Synopsis : Marcus et son frère Antoine viennent passer quelques jours en Argentine pour le mariage de leur cousin. Ils comptent bien en profiter pour découvrir les joies de la capitale. Marcus est joyeux comme un pinson, alors qu’Antoine vient de se faire quitter.
Genre : Fiction
Durée : 30’
Pays : France, Argentine
Année : 2009
Réalisation : Édouard Deluc
Scénario : David Roux, Édouard Deluc, Olivier de Plas
Il y a sept ans, un touche-à-tout tout nommé Édouard Deluc découvrait Buenos Aires, et revenait en France, stimulé par l’accueil de ses habitants, la beauté de sa ville, et l’envie d’y poser un jour sa caméra. Quelques années plus tard, une nuit de débauche hivernale à Pékin avec son grand frère lui inspira « ¿ Dónde está Kim Basinger ? ». Cette balade en noir et blanc dans une Buenos Aires musicale, drôle et follement torride, récemment récompensée du Grand Prix national et du Prix Canal + à Clermont-Ferrand, est en lice pour le César du Meilleur court métrage. Entrevue….
Quel a été ton parcours avant ce film ?
J’ai fait une licence d’art plastique, puis les Beaux-Arts à Paris-Cergy, une école un peu avant-gardiste dans les années 90-95. À l’époque, je faisais des clips pour mon groupe de rock, de la photo, un peu de peinture, et des courts en super 8. Je mélangeais les pratiques. Après, petit à petit, j’ai travaillé pour la télé pour gagner ma vie, tout en continuant à écrire des courts métrages et à faire des clips, et ensuite, j’ai fait des pubs.
À cette époque-là, y avait-il des films dont vous parliez, des films dont vous débattiez aux Beaux-Arts ?
Comme ce n’était pas une école de cinéma, on ne parlait pas seulement de films. Les cours de cinéma ne me convenaient pas. Personnellement, j’étais plus à l’aise en cours de rythme, de vidéo. J’avais bien mon panthéon de films cultes, mais je n’étais pas vraiment prêt à en débattre (rires)! Les films qui m’ont nourri et construit, je ne les partageais pas beaucoup à l’école. Ma culture cinéphile, je l’ai entretenue seul en regardant des cassettes et en prenant beaucoup en photo les films que j’aimais.
Comment ça ? Tu prenais en photo ton écran ?
Oui. Je découpais souvent les séquences. Par exemple, j’ai mitraillé en argentique « Meurtre d’un bookmaker chinois », un film mythique pour beaucoup de monde. J’ai des tonnes et des tonnes de photogrammes de séquences du film qui traînent chez moi. À l’époque, ces images m’accompagnaient. J’essayais de me mettre dans une espèce de disponibilité totale par rapport au film et puis, je cherchais quelque chose, sans savoir quoi exactement.
Qu’est-ce que le passage par la publicité t’a appris ?
Pour gagner sa vie et expérimenter les tournages, la pub, c’est bien. En fait, j’ai mis beaucoup de temps – quinze ans – à me dire que j’étais réalisateur et à désacraliser ce mot. J’étais dans une telle fascination pour le cinéma, dans un rapport tellement inhibant par rapport à ce terme que cela m’a empêché de faire plein de choses, je pense. Le fait de beaucoup tourner, de commencer à faire des clips et des pubs m’a aidé à me rendre compte que c’était un métier. Le grand classique, sur un premier film, c’est vouloir tout mettre. Quand tu arrêtes de penser qu’un film, ce n’est pas tout et que tu ne vas pas jouer ta vie à chaque fois que tu tournes, tu prends un peu de distance, et du coup, tu t’amuses plus. En tournant beaucoup de pubs et de clips, j’ai appris cela et j’ai acquis plus de confiance en moi, ayant été confronté à de nombreuses situations de mises en scène et d’imprévus. L’expérience, c’est également positif pour parler aux équipes et trouver les bons chefs op avec qui on a envie de travailler.
Est-ce que cette peur n’était pas aussi due au fait que tu n’avais pas fait d’école de cinéma ?
Je ne suis pas issu d’une famille d’artistes, ce n’était déjà pas évident à la base. Peut-être que si j’avais fait une école de cinéma, les choses auraient été plus évidentes et se seraient passées plus tôt. Mais je n’en suis pas sûr en fait, parce que dans tout les cas, le métier n’est là que le jour où le plateau devient ton bureau et où tu es constamment confronté à des problématiques de mises en scène. En fréquentant une école et en faisant trois courts métrages en dix ans, car c’est compliqué de faire du cinéma, je n’aurais peut-être pas appris autant de choses. En même temps, moi, je ne suis pas auteur. Je n’ai pas envie d’écrire, et même si je le fais un peu par obligation, en fait, je me sens beaucoup à l’aise en tant que réalisateur.
Pourquoi est–ce une obligation d’être auteur ? Tu n’es pas obligé de l’être. Pour « ¿ Dónde está ? », tu as bien pris des co-scénaristes.
Non, je ne suis pas obligé, mais je ne trouve pas. Trouver son alter ego en scénariste, ce n’est pas facile. Moi, je n’ai pas le sens de la structure. J’ai le sens de l’atmosphère, j’ai des désirs, c’est pour ça que je pense plus comme un réalisateur. Je vois tout de suite les choses en séquences, mais je n’arrive pas à penser le scénario dans sa structure et voir les grands enjeux. Je n’ai pas la vision par écrit, alors que les désirs de personnages, de sons, de situations, de décors, d’atmosphères me nourrissent très fort. Ce film-ci, c’est quand même une histoire que j’ai échafaudée tout seul, à partir d’une histoire vécue avec mon frère à Pékin, et ce n’est pas l’adaptation d’une nouvelle ou d’un roman.
Avant de travailler sur le scénario, as-tu reparlé à ton frère de cette histoire ?
Non, pas beaucoup. Je lui ai dit sur quoi je travaillais et ça l’a fait marrer (rires). Il est content, il apprécie le film, il trouve que Philippe Rebbot le représente bien et que l’autre personnage joué par Yvon Martin me représente bien. Dans le binôme, moi, je suis plutôt le petit dépressif !
