Il y a plus d’une semaine, le festival de Bruz accueillait Sébastien Laudenbach, le réalisateur de « Vasco », en compétition parmi les films pro, pour une séance spéciale : les secrets de fabrication de « Regarder Oana », son film précédent.
Il existe une tendance en animation qui consiste à dévoiler les coulisses, les procédés de fabrication des films. Dans cet esprit, naissent les démonstrations techniques, les making-of, les bonus DVD, les miettes tournées pendant ou après réalisation, autant de secrets déflorés nourrissant l’imaginaire des spectateurs, curieux de connaître les dessous du cinéma qu’ils affectionnent.
Cette année, à Bruz, ces secrets étaient pluriels : Denis Walgenwitz, Président de l’AFCA (Association française du cinéma d’animation) évoquait les décors de « Moi, Moche et Méchant » de Chris Renaud et Pierre Coffin. Cédric Mercier faisait de même avec les décors de « La science des rêves » de Michel Gondry, Juliette Loubières présentait en avant-première « Citrouille et vieilles dentelles » en compagnie de Tiziana de Carolis, la compositrice du film, tandis que Sébastien Laudenbach revenait sur « Regarder Oana », son avant-dernier film, “à lire et à écouter”.
Vendredi 17/12, 11h, salle du Grand Logis, Bruz. En attendant le commencement de la séance consacrée à Sébastien Laudenbach, les scolaires font du bruit dans les rangs : la spontanéité de la jeunesse mêlée à l’excitation d’aller au cinéma en matinée se fait ressentir. Sur scène, l’animateur s’affaire devant une table recouverte d’une nappe à carreaux sur laquelle se trouvent des pinceaux, des grains de café et un ordinateur portable. À proximité, une caméra et un micro testent l’animation directe prévue sur grand écran.
La séance commence avec la projection de « Regarder Oana » que peu de spectateurs présents ont vu. Comment accéder au sensible en se basant sur un matériau très artificiel ? Cette question aurait pu être le synopsis du film. Laudenbach, intéressé par l’humain, le désir, le plaisir et la passion, a tenté d’y répondre par le biais d’un film narratif qu’il qualifie d’obscur, de non séduisant, de dense. « Avec ce film construit par couches, on voit des choses différentes selon l’âge et l’expérience », dit-il. Un ado spectateur confie justement à son voisin : « C’est bien fait mais j’ai pas tout compris ».
Réalisé en deux mois et demi, « Regarder Oana » malaxe des mots, des voix, des scènes de flashback, une histoire d’amour sur le point de se terminer, une peau typographique, un accent étranger, des visages absents, et des ingrédients rangés dans la cuisine. Au fur et à mesure que le lien entre l’homme et la femme se distend, les aliments (morceaux de sucres, pâtes,…) deviennent moins rigides, se désagrègent pour aboutir à un chaos alimentaire (framboises écrasées).
Dans le film, les mots apparaissent et disparaissent à leur guise, que ce soit sur une table de cuisine ou sur une peau de femme. A Bruz, lorsqu’il revient sur les traces de son film, Laudenbach prévoit de faire de même sans réclamer une quelconque volontaire féminine. L’AFCA lui a demandé de réaliser une carte de vœu pour l’année 2011, il débarque donc le jour dit avec ses ustensiles pour livrer les conditions de fabrication de « Regarder » et entamer sa démonstration filmée par une caméra qui retransmet l’image sur grand écran. Avec application, il commence à tracer la première lettre de l’Association en utilisant sa cuiller et les grains de café rapportés et en photographiant son travail image par image. « Le café est une matière rebelle qui colle » explique-t-il quand il ôte les grains parasites entourant les lettres à l’aide d’un pinceau. Les lettres prennent progressivement forme, et au bout d’une demi-heure, l’AFCA s’inscrit en marron sur l’écran. Les spectateurs sont surpris, une démonstration est toujours plus parlante qu’un défilé de notes d’intention ou une modélisation 3D. Mieux, l’animateur incite les lycéens présents à se rendre dans leur cuisine avec leur appareil photo, à attraper le sel et le poivre et à tenter par eux-mêmes de faire un peu d’animation.
Peu de temps après, les jeunes se lèvent et partent par petits groupes. Peut-être l’idée les a travaillés, peut-être vont-ils simplement déjeuner (après tout, il est midi). Laudenbach leur lâche avant qu’ils ne partent : « Bon appétit, j’espère que vous allez manger des framboises écrasées, des œufs et des crêpes ! ». L’exposé se termine petit à petit. Les grains de café disparaissent comme ils sont apparus.
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Article associé : l’interview de Sébastien Laudenbach