bavardent. Soudain, on retrouve la petite-fille d’une de ces femmes, violée dans un parc voisin. La situation s’aggrave pour Mercedes, la grand-mère, tandis que Ramón, son mari, cherche un coupable à tout prix.

Genre : Fiction

Durée : 27’40’’

Pays : Cuba, Allemagne

Année : 2010

Réalisation : Gabriel Gauchet

Scénario : Gabriel Gauchet , Francisco García Gonzáles

Images : Christiane Buchmann

Musique : Marc Hupfeld

Son : Gustavo Fioravante

Montage : Leopoldo Nakata , Manuel Iglesias

Décors : Niels De Rosario Bermúdez

Production : Kunsthochschule für Medien Köln

Interprétation : Violena Isabel Ampudia , Samuel Claxton , Luis Alberto García , Jorge Alí , Yoset Puentes , Alina Rodriguez , Enrique Molina

Article associé : la petite interview de Gabriel Gauchet

B comme Bingo

Fiche technique

Synopsis : Bingo, un jeune gitan d’origine moldave, venu aux Pays-Bas en quête d’une meilleure existence, travaille pour une société de démolition en compagnie de deux autres immigrés clandestins ; si ces derniers ont perdu espoir, Bingo poursuit son rêve de construire une maison sur sa terre natale.

Genre : Fiction

Durée : 27’40’’

Pays : Pays-Bas

Année : 2009

Réalisation : Timur Ismailov

Scénario : Bastiaan Tichler, Timur Ismailov

Images : Lennart Verstegen

Musique : Sergiu Voloc

Son : Evelien van der Molen

Montage : Annelotte Medema

Production : Nederlandse Film en Televisie Academie

Décors : Sara van Eerden, Wietske van den Bout

Interprétation : Mark Zak , Sergiu Voloc , Yasar Ustuner , Dimitri Bilov

Production : Netherlands Film and Television Academy

Article associé : la petite interview de Timur Ismailov

B comme By the Grace of God

Fiche technique

Synopsis : Une plongée dans le monde de Juergen, un provocateur tourmenté sans passé ni origine. Sa folie des grandeurs le mène en Angleterre pour trouver sa place dans l’histoire et réclamer son droit souverain au trône.

Genre : Expérimental

Durée : 37’

Pays : Royaume-Uni

Année : 2009

Réalisation : Ralitza Petrova

Scénario : Ralitza Petrova

Images : Daniel Stafford-Clark

Musique : Stuart Earl

Son : Gunnar Oskarsson

Montage : Hazel Baillie

Décors : James Spencer

Production : National Film and Television School (NFTS)

Interprétation : Artur Albrecht

Article associé : la petite interview de Ralitza Petrova

P comme Plastic and Glass

Fiche technique

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Synopsis : Dans une usine de recyclage, les ouvriers se rejoignent pour chanter, et les machines dansent. Le son de l’usine devient un rythme constant et un chauffeur de camion commence à chanter une chanson pour son amoureuse.

Genre : Documentaire, Expérimental

Durée : 9’

Pays : France

Année : 2009

Réalisation : Tessa Joosse

Scénario : Tessa Joosse

Images : Blaise Basdevant

Musique : Tessa Joosse

Son : Sébastien Cabour

Montage : Tessa Joosse

Production : Le Fresnoy

Interprétation : Sahri Azzedine, Patrick Lecoutre, Anne Marie Quartiero, Messaoud Sellaoui, Ahmed Benzouai, Abdelhamid Bensbaa, François Marzynski, Mohammed Aberkane, Frank Engels, Lionel Menendez, Claude Lesne, Fabrice Lecomte, Poet Stunt

Article associé : la petite interview de Tessa Joosse

Etudiants versus Cinéastes

Leurs films ont été sélectionnés à Clermont-Ferrand. Ils se mesurent à des pros, alors qu’ils sont encore aux études ou qu’ils viennent à peine d’en sortir. Pourquoi choisit-on une école et pas une autre ? Comment y expérimente-t-on le sentiment de liberté ? En tant qu’étudiant, perçoit-on suffisamment la réalité du métier à venir ? Autant de questions posées à cinq réalisateurs issus de la compétition nationale, internationale et labo.

Tessa Joosse, réalisatrice de « Plastic and Glass ». Production : Le Fresnoy, France (F5)

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« J’ai étudié l’art et la vidéo à Amsterdam. Pendant dix ans, j’ai travaillé à l’opéra et au théâtre jusqu’au jour où j’ai ressenti le besoin de chercher une autre maîtrise. J’avais envie de changer et de me retrouver dans le cinéma. Ce qui m’a vraiment intéressée en entrant au Fresnoy, c’est que la formation dure deux ans et qu’on peut y entrer avec ses propres idées de travail tout en étant suffisamment libre de concrétiser ses envies grâce à des moyens et des outils professionnels. « Plastic and Glass » est mon film de première année. Il marche plutôt bien, encore récemment, j’étais à Sundance. En fréquentant les festivals, je me rends de plus en plus compte que j’ai encore beaucoup à apprendre. Parallèlement à mes occupations, j’ai très envie de faire un film par an. Mon envie de faire du cinéma est plus présente que jamais. »

Ralitza Petrova, réalisatrice de « By the Grace of God » (Par la grâce de Dieu). Production : National Film and Television School, Royaume-Uni (L3)