Ton dernier court, « Je n’ai jamais tué personne », date de 2002. Celui-ci, tu as commencé à l’écrire en 2007. Qu’est-ce qui s’est passé entre temps ? Tu as continué à faire de la pub ?
J’ai écrit un peu de musique, j’ai fait des clips et des pubs, et parallèlement, j’ai adapté deux romans pour des longs métrages qui se sont pris le mur avant d’être montés. Pour le premier, j’ai accepté une commande d’un producteur. J’ai travaillé pendant dix mois avec un scénariste, le producteur a trouvé que j’avais trop cassé la structure du roman. J’avais une vision très claire des choses et il était hors de question que je fasse autre chose que ce que j’avais proposé. J’étais dans une quête d’absolu. J’ai renoncé à faire le long, parce qu’on ne voulait pas suivre ma vision, À l’époque, je disais : « c’est ça ou rien ». Je suis content d’être intransigeant, mais en même temps, petit à petit, je comprends que les oeuvres ne sont pas sacrées, en tout cas pas les miennes (rires) !
Pendant que tu travaillais sur ces projets, tu continuais à voyager à Buenos Aires. Tu en parles comme d’un pays de cinéma, de paysages et de psychanalyse.
C’est vrai. Tous les Argentins vont chez le psy et parlent de cinéma. C’est une réalité et encore plus pour moi, parce que mes amis travaillent tous plus ou moins dans les milieux du cinéma ou de la psychanalyse (rires) ! C’est un pays d’Amérique latine dont la culture de la psychanalyse est vraiment très forte, et c’est vrai que les paysages y sont magnifiques.
Tu t’intéressais au cinéma argentin de partir là-bas ?
Oui, je suis assez fan des films de Carlos Sorin, mais de manière générale, j’ai une attirance pour le cinéma d’Amérique latine comme d’ailleurs. Je suis finalement assez world (rires) !
Mais tu retournes constamment en Argentine. Il y a plus qu’un lien affectif avec le pays, si on y revient d’année en année.
En fait, j’y suis beaucoup retourné parce que j’avais aussi envie de faire un film là-bas. Ça faisait sept ans que j’étais tenu par ce désir-là. Le fait de l’avoir fait va peut-être me permettre de passer à autre chose. Ce n’est probablement pas pour tout de suite parce que je connais surtout Buenos Aires et parce que je pense que j’ai encore un truc à creuser là-bas, mais c’est évident que ça a désacralisé quelque chose.
Est-ce que tes comédiens ont participé à l’écriture du scénario ?
Pas à l’écriture, mais bien aux répétitions. Ils ont amené leur talent, leur personnalité, leur sens de l’humour et de l’improvisation, et ensuite au moment du tournage, j’étais ouvert pour qu’ils rajoutent des choses. Je ne suis pas du tout au mot près, je voulais juste mettre en place des situations et quelques calembours déjà écrits depuis longtemps.
Comment s’est passé le travail avec une production argentine ?
Le producteur est un ami. On s’est rencontré autour de notre amour du cinéma et notre envie de travailler ensemble était forte. Il n’y avait pas que le souhait de faire un film en Argentine, il y avait aussi le désir de développer des relations, de les rendre plus fortes, plus passionnantes, et d’avoir des projets communs. Après, par contre, dans les faits, le tournage a été très compliqué, très dur. Le projet était quand même un court métrage, on n’avait pas beaucoup d’argent, seulement dix jours de tournage, peu de pellicule, donc peu de prises.
Est-ce que malgré les difficultés, tu as réussi à rester à nouveau intransigeant ?
Je n’ai rien lâché. Quand tu portes le truc pendant deux ans, ce n’est pas au moment du tournage qu’il faut lâcher parce que sinon, c’est ingérable (rires) ! Ça fait deux ans que tu écris, que tu fantasmes sur ton film, et au final, tu ramènes des rushes moyens, tu en veux à la terre entière et tu ne dors plus pendant deux mois. C’est quand même intime, comme pratique, le cinéma. Il faut prendre de la distance justement pour ne pas trop souffrir, et en même temps, tu ne l’inventes pas, le lien avec le médium est quand même viscéral.
Est-ce que tu n’avais pas une vision de touriste en tournant là-bas ?
Si. De toute façon, le film est une vision de touriste, et je joue beaucoup sur les clichés. Mais j’avais déjà tourné des pubs dans ce pays, je savais comment ça se passait. Après tout, l’Argentine est un pays de cinéma, les équipes sont rodées, seulement, il n’y avait pas beaucoup d’argent et peut-être pas assez de rigueur sur ce projet.
Tu as participé à la musique. Mais comment as-tu travaillé avec Martin Torres Manzur, le compositeur ? Quelles indications lui as-tu données ?
La musique a aussi participé à la naissance du film : de 2005 à 2007, après m’être usé sur l’écriture d’un long métrage, j’avais besoin de m’aérer la tête et j’ai écrit des morceaux que j’appelais »B.O. Argentina ». Quand j’ai écrit le film, j’ai rencontré Martin qui est le frère d’un ami et un compositeur dont j’écoutais les disques. Je lui ai expliqué ce que je voulais précisément dans la scène de karaoké. Il m’a proposé un morceau un peu sirupeux, il a fait un truc très bien, un slow un peu dégoulinant de bons sentiments et de mièvrerie adolescente (rires) ! Je suis arrivé au montage avec mes morceaux et celui de Martin. Mes mélodies étaient beaucoup trop tristes au regard avec l’humeur du film, du coup, j’ai cherché quelque chose de plus allègre. Je suis retombé sur le superbe « Your name my game » de Herman Dune qui est devenu le titre phare du film.
Est-ce que dans tes nouveaux projets, tu as toujours envie de filmer l’Argentine ?
