Amérique, années 20 ou folles. Encore muet, le cinéma burlesque faisait beaucoup parler de lui. Les silhouettes et les gags de Buster Keaton, de Charlie Chaplin, de Harold Lloyd, de Stan Laurel et de son associé Oliver Hardy habillaient facétieusement les écrans. Mais les rires naissaient également du talent d’un autre, tour à tour acteur, réalisateur et producteur entre 1920 et 1940 : le très populaire Charley Chase. Oublié aujourd’hui, il était discernable par ses rôles de dandy séducteur à la tronche impayable (fine moustache, oreilles décollées, yeux facétieux, bouche pitre) assortie à ses cheveux coiffés à la brillantine.
De son vrai nom Charles Parrott, Charley Chase tourna près de 400 films qui lui permirent de travailler – entre autres – avec des individus aussi divers que Chaplin, Fatty Arbuckle, Snub Pollard, Hal Roach, Mack Sennett et Leo Mc Carey. Sous la direction de ce dernier, Charley tourna 45 films dont 10 ont été sélectionnés et édités pour la première fois en DVD par Lobster Films, aussi fan de la magie des vieux films que complice de leur restauration/renaissance. Pour Serge Bromberg, « Chase est préposé aux rôles de séducteur élégant, distingué et charmeur issu des beaux quartiers. Il est le clown blanc – sérieux mais décalé – face aux comiques plus destructeurs des studios Keystone. »
Se positionner derrière une caméra titille aussi Chase qui en 1915 signe son premier film, « Such a cook », aujourd’hui disparu. D’autres sociétés le solliciteront en tant que réalisateur (la Fox, King Bee, L-Ko, ,..), mais c’est aux studios Hal Roach qu’ira sa préférence. Il les rejoind en 1919 pour y revenir cinq ans plus tard en tant que comédien. Entre 1924 et 1926, Chase tourne sous la direction de Leo Mc Carey. Le premier a déjà plus de 10 ans d’expérience de plateau tandis que le second est encore un débutant. Pendant deux ans, les idées du tandem donneront lieu à 45 comédies vaudevillesques à souhait. En voici 10 mises en évidence par l’équipe de Lobster dans lesquelles Chase s’éclate, pendant 4h30, tout autant que ses partenaires féminins, masculins et canins.
What Price Goofy ? : Charley traverse la rue pour venir en aide à un sympathique chien perturbé par la circulation et par une beauté inquiète à l’idée d’assister à un drame. Une mégère, copine de l’épouse du sauveur téméraire, a vu la scène et l’a interprétée : v’la deux amoureux avec une bête à oreilles dans les bras. Ça va se savoir…
Dog Shy : Ennui. Une jeune fille écoute avec désintérêt son prétendant lui conter son amour par téléphone. Fatalité : n’ayant plus de pièces, l’homme réclame quelques secondes pour faire la monnaie. Effet : pourchassé par un cabot, Charley découvre un asile dans cette cabine vide et dans ce cœur indolent au bout du fil.
Mum’s The Word : Une femme a évité de dévoiler l’existence de son fils à son deuxième mari. Le mensonge s’avalerait bien si le chéri ne venait pas à l’improviste coller un bisou à sa maternelle et se retrouver narines contre narines devant son beau-père suspicieux. Vite, une astuce : faire passer le fils pour le valet de chambre (et non pour l’amant).
Innocent Husbands : Comme son mari n’a jamais rien à se reprocher, sa femme se montre de plus en plus méfiante. Pour être sûre de son amour et de sa fidélité, elle organise une séance de spiritisme à domicile. Seulement voilà, des individus drapés et des vieux oncles s’incrustent à la fête. Ça ne se fait pas, ah, ça non !
His Wooden Wedding : Un homme, heureux à l’idée de convoler, reçoit un mot anonyme lui signifiant que sa future a une jambe de bois. Il se met à imaginer sa famille mi-humaine, mi-arbre et à reconsidérer ses sentiments et sa promise.
Mighty like a moose : Ils sont mariés mais souffrent tous deux d’un défaut esthétique : lui, au niveau des dents, elle, au niveau du nez. Qu’à cela ne tienne : chacun de son côté se fait opérer en cachette. Méconnaissables, ils font connaissance en sortant de la clinique. L’amour les a repérés (patapouf). Qu’en pensent les “vrais” conjoints ?
Long Fliv The King : La princesse Helga de Thermosa, en déplacement en Amérique, reçoit un télégramme lui signifiant qu’elle n’héritera du trône que si elle se marie dans les 24 heures. Ah, le vil complot ! Son sang royal ne fait qu’un tour. Comment sauver son trône en si peu de temps ? Pourquoi ne pas jeter son dévolu et sa couronne sur un beau condamné à mort ?
Crazy Like A fox : Victime d’un mariage arrangé, elle vient de rencontrer le fiancé adapté. Comment ça, c’est le même ? Que c’est curieux : il devient soudainement dingue sur commande. Son brushing en prend un coup fou.
Bromo and Juliet : Un jeune homme de bonne famille se découvre un intérêt pour le théâtre. Pour coller à son rôle, il s’offre une extension de cheveux (pour le romantisme) et des collants rembourrés d’éponges (contre les jambes trop maigres). Lever de rideau.
Isn’t Life Terrible ? : Comment partir en vacances quand on a une famille à sa charge et un porte-monnaie troué à sa décharge ? Peut-être en misant sur un petit proverbe accroché sur sa veste : « Tout vient à point à qui sait attendre ». À ce sujet…
Consulter les fiches techniques de « What Price Goofy ? » et « Mighty like a moose »
« Retour de flamme : Charley Chase par Leo Mc Carey », éditions Lobster Films. Bonus : biographie illustrée de Charley Chase + deux courts métrages « Shine’em Up » et « April Fool de James Parrott, le frère de Charley, également acteur et réalisateur.
Article paru sur Cinergie.be