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« J’ai eu mon diplôme en mars dernier. Avant d’entrer à la NFTS, je me suis renseignée sur l’école, et j’en ai entendu beaucoup de choses positives. Dans cette école, on n’accorde pas tellement d’importance aux références, on est complètement libre de ce point de vue. Ce n’est pas une école qui formate ses étudiants. Par contre, on peut y trouver son style et sa voix, et ça, c’est un avantage formidable. C’est justement pour cela que j’ai choisi cette école qui est une petite communauté très liée qui soutient les élèves, qui respecte et qui nourrit les projets au maximum. Quand on a un projet en tête, on présente son pitch devant la classe et on se bat pour former son équipe parmi les gens de l’école. Mon film de fin d’études, « By the Grace of God » n’était pas très conventionnel. Je n’ai pas trop dû me battre car le projet a intéressé les bonnes personnes, des gens plutôt punk ! À l’école, on a l’habitude d’être le centre de l’attention en tant que réalisateurs, mais ironiquement, quand on en sort, tous les autres trouvent tout de suite un travail, sauf les réalisateurs, hormis ceux qui veulent faire de la télé. Moi, ça ne m’intéresse pas, le petit écran. Je veux faire du cinéma indépendant, je ne suis pas là pour divertir, je ne suis pas un clown. J’ai besoin de liberté. Pour moi le cinéma n’est pas une industrie, mais de l’art ou de la poésie. »

Timur Ismailov, réalisateur de « Bingo ». Production : Nederlandse Film en Televisie Academie, Pays-Bas (L7)

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« Je me suis intéressé au cinéma pour deux raisons. Ma petite amie est néerlandaise et m’a emmené vivre avec elle aux Pays-Bas. Avant cela, j’avais étudié les arts, les lettres, les sciences politiques et sociales en Russie et vu un film hollandais qui m’avait énormément marqué et qui venait de la NFTA. À la même époque, j’écrivais des nouvelles et des scénarios, mais je ne savais pas encore que je voulais devenir réalisateur. Cette idée est venue par la suite. En arrivant à la NFTA, j’ai découvert une bonne école pour les bases et les connaissances pratiques dans laquelle on peut vraiment expérimenter ce qu’on veut. Le désavantage, c’est que les sections différentes (image, réalisation, scenario…) travaillent difficilement ensemble. Parfois, en tant que réalisateur, il faut se battre pour sa liberté créative. À la base, moi, je m’étais inscrit en scénario, mais je ne pouvais pas tourner mon propre film, ce qui était carrément frustrant, du coup, j’ai changé de section et j’ai pu tourné « Bingo ». Cette division imposée entre réalisateur et scénariste est frustrante si on peut prouver qu’on est capable de faire les deux. Là, je viens de terminer l’école, et l’avenir me préoccupe déjà. C’est une profession à haut risque, la compétition est énorme dans l’industrie. Chaque projet peut être le dernier, raison pour laquelle il faut faire de son mieux pour faire le meilleur film possible. »

Gabriel Gauchet, réalisateur de « Efecto Domino ». Production : Kunsthochschule für Medien Köln, Allemagne, Cuba (I3)

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« Au début, je souhaitais faire une école de cinéma. J’avais fait des petits films en tant qu’adolescent et j’aimais l’idée de la liberté. Je me suis rabattu sur une école d’art pour faire ce que je voulais et parce j’habitais en Allemagne à ce moment-là. J’avais besoin d’une école qui me laisse exceptionnellement libre. À la KHM, on te guide et on te conseille, mais on a la liberté de faire tout ce qu’on veut. Sur les films, on fait tout soi-même, du coup, on est moins arrogant et plus respectueux du travail d’équipe. En revanche, on est assez seul parce qu’on écrit son scénario et qu’on monte toute la production soi-même. Dans le cadre de mes études, grâce à un échange d’écoles, je me suis retrouvé à Cuba et l’idée du film est née ainsi. En profitant d’une bourse, je me suis permis de faire un film relativement long (27′), comme je l’entendais. Aujourd’hui, même si il me reste encore un an à prester, je ne me considère pas pour autant comme étudiant. J’ai envie d’essayer de faire des films à petit budget avec une petite équipe d’amis et de collègues. Malgré la liberté totale de l’école, j’ai quand même appris énormément de choses sur la réalité du métier. »

Didier Crepey, réalisateur de « Des poux dans la paille ». Production : Haute École d’art et de design, Suisse (I14)

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« À la base, je suis électricien. J’ai passé dix ans sur les chantiers, et j’ai découvert le cinéma il y a quatre ans en bricolant des petits films dans mon coin. Je n’avais pas de diplôme pour me lancer dans des études de cinéma, mais les Beaux-Arts de Genève ont été plus souples que les autres écoles en m’accordant l’opportunité de me former au cinéma de façon professionnelle. À l’école, j’ai pu m’exprimer comme je le voulais, travailler au feeling, et en même temps, avoir des cadres et des balises. Le cinéma là-bas est perçu comme un travail collectif. En Suisse, il n’y a pas d’industrie de cinéma et la formation n’est pas fragmentée comme en France. Les réalisateurs indépendants font leurs films et s’entraident car ils ont tous différents acquis. Mais avant cela, à l’école, c’est vrai que les apprentis réalisateurs vivent sur une planète dorée. Ils ne se rendent pas compte du monde extérieur, ils n’ont ni producteur ni pression pour les ramener à la réalité. Au contraire, ils ont en leur possession l’argent et le matériel nécessaires pour faire leurs films. On a beau nous en parler, on ne se rend pas du tout compte de la dureté de ce milieu avant de l’expérimenter personnellement. »

Propos recueillis par Katia Bayer

Article paru dans le Quotidien du Festival

Consulter les fiches techniques de « Plastic and Glass », « By the Grace of God », « Bingo », « Efecto Domino », « Des Poux dans la Paille »

Vous ne regardez pas assez la télévision, bonjour

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Pendant le Festival de Clermont-Ferrand, Bref s’amuse et s’allume quotidiennement avec La petite luc@rne, réalisée en partenariat avec Les Productions du Lama. Depuis le 29 janvier, date d’ouverture des festivités, le magazine cadre les mots et les visages des professionnels et des réalisateurs issus de la compétition, à travers quatre à cinq sujets mis en ligne quotidiennement.

