À l’amour, à la haine
Grand Prix de la Cinéfondation et Prix Européen France 2 au dernier Festival de Brest, « Bába » de la tchèque Zuzana Špidlová séduit les sens par son sujet, son traitement, et sa rigueur. Ce film d’école de la FAMU confirme la réputation du cinéma d’Europe de l’Est tout en identifiant une nouvelle réalisatrice à suivre.
Verunka, ado sexy, passe ses journées à s’occuper de sa grand-mère alitée, sa ‘baba’ malade. Invariablement, ses tâches (changer, nourrir, laver, masser, …) se répètent, jour après jour. Passive et lasse, la jeune fille accepte difficilement son rôle de garde-malade et ne supporte pas la dépendance aigüe de son aïeule, ancienne beauté qui la renvoie à sa propre image. Peu à peu, son agressivité prend le pas sur ce qui lui reste d’empathie : Verunka tente de faire mourir sa grand-mère.
L’œil s’écarquille, la main recouvre la bouche, la parole devient muette. Voici trois des symptômes provoqués par la vision de « Bába », un film saisissant par son impact et sa force. Court d’école portant le cachet de Prague, « Bába » aborde, derrière la répétition de sa syllabe, une profusion de thèmes émotionnels qu’on ne se lasse pas de voir au cinéma : la famille, le cercle féminin, la séduction, l’isolement, la maladie, la vieillesse, la perte d’autonomie, l’euthanasie, et le sentiment de culpabilité. Tout en s’intéressant, sans jugement, à ce qui sépare la confiance et les gestes d’affection des actes malveillants et des tabous transgressés. Quitte à choquer et à mettre mal à l’aise son spectateur.
Inspirée par les films psychologiques, la réalisatrice Zuzana Špidlová mise sur la sobriété, les jeux de regard intergénérationnels, et la mixité des comédiens professionnels et amateurs, dont Eva Pokorna, formidable ‘’bába’’. Son visage apparaît, souriant, plein de confiance, contrastant avec le regard noir, dur, et coupable de sa petite fille (Marika Soposka). Il nous accompagne autant qu’il nous déstabilise.
Katia Bayer
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