Avec un titre pareil, « Western Spaghetti » pourrait être peuplé d’anti-héros hirsutes et chauves, de rixes de bas étage, de prostituées édentées, et d’abominables méchants bigleux. Détournée par l’Américain Adam Pesapane, dit Pes, l’expression est plutôt associée à une insolite recette de pâtes à destination des gourmets de l’animation. Temps de dégustation : 1’45’’.
En juin, « Western Spaghetti » remportait le Prix du Public à Annecy. Un mois plus tard, le film était projeté à L’Etrange Festival, au Forum des Images, à Paris. Ingénieux, ce très court joue sur les perspectives, les objets du quotidien, leurs formes et leurs représentations. L’enjeu est purement formel : un homme, dont on ne voit que les mains et les bras en gros plans, se prépare un plat de spaghettis. Fin cuisinier, il préfère une recette maison à un sachet tout prêt M……i. Il allume sa plaque chauffante, attrape deux tomates, jette les pâtes dans l’eau, cueille des feuilles de basilic, … L’idée peut paraître simple, et pourtant, elle ne l’est pas. Pes n’illustre pas ses idées par des dessins, des éléments découpés, ou de la prise de vues réelles. Sa technique à lui, c’est la manipulation et l’association contextuelle et symbolique d’objets tels que des morceaux de pizzas, des post-it, des pelotes de laine, des pop-corn, des élastiques, du papier bulle, et des billets de banque.
Très influencé par Jan Švankmajer, l’animateur travaille depuis longtemps autour de l’ironie, des images associatives et des objets familiers. Il suffit de revoir « Game Over » (détournement savoureux de jeux vidéo), « KaBoom ! » (tract pacifiste sur la guerre en Irak) ou encore « Roof sex » (parodie du ‘’furniture porn’’ à travers des scènes chaudes entre deux fauteuils anthropomorphes new-yorkais). De sujet décalé en sujet décalé, Pes balade son œil génial sur les objets de tous les jours en les imaginant et en les transformant à l’envi.
Après « Spaghetti », Pes a déjà prévu un dessert : son nouveau projet s’articule autour de sa vision très personnelle du monde aquatique. En explorant les bas-fonds de la créativité, l’animateur n’a pas fini de remanier notre perception du banal et du journalier. ’’Ah ! Que la vie est quotidienne !’’, disait Jules Laforgue. ’’Tout dépend des lunettes que l’on porte’’, pourrait lui répondre Pes.
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Voir « Game Over », « KaBoom ! » et « Roof sex », et d’autres subtilités sur le site de Pes