De l’écrit à l’écran, il n’y avait que quelques lettres de différence. Bref les a prises en considération, en complémentarité de son site refondé il y a tout juste un an et de la revue toujours aussi classe, malgré les années. Curieux d’en (sa)voir plus ? Ces entretiens filmés se laissent apercevoir sur www.brefmagazine.com et sur www.lesproductionsdulama.com

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Ne circulez pas, il y a tout à voir

Parfois, l’une ou l’autre information tombe sombrement. Une dizaine de personnes périssent en tentant de rejoindre les côtes italiennes, une famille chinoise se fait expulser du sol français malgré plusieurs recours en justice, des sans papiers roumains se font exploiter et remplacer à tout va, … Parfois, l’une ou l’autre de ces informations réveille, décile le regard, creuse une ride et nous fait prendre conscience que la vie n’est pas aussi « pink » que le chantait Édith.

L’engagement est un atout qui se traduit dans toutes les langues. Sans liens apparents, cette année, huit films en compétition à Clermont-Ferrand ont choisi de traiter des difficultés causées par l’immigration clandestine, les problèmes d’intégration et l’isolement des personnes en situation irrégulière. Qu’ils viennent de France, d’Espagne, du Mexique, du Canada, ou du Royaume-Uni, ces sujets forts et percutants privilégient la dénonciation à la passivité, la parole au silence, et le portrait à l’anonymat.

Côté sud-américain, deux films s’inscrivent dans ces thématiques réalistes. « Metropolis Ferry » de l’Espagnol Juan Gautier illustre la rencontre fictive entre un homme obnubilé par sa relation amoureuse et un jeune marocain, débusqué par la police des frontières. A neuf reprises, le clandestin a cherché à s’infiltrer en Espagne, à neuf reprises, il a échoué. La peur, il ne se souvient plus de son apparence. Son illusion tient en six lettres (E.U.R.O.P.E.) et demeure indélébile malgré les injustices, les passages à tabac, et les discours dissuasifs tenus sur des bancs de commissariats de police.

Chez les Mexicains, c’est le documentaire « La Patrona » qui aborde le sujet de l’immigration. Lizzette Argüello pose sa caméra aux abords des voies ferrées pour filmer des liens très éphémères : des femmes distribuent des sourires, de la nourriture, et des encouragements à des mains tendues depuis des wagons de marchandises. Traversant le pays pour gagner le Nord dans l’espoir d’une vie meilleure, les migrants n’ont que quelques secondes pour attraper un soutien moral et des vivres, et pour tenir tout le long de leur interminable voyage ferroviaire.

Prise de position

Moins lointains, six autres courts se baladent, eux aussi, entre clandestinité, exclusion, et indifférence. Porté par un joli titre et la voix d’un de ses protagonistes, « La neige cache l’ombre des figuiers », de Samer Najari est une fiction ludique encerclant le quotidien d’une poignée d’immigrants aux origines diverses exploités par un patron refusant obstinément de rester calme. Distribuant des tracts publicitaires pour gagner leur vie, ils parlent de rien et de tout. De la neige glaciale, des russes à dos de cheval, des culottes volantes, et de la meilleure manière de passer incognito avec un bonhomme de neige en plastique.

Pour rester dans le décalé, autant faire un lien avec le truculent « Adieu Général » de Luis Briceno, qui capture en format et caméra de poche les années quatre-vingts, les souvenirs personnels de l’époque Pinochet/Darkvador, et l’animation d’objets multiples. En voix-off, le réalisateur de « Mr Moth » et « Des Oiseaux en cage ne peuvent pas voler » revient sur le Chili de son enfance, sa perception de la révolution et de l’homme nouveau, tout en rendant un hommage drolatique et tendre à son pays, à ses parents, mais aussi à la reine d’Angleterre et au vieux général.

Plus sérieux, plus français, « L’Aide au retour », de Mohamed Latrèche, s’insère dans les problèmes de couple de deux immigrés yougoslaves sommés de quitter le territoire hexagonal, moyennant une contrepartie financière, pour démarrer une nouvelle vie au Kosovo, pays qu’ils ont fui il y a bien longtemps et qui ne les renvoie qu’à des mauvais souvenirs. Egalement repéré en compétition nationale, le très beau « Dounouia » d’Olivier Broudeur et Anthony Quéré, arrête son cadre sur le quotidien d’un jeune Malien morcelé entre sa culture d’origine et ses difficultés à s’intégrer parmi les jeunes de son âge et de sa cité. Arrivé en France pour des raisons de regroupement familial, il n’arrive pas à concilier ces deux extrêmes jusqu’au jour où il se met à danser avec une jeune fille de son quartier, Nadira.

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Cliquer sur l’image pour visionner le film

Difficile de parler d’immigration sans évoquer deux films ayant un lien direct avec un réel qui fait mal et qui ne triche pas. Il s’agit de deux documentaires, l’un en compétition internationale, l’autre en sélection nationale, qui s’engagent au service de deux histoires individuelles, fortes et terribles. « On the Run with Abdul » de Kristian Hove, James Newton, et David Lalé se construit autour du portrait d’un jeune réfugié afghan de seize ans, en proie à des difficultés pour rejoindre l’Angleterre depuis Calais. Malgré son jeune âge, ce sujet-témoin a une grande expérience de l’exil et ses forces et ses faiblesses parlent au nom de tous ses camarades d’infortune. Outre son sujet, ce film d’espoirs et de désillusions aborde aussi la question de la distance entre filmeur et filmé, récurrente dans le genre documentaire, tant les interventions de ses auteurs sont fréquentes.