Oui, je devrais faire un spin-off. J’étais sur d’autres projets, mais mon producteur m’a dit : « Édouard, rends-toi compte que « ¿ Dónde está Kim Basinger ? » est ton film le plus réussi parce qu’il parle de toi, et qu’il touche les gens.“ La comédie n’est pas un registre vers lequel je me dirigeais naturellement, mais il m’a conseillé de creuser dans ce domaine, tout comme de nombreuses personnes qui me disent qu’elles ont envie de voir ces deux frères arriver jusqu’au mariage. Résultat : je vais creuser la situation. En attendant, je suis content d’avoir fait ce film parce qu’il est fidèle à un cinéma plus libéré que j’aime, que ce soit le cinéma argentin ou celui de Jacques Rozier.
C’est le moyen métrage Divers in the Rain de Olga Parn et Priit Pärn (Estonie) qui a remporté le Grand Prix Anima 2010 du meilleur court métrage dans la catégorie internationale. Cette récompense est offert par la Région de Bruxelles Capitale.
Dans la catégorie films d’étudiants, c’est Orsolya de Bella Szederkenyi (Hongrie) qui a remporté les suffrages du jury. Il s’agit de son film de fin d’études à la Moholy-Nagy University of Art and Design de Budapest.
La compétition belge a vu décerner à Grise Mine de Rémi Vandenitte le Grand Prix de la Communauté française du meilleur court métrage, tandis que Boomkruiper de Dries Bastiaensen recevait le Prix TvPaint du meilleur court métrage étudiant. Le Prix de la SACD est allé au film Au bal des Pendus de Johan Pollefoort et le Prix de la Sabam à Aral de Delphine Renard et Delphine Cousin de l’Atelier Zorobabel.
Autres prix
Compétition internationale
Mentions spéciales : Lost and found de Philip Hunt, Royaume-Uni, Mei Ling par Stéphanie Lansaque et François Leroy, France, Never drive a car when you are dead de Gregor Dashuber, Konrad Wolf, Allemagne, August de Matthias Hoegg, Royaume-Uni, Royal College of Art
Prix du meilleur clip vidéo : Coldplay “Strawberry swing”de Shynola, Royaume-Uni
Mentions spéciales : The dead pirates “Wood” de Simon Landrien, Mcbess, Royaume-Uni, Morgenrot de Jeff Desom, Luxembourg
Prix du meilleur film publicitaire : Audi Q5 “Unboxed”de Russell Brooke et Andy Daffy, Royaume-Uni
Mention spéciale : Scrabble ”Sumo” de Clément Dozier et Irina Dakeva, France
Prix coup2pouce/télébruxelles du meilleur court de la nuit animée : Madagascar, carnet de voyage de Bastien Dubois, France
Prix du public du meilleur court métrage : Logorama, par H5, François Alaux, Hervé de Crécy, Ludovic Houplain, France
Prix du public du meilleur court métrage jeune public : Lost and found de Philip Hunt, Royaume-Uni
Compétition nationale
Prix tvpaint du meilleur court métrage étudiant belge : Boomkruiper de Dries Bastiaensen
Mentions spéciales : Memee de Evelyn Verschoore et Espèce(s) de patate(s) de Yoann Stehr
Prix coup2pouce/Télébruxelles du meilleur court étudiant (diffusion) : Espèce(s) de patate(s) de Yoann Stehr
Prix du public du meilleur court métrage belge : Memee de Evelyn Verschoore
Prix betv : Clicked de Martin Landmeters, Manon Martin, Romain Rihoux
Prix de la RTBF : Sous un coin de ciel bleu de Cécilia Marreiros Marum et Arnaud Demuynck
Prix Cinergie : Grise Mine de Rémi Vandenitte et Ruis de Marike Verbiest
La prochaine édition d’Anima sera la trentième. Elle aura lieu du 4 au 12 mars 2011 à Bruxelles.
Aux côtés des compétitions nationale et internationale du Festival de Clermont-Ferrand, la sélection Labo se présente chaque année comme une plateforme pour des films peu classables, peu lisibles, ou carrément ovnis. Sous l’appellation générique facile de films expérimentaux, le Labo constitue la sélection certainement la plus riche du festival. Aperçu de cinq films représentatifs de la diversité des œuvres candidates.
Gaarud d’Umesh Kulkarni (Inde, 2009)
Après l’enchantement placide et touchant de « Three of Us » et de « Vilay » (en compétition internationale à Clermont-Ferrand respectivement en 2008 et en 2009), le réalisateur indien Umesh Kulkarni présente « Gaarud » (Le charme), un film dans un style tout à fait différent. Probablement le film le plus narratif de la sélection Labo, ce court métrage s’épure de toute fictionnalisation classique pour transmettre son histoire.
À l’aide d’une caméra perchée sur un dolly, le réalisateur opère un travelling lent à travers une chambre construite en studio et répète ce procédé à plusieurs reprises, filmant ainsi le même espace à divers moments. En effectuant des coupes imperceptibles dans le noir, il évoque l’effet illusoire d’un long plan séquence.
Traversé par l’intransigeance du rythme imposé, ce court métrage se présente d’emblée comme le récit d’un lieu, comme un voyage dans l’espace mais aussi dans le temps, où chaque scène, telle une vignette ténébreuse, a sa durée de représentation. Deux plans statiques encadrent une succession de personnages hybrides reliés par le thème de la valeur de l’être humain, aux sens spirituel et matériel : des marchands de saris, des prostituées, des jeunes consommateurs, des pauvres, des malades, des morts, … D’autres plans de la chambre vide proposent au spectateur un regard sur lui-même tout en lui laissant la possibilité de construire sa propre interprétation.
M – Félix Dufour-Laperrière (Canada, Québec, 2009)
« M » de Félix Dufour-Laperrière est une expérience vidéo, unique par sa grande audace et la subtile complexité dissimulée derrière son apparente opacité.
Ce petit film en noir et blanc met en scène une animation quasi fractale dans laquelle jaillit une panoplie de petits écrans animés, qui font penser de manière subjective à un négatif, à la surface lunaire ou encore à une radiographie. Avec « M », le Québécois semble opérer une explosion du pixel comme unité visuelle à travers sa propre mise en abyme.
