Vie et mort d’un misanthrope imaginaire
« Ill figure » de Raphaël Lambert et Romain Winkler, tous deux sortis de l’ESAV, est une autobiographie posthume d’un mannequin de vitrine chimérique qui surfe sur les vagues d’un post-modernisme tragi-comique en évitant avec brio les écueils du cliché bateau. Dernier film de Côté Court # 2, le film fait preuve d’un éclectisme exaltant.
Illfig, sorte de beatnik après l’heure, relate avec une bonne dose d’humour et de cynisme l’histoire de sa vie. Tandis qu’amour, gloire et beauté alimentent les fondations de sa grande désillusion, hypocrisie, drogue et alcool participent activement au doux désenchantement qui la dominent. Sur les chemins balisés de paysages industriels sinistrés, notre héros de polyester erre sans but précis si ce n’est celui de trouver sa place dans une société hostile et peu solidaire.
Comme tout droit sorti de l’esprit psychédélique d’un William Burroughs, le film de Lambert et Winkler est un véritable pamphlet visuel dénonçant les affres d’une certaine misère urbaine. Avec comme arrière-plan l’explosion de l’usine chimique AZF, à Toulouse en septembre 2001, la narration de leur biopic en caméra subjective capte de bout en bout, la lente descente aux enfers du personnage qui s’est délibérément écarté des prairies polluées où des moutons de Panurge broutent servilement le béton des grises multinationales. Adoptant un montage très construit, les réalisateurs usent d’images fortes, allant du concret à l’abstrait, pour exprimer le mal-être d’une génération perdue, épave du naufrage consumériste.
À la fois plaisant et dérangeant, le film fouille subtilement, avec un génie indéniable, dans l’inconscient de la culture populaire et underground. Folie, rage et ironie s’entrecroisent dans une rhapsodie mouvante et remuante sur fond de chaos apocalyptique et misanthrope.
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