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Last but not least. « Seydou » de deux sœurs, Delphine et Muriel Coulin, sélectionné en compétition nationale, s’intéresse quant à lui, à la place des ‘’déchets’’ inutiles dans la société contemporaine, à travers le portrait intime d’un immigré malien employé dans une société de recyclage. Clandestin illégal, Seydou n’apparaît pas à l’image, et seules ses mains et son dos sont filmés, en guise d’illustration à son discours mi-clairvoyant mi-percutant sur la liste officielle des professions donnant accès au Super Sésame, un titre de séjour.

Si l’engagement se traduit dans toutes les langues, les longs discours se révèlent parfois inutiles pour faire entendre un cri et une amertume. Une lettre filmée adressée à un jeune afghan croisé au hasard d’un tournage ou un documentaire de trois minutes sur un trieur de déchets/clandestin déchet peuvent tout simplement suffire.

Katia Bayer

Article paru dans le Quotidien du Festival

N comme Notes on the Other

Fiche technique

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Synopsis : Tous les étés, une foule de sosies d’Ernest Hemingway afflue vers Key West, en Floride, pour élire l' »Hemingway authentique ». En 1924, Hemingway lui-même avait désiré être un d’autre…

Genre : documentaire, expérimental

Durée : 13′

Pays : Espagne

Année : 2009

Réalisation : Sergio Oksman

Scénario : Sergio Oksman , Carlos Muguiro

Image : Daniel Sosa

Musique : Manuel Campos

Son : Carlos Bonmati

Montage : Sergio Oksman

Production : Mario Madueño, Samuel Martínez

Voix : Jeff Espinoza

Article associé : l’interview de Sergio Oksman

Le site du film : http://www.notesontheother.com/

Sergio Oksman : « The Question Is How And Not What »

Pendant plusieurs mois, le Brésilien Sergio Oksman s’est intéressé à Ernest Hemingway, à ses sosies, aux fantômes, et à une photographie vieille de 86 ans. Parlant de son film comme d’une imposture, le réalisateur de « Notes on the Other » (Notes sur l’autre) revient sur son parcours, sur la manière de raconter des histoires, et sur la frontière entre la fiction et le documentaire.

oksman

Tu es brésilien, tu parles espagnol, mais ton film est en anglais. Pourquoi avoir choisi cette langue ? Était-ce à cause d’Hemingway ?

Oui, probablement à cause de lui. Pour moi, chaque film a sa propre langue. Pour le moment, je suis en train de travailler sur trois projets. L’un est en anglais, le deuxième en portugais, et le troisième en espagnol. La langue dépend du sujet et de la manière dont je vais en parler. Par l’exemple, l’un des projets est un journal d’un voyage au Brésil, la langue est donc naturellement le portugais.

Le film repose sur une histoire dont t’a parlé un de tes amis, Carlos Muguiro. Qui est-il ?

Carlos est un scénariste fantastique. C’est lui qui a crée le Festival Punto de Vista, probablement le festival de documentaires et de films expérimentaux le plus important d’Espagne. Il y a six ans, il m’a montré une photographie prise en 1924 et un essai qu’il avait écrit à propos d’un regard croisé, et m’a dit : “essayons de faire un film sur les fantômes, à propos de cette image, car les fantômes se sont accumulés dans le même endroit pendant plus de 80 ans ».

Comment a-t-il trouvé cette photographie ?

C’est quelqu’un de curieux, par nature. Il a fait des recherches ou il a lu quelque chose à son sujet. Mais ce qui est intéressant, ce n’est pas la photo elle-même, c’est l’histoire qu’elle a inspiré car au bout du compte, le film ne parle pas de fantômes mais d’imposteurs.

Comment produit-on un film sur l’imposture ?

Difficilement. Avec un projet pareil, c’est impossible de dire à un producteur qu’on va faire un film sans être sûr de son sujet et qu’on découvrira de quoi il parle pendant son processus. Le producteur réagira en vous traitant de doux dingue. Au début, j’avais quand même trouvé un coproducteur, mais à la fin, nos relations étaient devenus conflictuelles. Il disait que le film était très élitiste, qu’il n’avait pas d’avenir, et qu’il n’irait jamais dans les festivals. Il a abandonné le projet, du coup, je me suis retrouvé tout seul à le produire.

« Notes on the Other » (Notes sur l’autre) est ton film le plus court. Est-ce que sa durée a été déterminée par son sujet ?

Je travaille depuis 15 ans, j’ai fait 25 films, et le plus court faisait 30 minutes. Je pensais que ce sujet méritait un tel format, mais ce qui est curieux, c’est que cela m’a pris plus de temps de faire un court que n’importe lequel de mes travaux précédents. J’ai passé six mois douloureux à monter un film de 13 minutes. Avant « Notes », tout ce que j’avais fait était plus long. Je n’avais jamais fait de courts métrages, et maintenant, je ne veux faire que ça.

Pourquoi ?

Parce que c’est bien plus difficile. Les gens pensent qu’écrire un roman est bien plus dur qu’écrire une nouvelle. Ce n’est pas vrai, la nouvelle est le territoire où l’on peut vraiment expérimenter ce qu’on veut.