À l’instar de cinéastes expérimentaux tels que Godfrey Reggio (« Koyanisqatsi ») et Derek Jarman (« Blue »), Dufour-Laperrière offre une œuvre entièrement formaliste, où un élément – graphique en l’occurrence – prime sur toute narration et toute personnification. Derrière le « montage » organique de ce kaléidoscope achromatique se cache un jeu élaboré de contrastes, aux plans visuel et sonore. En effet, le clair-obscur de l’image tremblotante trouve son écho dans la bande-son qui alterne des accords électro (signés Gabriel Dufour-Laperrière) et des bruitages mécaniques, ponctués par un silence glacial. Le procédé des contrastes s’opère également entre la proximité et la distance, entre la surcharge et le vide. Ce questionnement constant sur les limites de la perception et son infinitude font de ce court métrage un spécimen exemplaire du cinéma non narratif.
Muzorama – Elsa Brehin, Raphaël Calamote, Mauro Carraro, Maxime Cazaux, Emilien Davaux, Laurent Monneron et Axel Tillement (France, 2009)
« Muzorama », film au format très court, représente un travail réalisé par sept élèves de l’école Supinfocom d’Arles. L’animation s’inspire de l’univers graphique surréaliste de l’illustrateur français Jean-Philippe Masson alias Muzo.
Réalisé dans une 3D qui se veut délibérément naïve, ce court métrage français propose une redéfinition du paysage urbain vu sous un angle absurde. Le récit rassemble une série de personnages habitant autour d’une place invraisemblable. Jouant systématiquement sur l’étrange et le familier, le film représente en quelque sorte un univers parallèle où tout est presque normal, à la limite de l’imaginable. Quant aux personnages, ceux-ci reflètent la dimension collective de cet exercice par leur nombre et leur variété : une gigantesque mangeuse d’hommes, un bonhomme au nez inversé, une tête servant de ballon de foot, un cycliste sur un vélo aux roues-escargots…
L’absurde vire vers le grotesque dans ce petit court allègre et rappelle l’univers de Jérôme Bosch vu à travers la palette luisante d’Edward Hopper, tout en représentant l’être dans l’être et dans le multiple.
Origin of the Species – Ben Rivers (Royaume-Uni, 2009)
Film écossais d’une force extraordinaire, « Origin of the Species » de Ben Rivers mène à bien un travail de réflexion existentielle approfondi autour d’une exploration de la nature, dans tous les sens du mot.
Dans un registre documentaire, le film se construit autour des propos d’un certain Monsieur S. qui vit isolé dans la nature. Sa voix lointaine aborde un discours sur la protohistoire, sur la cosmogonie et sur la philosophie du temps. Son discours traite de la vie, de la survie et de la mort en passant par des propos apocalyptiques, des visions panthéistes et des réflexions sur le monde. Un montage parallèle à ses paroles représente la nature minérale, végétale et animale, et dote le film d’un rythme posé.
À travers une image qui jongle habilement entre plans statiques et plans séquences, Ben Rivers met en scène le binôme créateur-création en juxtaposant cosmos et nature, nature et homme, homme et machine, machine et civilisation. « Origin of the Species » abord en même temps l’hypothèse de l’être humain comme spectateur et condition nécessaire pour la compréhension, voire l’existence du monde, en posant un questionnement du type « le monde existe-t-il lors qu’il cesse d’être perçu ? », idée d’autant plus pertinente dans le contexte du septième art lui-même.
Avaca – Gustavo Rosa de Moura (Brésil, 2009)
Je te frapperai sans colère
Et sans haine, comme un boucher,… – « L’Héautontimorouménos », Charles Baudelaire
Par le biais de la simple technique de l’image inversée, le réalisateur brésilien livre un film gore sur l’abattage d’un bœuf. À l’instar du « Sang des Bêtes », documentaire classique de Franju, « Avaca » oblige le spectateur, sans pitié ni retenue, à confronter son inertie et sa passivité face à ce qu’il décrierait volontiers : la cruauté à l’égard des animaux.
La démonstration froide et rugueuse de la mort, sans la moindre esthétisation ni humanisme, est contrebalancée par le processus du temps reversé, ce qui dote ce court d’une grande qualité artistique et le distingue du film de propagande au premier degré. En même temps, la réalisateur Rosa de Moura fait un clin d’œil audacieux à cette capacité unique du cinéma à remonter dans le temps, à défaire ce qui a déjà été fait, à faire revivre ce qui a déjà cessé d’être.
Géorgien de nationalité, ce jeune réalisateur de 29 ans a la culture occidentale pour affinité élective. Venu présenter « Aprilis suskhi » dans la capitale auvergnate, le cinéaste s’en est sorti avec une Mention du Jury International. Un beau début pour ce film politiquement humain. Brève rencontre.
D’où vient ton intérêt pour le cinéma ?
Plusieurs choses m’ont amené au cinéma. C’est ma mère qui m’a fait connaître les classiques. Je me souviens très bien, étant enfant, vers 13 ans, elle m’avait conseillé de regarder un film qui passait à 1h du matin. Ce film c’était « Andreï Roublev » de Tarkovski. Je l’ai regardé et j’ai adoré. Par la suite, ce fut « Intervista » de Fellini. J’ai trouvé ce film tout simplement génial et je me suis dit que le cinéma était un moyen d’expression parfait qui me permettait de concrétiser des sensations, des sentiments.
C’est donc Fellini qui t’a donné envie de devenir réalisateur ?
Oui, mais pas seulement. Il est évident que le fait d’être issu d’une famille d’acteurs (ma mère, ma sœur) a facilité mes choix même si, au tout début, je dois avouer que je ne voulais pas vraiment devenir réalisateur. C’est pour cela que j’ai étudié les langues et la littérature à l’Université de Tbilisi avant d’entrer à l’école d’art dramatique. Par ailleurs, j’ai fait la connaissance de l’acteur Mel Raido, lors de son passage à Tbilisi. On est devenu amis. Quand il est rentré à Londres, j’avais envie de lui écrire une lettre mais je ne savais pas vraiment comment le faire de façon originale alors j’ai eu l’idée de lui consacrer un film, « Listen to Chopin ». C’était un peu une sorte de lettre cinématographique en hommage à notre amitié. Il a été très ému. Le film a été fort apprécié par la critique et moi j’ai beaucoup aimé l’expérience de passer derrière la caméra. C’est comme cela que ça a commencé.
