Marquée par « Le Mystère Picasso » d’Henri-Georges Clouzot (1965), l’animatrice Florence Miailhe, diplômée en gravure à l’École nationale supérieure des arts décoratifs (ENSAD) de Paris, redéfinit le monde de l’animation à sa guise pour s’y trouver un créneau distinctif, depuis son premier court métrage réalisé en 1991. Dans le cadre du festival Anima 2010, une rétrospective, une exposition et une rencontre lui ont été consacrées en collaboration avec l’Abbaye de Fontevreau, un atelier d’images en résidence, qui a également accueilli des cinéastes et animateurs tels que Tatia Rosenthal (« Le Sens de la vie pour $ 9,99 ») et Michal et Uri Kranot (« The Heart of Amos Klein », « God on our Side »).
Avec une filmographie qui compte une demi-douzaine de courts métrages (« Hammam », « Conte de quartier », « Premier dimanche d’août »), dont des films de commande (« Les oiseaux blancs, les oiseaux noirs », « Matière à rêver ») et bientôt un long métrage (« La Traversée »), Florence Miailhe peut se vanter d’un style singulier et apparemment inépuisable. Sa technique, comme celle du cubiste malagais sous le ciné-œil de Clouzot, est de peindre, de créer, d’effacer et de recréer des mondes magiques avec le pigment et le sable comme seuls supports et le banc-titre comme seul cadre. Avec un travail sur la matière elle-même, Florence Miailhe exploite le genre de l’animation pour marier la peinture et le cinéma.
Créés à partir de la peinture en mouvement, ses films livrent des récits en devenir, tout comme le tableau en devenir de Picasso. Toujours derrière un voile de volupté, ceux-ci décrivent l’individuel comme le collectif, le particulier comme l’universel, le physique comme le psychique. Tandis que la palette chromatique témoigne d’une fraicheur fauviste, les femmes – plus précisément le corps féminin – représentent le sujet de prédilection dans cet univers unique, grouillant d’éléments visuels. La symbolique de la triade Femme-Nature-Terre et l’évocation au Jardin d’Eden sont particulièrement remarquables dans « Hammam », portrait d’un bain public pour femmes, et « Matière à rêver », court traitant de l’érotisme d’un point de vue féminin.
Le sensualisme qui transperce toute l’esthétique de Miailhe, souligne également des récits enfantins, comme ceux dérivés des Mille et une nuits (« Schéhérazade » et « Histoire d’un prince devenu borgne et mendiant »). Protégée par l’ambiguïté et la distanciation offertes par son dessin organique, la réalisatrice dirige une symphonie multicolore où l’érotisme prévaut sur la pornographie. Encore une fois, « Matière à rêver » illustre parfaitement cette tendance. Seule animation dans une série de cinq courts commandés autour du thème de la sexualité vu par des femmes-cinéastes, celui-ci se présente comme une mosaïque épicurienne évocatrice d’un kâmasûtra esthétisé dépourvu de la moindre obscénité.
Habilement et avec une grande souplesse, Florence Miailhe met en avant la spontanéité de la création artistique dans ses œuvres, où le travail de l’artiste peintre est manifeste à tout moment, même si ses mains sont effacées par le montage. Défiant les appellations thématiques comme fiction ou documentaire, ces films-tableaux nagent entre les genres, même si certains, comme « Les oiseaux blancs, les oiseaux noirs », basé sur la vie de Tierno Boker, se veulent plus clairement documentaires que d’autres.
L’émotion chez Miailhe se trace dans l’abstrait, grâce à un passage facile entre le réel et l’imaginaire au sein d’un univers déjà fort onirique, où les barrières entre le signifiant et le signifié sont floues, rappelant ainsi le dicton de Magritte : « Ceci n’est pas une pipe ». De ce point de vue, ses films relèvent tous de la question de la réalité dans l’art représentatif, qu’il soit pictural ou cinématographique.
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j’aime énormément le travail de florence
je suis peintre et je réverai de faire du dessin d’animation mais le temps me manque entre la peinture la lithographie la gravure
j’invite florence à découvrir la litho si elle veut….!!!
bravo pour ce beau travail de pastels et cette fraicheur d’expression
à bientôt peut être
pascale