Et où l’on souffre plus aussi…

Oui. Je souffre beaucoup car le problème n’est pas de déterminer un sujet, mais de trouver la manière de raconter une histoire. C’est drôle, j’entends souvent parler de sujets. Personnellement, le sujet ne m’importe pas, c’est juste le début de quelque chose. La question est comment, et non quoi.

Est-ce la raison pour laquelle tu ne penses pas que ton film est un documentaire, mais quelque chose situé entre le documentaire et la fiction ?

Exactement. Ce film est un essai que j’associe plus à une fiction de la réalité qu’à un réel documentaire. J’ai cherché à raconter une histoire potentielle qui aurait pu se passer, en connectant des éléments isolés, en associant différentes pièces de puzzle (une photographie, une course de taureaux, des gens prétendant être quelqu’un d’autre, …).

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Même si tu évoquais les fantômes et les doubles identités, le film parle de Hemingway. Pourquoi lui et pas quelqu’un d’autre ?

Parce qu’une photo de 1924 est liée à lui, parce qu’il voulait être quelqu’un d’autre, et parce qu’il a fait connaître les courses de taureaux dans le monde entier. Une chose étrange est arrivée pendant le tournage, lorsqu’on pensait encore que le film touchait aux fantômes. Carlos m’avait dit : “si tu attends, Hemingway apparaitra”. C’était impossible et mystique, je refusais de le croire. Le dernier jour, j’allais partir quand on m’a appelé. John Hemingway, le petit-fils de l’écrivain, était aussi en train de faire des recherches sur son grand-père, et il voulait me rencontrer. Quand j’en ai parlé à Carlos, il m’a dit : “tu vois, je t’avais bien dit qu’il allait apparaître !”.

Tu parlais de trois projets. Sur quoi es-tu concentré actuellement ?

Ces jours-ci, je suis en train de terminer un film lié à de nombreuses photographies trouvées dans le centre de Madrid, il y a six ans. Beaucoup de clichés très étranges représentant une famille (un vieil homme, une vieille femme et un jeune homme) avaient été trouvés dans une poubelle, avant qu’on me les donne. Quelqu’un a fait des recherches et a découvert que la femme avait l’habitude de se considérer comme la peintre la plus importante de l’apocalypse, et que l’homme avait notamment participé en tant qu’acteur à « Rosemary’s Baby » de Polanski. Ce qui est fantastique, c’est qu’en examinant bien ces photos, on se rend compte à quel point ces gens étaient préoccupés par la postérité et l’immortalité, et qu’à partir du moment où ils meurent, toute leur vie termine à la poubelle. Ce film, j’espère pouvoir le montrer l’année prochaine à Clermont-Ferrand.

Tu le produis aussi tout seul, ce projet ?

Oui.

Propos recueillis par Katia Bayer

Consulter la fiche technique de « Notes on the Other »

Article paru dans le Quotidien du Festival

Article associé : la critique de A story for the modlins

3 pays, 9 réponses

Au Marché du Festival, certains stands sont plus discrets et récents que d’autres. Voisins cette année, la République tchèque, la Pologne, et la Roumanie font partie de ces pays dont la réputation est acquise, mais dont l’absence se faisait auparavant ressentir dans l’espace réservé à la promotion du court. Pour accueillir leurs nouveaux copains, les autres pays se sont un peu poussés, tout en gardant le sourire et l’oeil ouvert sur les nouveaux films.

Marketa Santrochova (Czech Film Center, République tchèque)

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1.Pour quelles raisons avez-vous décidé d’occuper un stand au marché du Festival ?

Il y a deux ans, j’ai rencontré à Cannes des membres de l’équipe de Clermont-Ferrand. Cela faisait longtemps que les films tchèques étaient représentés dans la vidéothèque du festival, mais nous n’avions pas encore pu envisager une représentation plus officielle. Le Centre du cinéma tchèque existe seulement depuis 2002. C’est une petite organisation qui agrandit ses activités petit à petit et qui souhaitait depuis longtemps faire quelque chose en faveur du court métrage. Nous souhaitions venir plus tôt au marché, mais nous n’avions pas pu le faire. C’était un projet, maintenant, il est devenu réalité ! C’est notre première année..

2. Est-ce difficile dans votre pays, pour un jeune sortant de l’école, de trouver des financements pour réaliser son film ?

C’est difficile car la plupart des courts métrages se font à l’école. Très peu de maisons de production produisent seulement des courts métrages. En République tchèque, c’est un problème : les talents et les sujets ne manquent pas, mais c’est très difficile de trouver des financements, et il n’existe pas vraiment de programme de soutien spécialisé pour le court. On essaye de changer les choses, mais ce n’est pas évident.

3. Qu’est-ce qu’un emplacement pareil peut représenter pour les films de votre pays ?

Les gens s’intéressent à nos films. Avant le festival, nous avons édité une compilation empruntant à tous les genres et opéré un choix entre 150 films tchèques. Cela a demandé beaucoup d’heures de visionnement, mais les gens se montrent très réactifs. Tant mieux!

Katarzyna Wilk (Krakow Film Foundation, Pologne)

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1.Pourquoi avez-vous décidé d’occuper un stand au marché ?

Pour deux raisons. On a constaté que les films polonais manquaient de promotion dans les marchés internationaux. Il y a quelques années, le gouvernement a augmenté l’enveloppe budgétaire réservée au cinéma. Résultat : on a reçu de l’argent pour assurer la promotion des films polonais et on a décidé de venir à Clermont-Ferrand car c’est un des marchés les plus importants dans le genre. Cela fait trois ans qu’on est là. On voyage beaucoup avec nos films, mais les dates de Clermont ont lieu à un bon moment dans l’année. Il n’y a pas tellement de festivals à cette période-là.