Tu es venu ici à Clermont pour défendre ton dernier film « Aprilis suskhi ». Peux-tu expliquer la genèse de ce court métrage ?
J’avais 8 ans lorsque j’ai vu les tanks et les soldats russes, pour la première fois. Dans les rues de la ville, ils m’ont apparu comme des sortes de monstres venus d’ailleurs. Je ne comprenais pas très bien ce qui se passait. C’est ma grand-mère qui m’a réveillé vers 4h, le matin du 9 avril 1989 et m’a demandé de me tenir à côté de la fenêtre. J’imagine qu’elle avait peur et qu’elle ne savait pas comment réagir. Tout était calme et inquiétant en même temps. Et puis, j’ai vu un tank passer. C’était complètement surréaliste. Jamais je n’oublierai cette image. Surtout que sur les 22 morts, deux étaient proches de la famille de mon instituteur. C’est dire que l’évènement m’a touché. Du coup, j’ai eu l’idée d’en faire un long-métrage.
Un long-métrage ?
Oui. J’y développais davantage le personnage de Petrovich, le soldat russe du film, lui donnant un passé plus conséquent. Mais après réflexion et discussion avec le producteur, on a décidé de se focaliser sur la rencontre du danseur et du soldat pendant les émeutes.
Penses-tu que la forme courte sert mieux le propos du film?
Certainement. Elle permet d’aller droit au but.
En parlant d’aller droit au but, ton film est assez politique, non ?
Oui et non. Il est vrai qu’en Europe, il est vu comme cela mais je préfère dire que c’est avant tout un film humain.
Oui, mais le fait d’avoir choisi le contexte des émeutes du 9 avril 1989, n’est pas innocent.
J’ai pris ce contexte pour les raisons évoquées avant. Mais pour ma part, je ne parle que de la vérité. J’aime beaucoup la culture russe mais à côté de cela je pense sincèrement que le fait d’envahir un territoire qui ne vous appartient pas est une injustice. Et c’est aussi cela que j’avais envie de transmettre en faisant ce film. Mais je le répète, pour moi, c’est un film sur une rencontre de deux personnes qui partagent un sentiment semblable. C’est un film optimiste sur la fibre humaniste qui se trouve en chacun de nous.
Est-ce pour cela que tu as opté pour l’esthétisme du noir et blanc ? Pour mettre en valeur le côté humain ?
En fait, l’idée du noir et blanc n’est survenue que vers la fin, au début je pensais vraiment tourner en pellicule couleur. Puis, je me suis dit que le noir et blanc apportait le côté vieillot de l’époque soviétique ce qui me faisait penser à mon enfance. Le quartier où l’on a tourné le film est un des derniers quartiers de Tbilisi ne possédant aucune construction neuve, c’est pour cela que je l’ai choisi. Le noir et blanc convient bien à cette envie de faire revivre le passé.
Ca permet aussi une atténuation de la violence. D’ailleurs, tu ne la montres pas vraiment la violence.
Effectivement, je ne suis pas le genre de réalisateur qui aime la montrer de façon frontale. Je pense qu’il y a des choses que l’on peut montrer autrement, au cinéma. Rarement les cinéastes arrivent à être justes dans l’exhibition de la violence. Seul un film comme « Bloody Sunday » de Paul Greengrass la montre avec justesse pour des raisons politiques. Mais dans le cas de mon film, comme il s’agit plus d’un instant humain, je ne voulais pas montrer la violence. Elle est de toute façon suggérée et la suggestion est plus forte que la confrontation, je trouve.
Il y a une scène dans ton film qui est assez marquante. Celle où la grand-mère ouvre la fenêtre et fait face à un jeune homme qui a les bras en croix. Elle lui demande s’il va bien. Et pendant quelques secondes, on ignore complètement que des soldats russes sont en train de le fouiller. Ce moment paraît tellement vrai.
Oui, j’aime beaucoup cette scène. Je pense que j’essayerai tout au long de ma carrière d’être honnête et vrai. Parce que je pense que le plus important est de rester honnête, en art. Les meilleurs réalisateurs sont justement ceux qui ne mentent pas. Prenons l’exemple de Michael Haneke, qui est un grand cinéaste, assez difficile à comprendre, à mon avis. Il faut bien avouer que dans certaines scènes de ses films, il est tellement vrai. Il n’a aucun complexe à dire les choses de façon extrême, comme on n’en a pas l’habitude et j’aime beaucoup cela. Il faut oser dire les choses comme on les sent.
A propos d’art, peux-tu nous éclairer sur ton choix de la danse traditionnelle géorgienne présente dans le film ?
Cette danse, et spécialement le mouvement du jeune danseur et fort apprécié par Petrovich est très symbolique, en Géorgie. Il n’y a pas de geste plus populaire que celui-là. Par ailleurs, j’ai toujours pris l’habitude de terminer mes films par de la danse ou de la musique. J’adore la danse. C’est une des choses les plus belles qui soient, vraiment. Je pense aussi que c’est un très bon moyen d’exprimer l’ironie de la vie. Quand je montre la danse dans mon film, c’est une manière toute personnelle d’être ironique par rapport à un contexte donné.
Mais à travers cette danse, n’y a-t-il pas aussi l’affirmation d’une opposition ?
Evidemment. Cette danse traditionnelle révèle d’une certaine manière la fierté d’un peuple, de sa culture et de ses traditions face à l’envahisseur.
Est-ce facile de réaliser des courts métrages en Géorgie ? Existe-t-il une industrie cinématographique comme en Asie ou en Europe ?
