Créateur du site Objectif Cinéma, responsable des publications à la La Cinémathèque Française et coordinateur de la sélection des courts métrages à la Semaine de la Critique, Bernard Payen cumule les mandats mais toujours au service des courts qu’il défend comme personne. Il était ce mois-ci aux festivals de Vendôme et Poitiers. Cyber rendez-vous pris.
La Semaine a pour vocation de révéler des jeunes cinéastes, de repérer des films fragiles et différents et de leur offrir de la visibilité à Cannes. Pourquoi remet-elle des prix de la Critique dans d’autres festivals ? De quelle manière se concrétisent ces prix ?
Petite nuance, ce n’est pas « la Semaine de la Critique » qui remet des prix, mais des représentants du Syndicat de la critique de cinéma qui remettent dans certains festivals des prix à des courts ou des longs métrages (selon les festivals), souvent à l’issue de délibérations en public (ce qui est assez singulier). Ces prix ne sont pas dotés mais sont l’occasion de mettre en avant à chaque fois un film de ces compétitions.
Pour quelles raisons avez-vous noué des liens avec Poitiers ou Trouville ? Envisagez-vous de remettre des prix dans d’autres festivals ?
Ce sont deux liens très différents. Le prix remis à Trouville est purement honorifique, sans aucune conséquence, mais il est l’occasion de montrer au public du festival comment se déroule la délibération d’un jury (puisqu’elle se déroule en public). A Poitiers, le lien avec les Rencontres Henri Langlois est plus ancien d’une dizaine d’années. La délibération n’a pas lieu en public, les membres du jury de ce « prix découverte de la critique française » sont souvent des membres de la commission court métrage de la Semaine de la Critique (événement organisé par le syndicat de la critique de cinéma) et le film primé figure désormais sur le DVD regroupant tous les ans les films sélectionnés par la Semaine de la Critique. C’est une manière d’aider à la diffusion du court métrage.
Vous sélectionnez de temps à autre des films d’écoles. Comment fonctionnez-vous avec les autres sections, notamment la Cinéfondation, lorsque vous repérez des films intéressants pour la Semaine ?
Nous recevons bien évidemment nous aussi des films d’école. Nous nous parlons, avec les sélectionneurs de la Cinéfondation, pendant les processus de sélection, et nos programmations se complètent bien je pense, au final.
« Ahendu Nde Sapukai »
Etes-vous amenés à voir les films d’écoles des autres sections et à avoir envie de suivre les anciens étudiants sur leurs autres courts et premiers et deuxièmes longs ? Claire Burger, Marie Amachoukeli ou Pablo Lamar étaient dans d’autres sections, je crois, avant d’être invités à présenter leurs films à la Semaine.
Bien évidemment notre travail consiste aussi à repérer des jeunes talents dans les autres festivals, quels qu’ils soient, et à se tenir au courant des projets des cinéastes que nous apprécions. C’était le cas pour « C’est gratuit pour les filles » de Claire Burger et Marie Amachoukeli, que nous attendions, après avoir beaucoup aimé « Forbach » projeté à la Cinéfondation. En ce qui concerne Pablo Lamar, c’est bel et bien la Semaine de la Critique qui l’a révélé puisqu’aucun de ses films n’avaient été projeté dans des festivals avant mai 2008 et la programmation à Cannes de son film de fin d’école « Ahendu Nde Sapukai », dont la découverte reste pour ma part l’un de mes plus grands souvenirs de sélectionneur.
Les films d’animation représentent une bonne partie des courts sélectionnés. Est-ce que l’animation a réellement sa place à Cannes ? Pourquoi vous y intéressez-vous ?
L’animation a une place très importante à la Semaine de la Critique et nous avons je pense raison de nous intéresser quand nous voyons les Oscars que reçoivent ensuite certains d’entre eux (« Ryan », « Logorama »). Nous ne sommes donc pas seuls à les aimer ! Nous recevons chaque année beaucoup de films d’animation, certains sont réellement plus passionnants et plus audacieux que certains films de fiction. Ce qui explique leur sélection.
Pourquoi le documentaire est-il moins défendu à la Semaine ?
Il n’est pas très juste de dire cela cette année, quand on voit que le Grand Prix de la Semaine de la Critique est un long métrage documentaire : « Armadillo ». En ce qui concerne les courts métrages, nous n’avons pas trouvé ces dernières années de films « purement » documentaires de 15’ suffisamment forts et porteurs pour être sélectionnés. Pour les moyens métrages, c’est un peu la même raison, d’autant plus que nous en prenons vraiment très peu (trois maximum). Mais la frontière est souvent mince entre fiction et documentaire et si vous prenez « Berik », le film de Daniel Joseph Borgman qui a reçu cette année le Grand Prix du court métrage à la Semaine, vous constaterez qu’il appartient autant à l’un qu’à l’autre genre…
Vous voyez énormément de films et vous en prenez très peu. Comment fonctionnez-vous en interne ? Vous répartissez-vous les genres, les pays, pour vous diviser la tâche ? Devez-vous vous mettre tous les quatre d’accord pour prendre un film ?
Nous recevons un millier de films environ chaque année et nous en prenons dix. Entre février et avril, nous visionnons les films que nous recevons et nous constituons au fil des semaines une « short list » qui constituera le socle de notre délibération (même si rien n’est figé et que nous pouvons revenir à un film momentanément écarté). Nous essayons de faire en sorte que tous les films soient visionnés par tous les sélectionneurs mais ce n’est pas toujours facile pour des raisons de temps. Il est arrivé que nous ne soyons pas tous d’accord sur un film et qu’il soit quand même sélectionné. Il n’y a pas de règle.
Etes-vous particulièrement attentifs au travail des réalisateurs que vous avez déjà sélectionnés ?
Bien sûr. Nous restons en contact avec la plupart des réalisateurs sélectionnés les années précédentes.
Est-ce que l’édition des courts de la Semaine est un projet que vous souhaitez poursuivre ?
Oui, bien entendu. C’est extrêmement important de faire en sorte que les films que nous sélectionnons, que nous portons, pour lesquels nous nous engageons, soient le plus possible diffusés. Et le DVD est un support formidable pour cela.
Vous venez de récompenser le film roumain “Les Lignes de la main” à Poitiers. Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce film ? Est-ce que c’est un film que vous auriez pu retenir à la Semaine ?
C’est un très bon film à la fois très maîtrisé et très émouvant. C’est un film que nous aurions pu retenir à la Semaine. Mais la sélection des films est toujours affaire de contexte et de subjectivité : quels membres dans le comité de sélection ? Quels films avons-nous dans notre « short list » ? Les réponses à ces questions influent souvent sur le choix des films. Pour ma part, « Les lignes de la main » est un film qui avait déjà retenu mon attention dans d’autres festivals européens et qui a conquis également les deux autres membres de ce jury presse cette année.
Interview Internet réalisée par Katia Bayer
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