2. Est-ce difficile dans votre pays, pour un jeune sortant de l’école, de trouver des financements pour réaliser son film ?

C’est possible, mais ce n’est pas si facile pour des raisons financières. En Pologne, il n’y a pas beaucoup de boîtes de production de courts métrages. Le court métrage n’est pas aussi bien représenté que le long, mais les choses sont peut-être en train de changer. Récemment, des producteurs se sont rassemblés et cherchent de l’argent pour leurs films. Ensemble, c’est moins difficile que tout seul.

3. Qu’est-ce qu’un emplacement pareil peut représenter pour les films de votre pays ?

Ici, à Clermont, beaucoup de personnes, pour la plupart liées à d’autres festivals internationaux, sont intéressées par les films polonais. Elles nous demandent ce qu’il y a de neuf et s’intéressent aussi bien aux films indépendants qu’aux films d’écoles.

Vlad Llicevici (Fest ‘Asia, Roumanie)

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1.Pourquoi avez-vous décidé d’occuper un stand au marché ?

C’est notre deuxième année à Clermont-Ferrand. Nous trouvions que les films roumains n’étaient pas très bien promus en festival. Les producteurs essayaient de le faire, mais ils n’avaient pas beaucoup de temps, donc nous avons décidé de nous en occuper en sortant un catalogue comprenant un DVD et en occupant un stand au marché.

2. Est-ce difficile dans votre pays, pour un jeune sortant de l’école, de trouver des financements pour réaliser son film ?

Ce n’est pas évident, non. L’argent vient du National Film Center, mais il n’y en a pas beaucoup pour les projets hors écoles. L’année dernière, à Cannes, le Centre a signé un traité avec le CNC dans le but d’envisager des coproductions entre la Roumanie et la France, mais je n’en ai pas encore entendu parler pour le court métrage.

3. Qu’est-ce qu’un emplacement pareil peut représenter pour les films de votre pays ?

Tout le monde semble très intéressé par les films roumains. Nous avons des bons retours des européens et des américains. Ils nous disent que ce sont de très bons films, ils nous les réclament tous, ont aussi l’air d’apprécier le film en compétition, “Musica in sange” (La musique dans le sang”- Alexandru Mavrodineanu). On reviendra !

Propos recueillis par Katia Bayer

Short Film Depot. Le trait d’union entre les utilisateurs et les festivals

Depuis 2005, le Short Film Depot, offre aux pros du genre (réalisateurs, producteurs, distributeurs, organismes et écoles du monde entier) la possibilité d’inscrire gratuitement leurs films dans les principaux festivals partenaires (Festival de Rio de Janeiro, Shorts Shorts Film Festival, Concorto Film Festival, FPS – Intl Experimental Film And Video Festival, …).

Au moyen d’un formulaire unique et d’un compte individuel, l’utilisateur est guidé dans la langue de son choix (français, anglais, espagnol, italien ou portugais), dans l’enregistrement de son film. A ce stade, une multitude de données lui sont réclamées : titre du film, année, durée, résumé, synopsis, droits, carrière, photos, notes d’intention, … Chaque élément doit être saisi et validé, avant de passer au suivant, sinon –gare !- un petit bouton se met à clignoter frénétiquement tant que les données encodées demeurent incomplètes. Une fois enregistrées, ces informations sont sauvegardées définitivement et l’usager peut enfin enregistrer son film dans le festival de son choix.

Via le système d’inscription en ligne, il recevra régulièrement des messages d’alertes, suivant la spécificité du titre enregistré et le calendrier des festivals inscrits. Et en guise de petit bonus, il sera en mesure de suivre en trois temps le statut de son inscription (envoi, validation, et sélection), d’accéder aux règlements et aux fiches de présentation de festivals, ainsi qu’à leurs appels à films et à leurs dates de déroulement.

Petite subtilité : Short Film Depot ne s’adresse pas qu’aux particuliers. La plateforme est également ouverte aux festivals consacrant au moins une section, compétitive ou non, au court métrage. Moyennant 1.000 €, chaque festival adhérent dispose annuellement d’un outil d’administration en ligne auquel il a directement accès pour gérer au mieux ses données. En temps réel, il a la possibilité de suivre la progression des inscriptions sections par sections, de communiquer et relancer ses contacts, de disposer d’éléments propres aux films, et d’informer les personnes concernées des sélections de leurs titres.

En bref, la plate-forme constitue un réseau de contacts et de festivals phares, dans le milieu du court métrage mondial. En cinq langues, le Short Film Depot intéressera surtout l’utilisateur lambda en lui offrant un accès libre au calendrier et aux spécificités des festivals partenaires, tout en lui évitant de remplir inlassablement des formulaires d’inscription à chaque fois qu’un événement du court se présente.

Aujourd’hui, le réseau Short Film Depot compte comme membres plusieurs centaines de milliers de particuliers et vingt-neuf enseignes festivalières, dont celle de Clermont-Ferrand. Intéressé(e)(s) ? Le mieux reste peut-être encore d’aller y faire un tour. Et d’y souffler une bougie d’anniversaire virtuelle, au détour d’un clic de souris. Bon anniversaire. Happy Birthday to you. Feliz cumpleaños. Buon compleanno. Feliz aniversário.

Katia Bayer

Pour plus d’informations : www.shortfilmdepot.com

Vergine Keaton. Le souci du rythme et du mythe

Avec son premier film, « Je criais contre la vie. Ou pour elle », Vergine Keaton revisite les mythes fondateurs, le cyclique, la régénération et l’inversement naturel des choses, grâce à une chorégraphie musicale illustrée par d’authentiques gravures d’époque. Un film précieux repéré à l’ACID à Cannes et servi ces jours-ci à Clermont-Ferrand.