A dire vrai, c’est très difficile de faire des films en Géorgie. Après la guerre, au début des années 90, l’industrie culturelle était à peu près morte. Depuis quelques années, ça commence à se réveiller et à bouger. Mais on peut dire que le pays sort à peu près 3 ou 4 films non commerciaux par an. En ce qui concerne mon film, j’ai eu de la chance d’avoir été aidé par un producteur motivé même si j’ai dû payer beaucoup de choses de ma poche. On n’avait que sept jours pour tourner le film. Beaucoup de gens ont travaillé bénévolement parce que l’on ne pouvait pas les payer.
As-tu l’intention de réaliser un long-métrage ?
Oui. Je suis en train d’en écrire le scénario. Mais je vais certainement continuer à réaliser des courts métrages, en attendant.
Vendredi. Embarquement pour un Paris-Clermont en voiture. Des sandwichs au thon et un Carambar pas drôle s’installent à l’arrière. Un break sur la route semble compromis : tous les cafés sont fermés. Par chance, Les Trois sœurs et leurs délires sont plus cool. À l’intérieur de ce salon de thé, une petite fille de sept ans papote à l’accueil tout en sortant les cahiers de son cartable. Elle dit : “La lecture, j’adore. Le calcul, j’adore encore plus. Je sais compter jusqu’à 700.” Ni deux ni une, elle le prouve, et la route ne reprend qu’après révision des exercices et de la dictée du lendemain. Tout à l’heure, le festival vivra sa soirée d’ouverture, avec une séance spéciale de films courts. Certains assisteront à la projection tandis que d’autres croqueront des nougats tout en râlant contre la mauvaise connexion wifi de l’hôtel.
Samedi. Rendez-vous matinal à Vice Versa, un bureau de graphistes mangeuses de pommes qui abrite le temps de la manifestation le Quotidien du Festival. Cette année, une collaboration a été établie avec ce journal dont les locaux provisoires ont du mal à être dénichés sur le plan de la ville. Rapidement, le vif autochtone repère et titille la touriste paumée d’un “Alors, ça marche la chasse au trésor ?“. Dans la journée, une discussion s’improvise à table, toujours avec des Clermontois : “Ah bon, vous écrivez pour le quotidien ? Moi, le journal, je ne le lis qu’aux toilettes. C’est le seul lieu où je suis sûr de ne pas être dérangé !”. Et vlan pour l’ego. Il n’y a pas à dire, la presse écrite, ça impressionne.
Le lundi, à une soirée portugaise, Touriste Paumée (T.P.) se demande où sont donc passésles Portugais et maudit, au moment de rentrer à son hôtel, son pitoyable sens de l’orientation, les plans de la ville inadaptés à son taux d’alcoolémie et tous ces habitants endormis à 4h du matin. Deux jours plus tard, la gloire frappe à sa porte. Une équipe de France 3 débarque dans les bureaux du journal au moment du bouclage. Un sémillant journaliste tend son micro à T.P. en lui demandant si elle a un sac de reporter. En réprimant un sourire, elle lui rétorque qu’elle a plutôt un sac à main. Il reformule sa question : “Est-ce difficile de travailler pour un quotidien de courts métrages ?” Réponse : “Non, ce qui est difficile, c’est de collaborer à un quotidien. Je suis crevée”. Quelques heures plus tard, T.P. apparaît brièvement à la fin du JT local avec une mèche de travers, juste après des apprentis zombies sautant dans tous les sens. On ne le dit pas suffisamment : la télé, c’est formidable.
Le lendemain a lieu la soirée Canal +, la fête IN de Clermont, celle pour laquelle on vend son scénariste pour un carton d’invitation. Les navettes sont toutes parties, mais par chance, un taxi se rend à la fête cryptée. Grégoire Colin, comédien pour l’heure réalisateur (son premier film, « La Baie du renard » est en compétition), monte dans la voiture. À l’entrée, le compte est inégal : deux cartons, trois personnes. Blocage du videur, recours au star system : “Attendez, c’est Grégoire Colin”. Réaction du sbire : “C’est ça, et moi, je suis l’humoriste officiel de la ville”. Le stratagème fonctionne. Comme quoi… Reviens, scénariste !
Vendredi, ultime jour de travail. Pour fêter le bouclage du dernier numéro, ça trinque au champagne, ça mange avec difficultés des biscuits bio au citron, ça remercie, et ça cligne de l’œil (“dis donc, d’où ça sort, Willy la Brocante, dans ton interview ?”). Plus tard, au restaurant LeTout du Cru, un convive interroge le serveur : “Quatre confits, deux magrets, une salade, et une truffade ? C’est bon ? Vous avez huit personnes ?” Le compte est bon. Willy la Brocante est loin.
Samedi, dernier jour de festival. Demain, tout le monde rentre chez soi. Autant profiter des dernières heures en se coltinant une séance de films, la remise des prix ou un ultime repas à base de canards. Avant d’aller à la soirée de clôture, on révise ses classiques au café grâce à un réalisateur québécois : “Quel est l’animal emblématique du Québec ?” Réponse : “Le castor. Plus gros ? Ah, le caribou”. Les clichés dans la poche, on est prêt pour le final musical. À l’extérieur, la fanfare de Clermont, déguisée comme à l’accoutumée, joue des valses et des airs Balkans. À l’intérieur, des DJ mixent des airs impossibles. Retour au bercail, quelques heures plus tard, alors que la fanfare émoustille toujours les danseurs.
Dimanche, gueule de caribou au réveil. Midi arrive, l’heure de quitter sa chambre avec une grosse valise rangée à la va-vite. À la gare, le train repart quelques minutes après être arrivé. Le festival est bel et bien fini, Clermont-Ferrand n’est plus qu’un point ferroviaire.
– The Door de Juanita Wilson et James Flynn
– Instead of Abracadabra de Patrik Eklund – Kavi de Gregg Helvey
– Miracle Fish de Luke Doolan et Drew Bailey
– The New Tenants de Joachim Back et Tivi Magnusson
– China’s Unnatural Disaster: The Tears of Sichuan Province de Jon Alpert et Matthew O’Neill
– The Last Campaign of Governor Booth Gardner de Daniel Junge et Henry Ansbacher
– The Last Truck: Closing of a GM Plant” de Steven Bognar et Julia Reichert
– Music by Prudence de Roger Ross Williams et Elinor Burkett
– Rabbit à la Berlin de Bartek Konopka et Anna Wydra
Avec un titre évoquant une fin d’après-midi de printemps, « Aprilis Suskhi » de Tornike Bziava apparaît comme un essai esthétique sur les contradictions d’un envahisseur belliqueux. Montré en compétition internationale à Clermont-Ferrand et lauréat d’une Mention spéciale, le film dénonce l’absurdité de la guerre.
