N’importe qui peut sympathiser avec les souffrances d’un ami. Sympathiser avec ses succès exige une nature très délicate – Oscar Wilde
« Succes » est un film décalé sur le monde du travail, récompensé du Prix du Rire Fernand Raynaud, à Clermont-Ferrand cette année, et programmé au Festival Silhouette ce mois-ci. Deux ans après son premier film « Naakt », coréalisé avec Albert Jan van Rees, le comédien de télévision hollandais Diederik Ebbinge se rattache à nouveau au projet Kort!, une initiative de la chaine de télévision nationale NPS qui met avant les œuvres des réalisateurs débutants et déjà établis.
De bout à bout de ses dix minutes, « Succes » se présente comme une parodie du monde professionnel poussée à l’absurde. L’intrigue met en scène une journée atypique dans la vie de Jos Knol, un employé tout à fait quelconque. Sur le point de faire une présentation à un séminaire de travail, il dissimule son stress derrière une façade zen et impassible. Devant ses collègues, Jos livre une présentation des plus réussies, malgré un manque manifeste de contenu (« ceci s’appelle un graphique, prière de noter que la colonne A est plus grande que la B, mais plus petite que la C »). Une célébration s’impose. Fort de son succès, il commande un repas de fête à emporter au snack du coin, justifiant sa gaité inopportune par « quelque chose à fêter ». Mais un geste maladroit l’empêchera de savourer le fruit de son succès.
Le film convainc, malgré son air de déjà vu et sa musique ringarde, limite pénible. La qualité de ce conte insensé tient dans des ingrédients plus originaux : des décors froids, des plans statiques, un rythme posé, une chute ironique, et une interprétation sobre et curieusement évocatrice du burlesque. « Succes » brosse le portrait sarcastique de l’individu isolé, dans son quotidien stérile et vide, et offre un regard critique sur le milieu du travail trop impersonnel, obséquieux et arbitraire.