Tu dis être arrivée à l’animation par erreur. Quelles ont été tes premières inspirations professionnelles ?

Vergine Keaton  : J’hésitais entre deux choses : l’écriture et l’image. J’ai une formation de graphiste à la base. Je voulais être peintre, mais j’ai toujours ressenti un manque par rapport à l’écriture. J’aimais énormément l’histoire de l’art et la peinture classique. Par contre, je ne m’y connaissais pas du tout en cinéma d’animation. Encore aujourd’hui, j’ai très peu de références dans ce domaine.

Tu fréquentais donc plus les musées que les salles ?

V.G. : Oui. Je suis née dans un village où il n’y avait pas de cinéma, et chez nous, la télévision n’existait pas. J’ai découvert le cinéma tardivement, à 18 ans, en faisant mes études. J’ai été fort marquée par les premiers films, les muets, les Lumière, les Buster Keaton, et les Méliès que je trouvais complètement fous et inventifs. Ils ont représenté des gros chocs car ils touchaient à la fois à la peinture, à l’écriture, au burlesque… Mais ce qui m’a vraiment troublé dans le cinéma, c’est que l’image que je voyais n’existait que parce qu’il y en avait une avant et une après, alors que moi, j’avais toujours travaillé sur des images fixes qui existaient uniquement pour elles-mêmes.

Tu aurais pu t’exprimer en imaginant une fiction. Comment l’animation s’est-elle imposée à toi ?

V.G. : Je ne peux pas expliquer ce qui s’est passé. Ce déclenchement, ce premier film, a été une erreur. Vu mon intérêt pour la peinture, quand j’imagine un film, je pense à des images fortes, et je ne me vois pas en train de diriger des acteurs. Visuellement, je ne pense pas à ça. Ce sont les images qui s’imposent peu à peu. Pour ce film, le fond a déterminé la forme, même si je ne suis pas animatrice.

Comment à ce moment-là, en es-tu arrivée à faire un film pareil ?

V.G. : Cela faisait un moment que j’avais plusieurs choses en tête. Je les laissais un petit peu en friche. Je travaillais dans l’illustration à côté, mais je sentais que quelque chose était latent. Je ne me sentais pas encore assez mûre, assez confiante, mais un jour, l’idée est devenue très claire. Le film devait se faire.

En tombant sur des gravures, soit on tourne la page, soit on s’arrête. Est-ce que ce sont ces images qui ont déclenché « Je criais » ?

V.G. : Au préalable, je voulais convoquer des images très fortes et presque banales car vues et revues. Je désirais travailler sur ces idées, mais je ne savais pas exactement quoi en faire. Dans la version d’Antigone d’Henri Bauchau, l’héroïne rêve que ses frères sont représentés par deux cerfs, qu’ils sont poursuivis par une meute de chiens, et qu’au final, ils finissent par se retourner contre les chiens qui les poursuivaient. En lisant cela, je me suis dit qu’il fallait partir de cette course et de rien d’autre.

J’aime le fait de ne pas se refuser aux images très fortes qui évoquent de nombreuses histoires. Une meute de chiens poursuivis par des cerfs, c’est quelque chose de très banal, qu’on a vu et revu. Tout le monde s’en fout, mais c’est une image très forte. On se figure, quand on parle de chasse, que, sans avoir une connaissance du sujet, on a une image pareille en tête car à un moment, elle fait partie de ces images toutes faites.

Pourquoi avoir eu envie de travailler avec d’authentiques gravures d’époque ? Pourquoi ne pas avoir eu recours à un dessin inédit ?

V.G. : Justement parce que je ne voulais pas qu’il y ait de l’inédit. J’avais envie que les choses soient banales : je voulais vraiment exposer ces cerfs qui se mettent à courir avec ces chiens. Ce qui me gêne parfois dans le cinéma animation, c’est que le savoir-faire et la virtuosité s’imposent au détriment de l’histoire. Redessiner ces cerfs aurait demandé un travail énorme, on se serait attaché à leur représentation, alors que je voulais vraiment qu’on s’intéresse à la banalité de ces images-là, c’est parce qu’il fallait les utiliser telles quelles.

Le film est nourri de détails. Qu’est-ce que le détail apporte à l’histoire de « Je criais » ?

V.G. : Il y a une phrase qui m’a accompagné tout au long de l’écriture du projet et qui colle à bien à la peau. C’est une phrase d’André Lerhoi-Gouran dans Le Geste et la Parole : « il en est peu qui à la première occasion résistent à la tentation d’étriper la terre comme un enfant désarticule un jouet ». Ce que j’aime beaucoup dans cette phrase, c’est justement que nous, les humains, nous avons toujours le besoin d’aller nous replonger dans les mythes ou dans les images qui nous préexistent, parce qu’on a l’impression que quelque chose s’y passe et parle de nous. Nous avons toujours besoin de nous retourner vers ces gravures qui sont quasiment les premières images qui ont été publiées à grande échelle, et nous avons toujours le besoin de les étriper, de les déchiqueter, comme un enfant désarticule un jouet. C’est ce qui m’intéressait. Prendre ces images de base, et les étriper sans offrir pour autant de solutions étant donné que je ne suis pas sûre d’en trouver.

C‘est pour ça que tu as cherché à séparer ces images, à les sortir de leur cadre d’origine ?

V.G. : Oui. C’est lié.

250 gravures ont servi au film. D’où proviennent-elles ?

V.G. : La plupart provient de fonds de la bibliothèque de Lyon. Ces gravures sont numérisées, et j’ai pu les utiliser.