Les manuels d’histoire, c’est bien connu, racontent les événements à leur façon, révélant par là les tabous d’une société ou d’un pays à un moment et en un lieu donnés. Naturellement politique, « Aprilis Suskhi » met en lumière un événement peu connu de l’histoire de Géorgie. Qui se rappelle le jour où les rues de Tbilisi ont vu les troupes soviétiques interrompre violemment une manifestation pacifique entraînant la mort de 22 personnes ?
Tornike Bziava décide de plonger le matin du 9 novembre 1989 dans un noir et blanc brumeux faisant varier de façon ingénieuse les plans d’ensemble des immeubles soviétiques imposants et les plans rapprochés de soldats s’apprêtant à démanteler le rassemblement. Angoisse et banalité parfument les vaporeuses rues de la capitale géorgienne tandis qu’un son inhabituel éveille les soupçons du soldat Petrovich. Non loin de là, un jeune danseur bat les talons sous le rythme effréné d’un tambour de fortune. L’adolescent s’agite dans tous les sens avec une fierté non dissimulée tandis que le Russe est fasciné par le spectacle.
Accordant de l’importance non pas à l’instant décisif mais à l’instant humain, le cinéaste pointe le détail délicat et la sensibilité artistique réconciliant les âmes ennemies. Parce que le cinéma selon Bziava est un moyen efficace de mettre en valeur l’arc-en-ciel d’une réalité orageuse où chaque pas de danse semble exprimer un non adressé à l’envahisseur et la chorégraphie, symbole de culture et de tradition, se révèle aussi révolutionnaire qu’unificatrice.
Synopsis : Un jour ordinaire dans la vie d’une famille pas comme les autres. La mère est à la cuisine, le père livre des journaux. Le fils, lui, lit son journal à l’aide d’une loupe qu’il tient entre ses pieds.
Genre : Documentaire
Durée : 15′
Pays : Inde
Année : 2008
Réalisation : Umesh Kulkarni
Scénario : Umesh Kulkarni
Image : Shariqua Badar Khan
Son : Anmol Bhave
Montage : Abhijeet Deshpande
Production : Film and Television Institute of India
Cinéaste de la lenteur et du muet, l’Indien Umesh Kulkarni, doublement présent à Clermont-Ferrand cette année avec « Vilay » en compétition internationale et « Gaarud » en Labo, aborde son travail et la situation du court métrage en Inde avec une placidité en décalage avec la cohue festivalière.
Quel est ton parcours jusqu’ici en tant que cinéaste ?
Ma première expérience dans le milieu du cinéma a eu lieu quand j’étais à l’université, en expertise comptable. Je travaillais à côté comme assistant réalisateur. Je me suis rendu compte que faire des films représentait un défi beaucoup plus intéressant que ce que je faisais. J’ai donc abandonné mes études juste avant le tout dernier examen pour m’inscrire en réalisation au FTII [Film é Television Institut of India], à Pune. En première année, j’ai eu l’occasion d’aller en France pour faire l’université d’été à la Fémis, où j’ai réalisé mon premier court métrage, « Les chemins très connus sont des chemins inconnus ». Mon film de fin d’études, « The Grinding Machine » (La machine à moudre) a été montré dans plusieurs pays dans le monde, ce qui m’a permis de beaucoup voyager. Juste après l’école, j’ai coréalisé mon premier long métrage « Le Bœuf sauvage » avec Girish Kulkarni, scénariste, acteur, et ami proche. Ce film, dont la première a eu lieu à Rotterdam, a connu un grand succès dans l’état de Maharashtra.
Tu as déjà présenté trois courts métrages à Clermont-Ferrand : « Three of Us » en 2009, « Vilay » et « Gaarud » en 2010. Dans quel cadre ont-ils été réalisés ?
Ils ont tous les trois été faits après l’école mais ce sont tout de même des films d’écoles, car ils ont été réalisés pour des étudiants en montage ou en image du FTII qui étaient à la recherche d’un réalisateur pour leurs films de fin d’études. Les courts métrages sont d’ailleurs très souvent réalisés de cette manière en Inde vu qu’il est quasi impossible de trouver autrement les moyens de les tourner en 35mm.
Dans ces trois films, tu explores trois styles, voire trois genres tout à fait différents. Es-tu toujours à la recherche d’un style qui te définirait ou bien préfères-tu ne pas être associé à un seul genre ?
Je trouve que le court métrage permet beaucoup d’expérimentation avec la forme et le style. Je ne veux pas être dans un moule ‘fiction’, ‘documentaire’ ou autre chose. Pour moi, le choix du style dépend entièrement du contenu, et je suis toujours ouvert à la forme que le sujet peut prendre. Ceci dit, même si on essaie chaque fois des choses très différentes, il est vrai qu’un certain style se dégage dans mes films, étant donné que c’est toujours plus ou moins la même équipe qui travaille ensemble et qui porte un regard particulier sur les choses.
Comment expliques-tu le choix de genre pour chacun des trois films ?
Le documentaire « Three of Us » raconte l’histoire d’un homme gravement handicapé et de ses parents âgés. À 42 ans, il ne peut pas du tout bouger et est confiné à sa maison. Pour le filmer, on a voulu exploiter cet espace en travaillant avec des plans fixes limités à la maison. Le fait de ne pas bouger la caméra permettait aussi un regard plus neutre et distancié, ce qui était très important pour éviter de tomber dans un sentimentalisme excessif. Car malgré ce qu’elle vit, cette famille est très optimiste et même heureuse. C’est aussi pour cette raison que j’ai voulu faire ce film, et le mode documentaire m’a offert une certaine distance par rapport au sujet.
« Vilay », une fiction, narre le rapport d’un jeune étudiant en architecture avec sa grand-mère mourante. Il y a un côté autobiographique dans ce film. J’ai choisi de privilégier l’espace mental et psychologique, aux dépens de la réalité stricto sensu. « Vilay » est plutôt un collage d’expériences et d’émotions vécues par ce jeune homme, sans d’autres personnages que lui et la grand-mère. En même temps, le film symbolise la modernisation de la ville qui est en quelque sorte aussi une mort, une destruction. Avec mon équipe, on a beaucoup travaillé le son pour montrer cette lutte entre l’ancien et le nouveau. Par rapport à « Three of Us », l’image de ce film n’est pas vraiment statique mais est plutôt marquée par des mouvements lyriques.
« Gaarud », sélectionné en compétition Labo, n’est-il pas nettement plus expérimental ? Comment ce projet est-il né ?
« Gaarud » était un projet de fin d’études pour des étudiants en image, son, et montage. Le film devait être tourné en trois jours dans un décor unique. Depuis quelques années déjà, j’avais en tête l’idée de faire quelque chose dans un lieu transitoire, dans une chambre d’hôtel que les gens ne fréquentent que très brièvement. Je souhaitais faire un portrait de leurs vies à travers des aperçus fugitifs de leurs actions. Je voulais explorer la thématique de la ‘marchandise’ humaine dans la société actuelle. Dans le film, il y a des scènes de suicide, de mort, de prostitution, de solitude, et même des scènes vides dans lesquelles le spectateur peut s’imaginer ou inventer sa propre histoire. Sur le plan technique, je me suis servi du travelling afin de représenter le sentiment d’enfermement et de traiter de la dimension temporelle de façon originale. Le résultat est un film avec un rythme imposé.
Comment ce film a-t-il été reçu à l’école et ailleurs ?
Au FTII, ce film a suscité des réactions contrastées et des interprétations diverses. À l’ école, on a une liberté totale de sujet. Il suffit de convaincre la faculté pour avoir faire approuver le projet. Il n’y a pas de contraintes imposées aux films, à l’exception de l’équipement, du nombre de jours de tournage et du budget accordé.
Combien d’étudiants y a-t-il dans une promotion ?
La situation des écoles de cinéma en Inde est extrêmement difficile. Il y a trop de monde pour trop peu de places. Au FTII, il y a dix étudiants en réalisation, et vingt dans chacune des autres sections. Même dans les autres écoles connues de l’Inde – je pense notamment à la Satyajit Ray Film School à Calcutta, la Chennai Film Industrial School ou l’Université Jamia Millia de Delhi – il n’y a pas beaucoup plus de gens qui sortent chaque année. Ces chiffres ne sont pas très encourageants par rapport au nombre de films produits en Inde, qui tourne autour de mille films par an !
Selon ton expérience, quel est actuellement le statut du court métrage indépendant en Inde ?
Plus de la moitié des courts sont réalisés dans le cadre des écoles de cinéma ou de média et communication. Depuis l’arrivée de la DV, on fait de plus en plus de courts métrages indépendants, surtout des documentaires. Pourtant le public n’a toujours pas accès à la plupart de ces films. Il existe très peu de festivals en Inde, dont notamment ceux de Chennai [Madras], du Kerala, de Calcutta et de Pune. Il est donc très difficile de programmer des courts même si cela est en train de changer.
Par ailleurs, les écoles ont toujours du budget même s’il est parfois modeste. C’est pour ça que je suis très content de pouvoir faire des courts métrages pour le FTII. Ils mettent du matériel à ta disposition. Tandis que les productions indépendantes sont quasi impossibles à financer, surtout en pellicule. Du coup les gens travaillent en tant que bénévoles sur un court métrage qui peut prendre jusqu’à un an pour se faire. Et ensuite il y a rarement des possibilités de faire des recettes sur ces courts métrages, à moins de pouvoir les vendre à des chaînes étrangères. Là aussi heureusement, il y a du progrès, avec quelques sociétés de promotion de courts métrages installées en Inde.
Où en sont tes projets pour le moment ?
J’alterne toujours entre le court et le long. J’adore le court métrage, je ne voudrais jamais m’en passer. J’essaie d’en faire un par an. Pour l’instant, je travaille sur un long métrage, mais je tourne en même temps un court, toujours pour l’école.
Encore un nouveau style ?
Oui, cette fois-ci, je m’essaie à l’humour ! On verra bien ce que ça donne.
Synopsis : Le monde d’hier. Où les journées étaient à la paresse, et les portes sans verrous. Où on croyait encore à l’espoir et au bonheur. Ce monde se termine. Avec lui disparaît l’ombre de ma grand-mère.
Synopsis : Une pièce dans un pavillon ombragé, situé près de la gare d’une petite ville. Des gens habitent dans la pièce et ne peuvent en sortir. Aperçus d’existences, impressions insignifiantes mais significatives.
Genre : Fiction, Expérimental
Durée : 13’
Pays : Inde
Année : 2009
Réalisation : Umesh Kulkarni
Scénario : Umesh Kulkarni
Images : Deepu Unni
Musique : Lipika Singh
Son : Lipika Singh
Montage : Ujjwala Agawane
Production : Film and Television Institute of India
Avant que les copies de films ne rejoignent leurs pays respectifs, le Magazine Bref propose ce mardi 9 février une soirée spéciale sous le signe de Clermont-Ferrand. Sept films sélectionnés au festival seront projetés au MK2 Quai de scène, à Paris, dès 20h30.
Films présentés :
Lost and Found de Philip Hunt (Royaume-Uni)
La Patrona de Lizzette Argüello (Mexique)
Path Lights de Zachary Sluser (Etats-Unis)
Glenn Owen Dodds de Frazer Bailey (Australie)
Vilay de Umesh Kulkarni (Inde)
Sparni un Airi de Vladimir Leschiov (Lettonie)
The Six Dollar Fifty Man de Louis Sutherland et Mark Albiston (Nouvelle-Zélande)