Tu partais donc à la bibliothèque le matin avec ta clé USB ?

V.G. : Oui, elles sont même téléchargeables de chez toi ! Après, j’ai acheté un certain nombre de gravures d’animaux, car je cherchais quelque chose de très précis. Ce ne sont pas des images très difficiles à trouver. Elles ont été largement diffusées, et énormément de magasins en vendent. Du coup, je savais que je trouverais facilement ces images de cerfs et de chiens. Et un certain nombre de gravures provient aussi de journaux du XIXe siècle qui appartenaient à mes grands-parents.

Ces images sont à peine retravaillées. Comment as-tu procédé pour les mettre en scène ?

V.G. : Je me suis constitué un corpus. J’ai crée un dossier avec toutes ces gravures, et j’ai reclassé les arbres, les cerfs, etc. Ensuite, comme j’ai écrit le film avant d’utiliser les gravures, j’avais une idée très précise des images que je voulais. Si par exemple, pour une scène, j’avais besoin d’un arbre massif, j’allais le chercher dans mes gravures, et je le découpais. Au final, aucune gravure d’origine n’est utilisée telle quelle. Dans chaque image, un arbre emprunté d’une gravure, un cerf à une deuxième, un nuage à une troisième, etc.

V.G. : As-tu travaillé seule sur ce projet ?

Une animatrice a travaillé à temps plein avec moi. Anna Khmelevskaya est une vraie animatrice, elle a trouvé des solutions techniques, comme l’utilisation de la 3D pour les animaux. On a travaillé presque deux mois ensemble avant la réalisation, à rechercher des solutions pour l’animation.

V.G. : Le film se base sur le graphisme et l’animation, mais aussi sur son écriture musicale. Qu’est-ce qui t’intéressait dans le travail de Vale Poher ?

Ce que j’aime beaucoup chez Vale Poher, c’est son économie de moyens, qui fait écho au film. Elle joue seule avec sa guitare, tantôt folk, tantôt électrique, tantôt classique. On a l’impression qu’elle va puiser sur ses six cordes toutes les possibilités qu’elle trouvera dans sa guitare. Dans le film, parfois, elle jouait avec un archet, à un autre moment, les sons étaient saturés, ou alors les cordes étaient grattées. Ce qui me plaisait beaucoup, c’était cette économie de moyens et cette richesse énorme, à l’image de ce qui se passe dans le film. à chaque fois que Vale fait intervenir une nouvelle sonorité avec sa guitare, on l’entend. Le détail devient un événement et cela me plaît énormément.

Cela te convient l’idée de travailler en petit comité, de façon artisanale ?

V.G. : Sur ce projet, les raisons économiques ont fait qu’on n’était pas une grosse équipe. Après, comme on est dans une animation non traditionnelle, j’aime l’idée qu’il y ait des possibilités d’échanges. Je ne connaissais pas Vale ni Anna avant le film. Aujourd’hui, ce sont des personnes très proches avec lesquelles j’ai d’autres envies de travailler. Faire un film, c’est une aventure y compris une vraie aventure humaine, et cela participe complètement à la réalisation du projet.

Quelles sont tes envies actuelles ? Tu as toujours envie de travailler autour de ces images mentales et mythiques ?

V.G. : D’autres projets sont en écriture. Je pense qu’ils tourneront toujours autour des mythes. J’aime le démesuré, l’exaltant, l’univers marqué et fort qui t’embarque directement. Pourquoi ces mythes sont-ils si forts ? Je n’arrive pas à comprendre, et je pense que je ne suis pas la seule. Si je prends l’exemple d’Antigone, elle a suscité de nombreuses versions. C’est étrange quand même. Tu commences Antigone, tu connais la fin, tu as beau le lire, quelque chose te ramène toujours à quelque chose de très viscéral que tu n’arrives pas à déterminer. Du coup, on le réécrit sans arrêt, et on ne sait pas sur quoi repose cette chose viscérale.

Sur « Je criais », tu as travaillé avec un chronomètre. Comment as-tu procédé ?

V.G. : J’avais le chronomètre en main, et je me disais : “là, il faut que les animaux courent pendant dix secondes”. J’avais l’impression d’inventer une chorégraphie et il fallait que le rythme fonctionne. En animation, on ne peut pas se permettre de faire des secondes supplémentaires, du coup j’avais besoin d’une écriture très rythmée. Comme le film repose sur le rythme, j’ai passé un bon mois avec un chronomètre dans les mains à calculer la musique du film !

Propos recueillis par Katia Bayer

Article paru dans le Quotidien du Festival

Article associé : la critique du film

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Prix France Télévisions, les lauréats

Lundi 1er février, dans les salons très chics de l’hôtel Mercure, a eu lieu la remise des prix France Télévisions, en association avec la rédaction de L’Express. Une première au Festival, puisque les récompenses étaient à la fois décernées par un Jury professionnel, présidé par Philippe Lioret, et par les internautes ayant visionné les sept courts métrages présélectionnés sur le site de L’Express.

Passé le petit suspense de circonstance, le Prix France Télévisions a été remis à Claire Burger et Marie Amachoukeli pour « C’est gratuit pour les filles », « La raison de l’autre » de Foued Mansour a récolté une mention spéciale du Jury et le Prix d’interprétation féminine pour Chloé Berthier, Jérémy Azencott a glané le Prix d’interprétation masculine pour « Alter Ego » de Cédric Prevost, et le petit dernier, le Prix des internautes a été attribué à « Tous les enfants s’appellent Dominique », de Nicolas Silhol. Voilà de quoi être content, en grignotant son petit four au fromage.

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