Tel n’est pas pris qui croyait prendre
Illustratrice et plasticienne venue de Hongrie, auteur d’une dizaine de courts métrages d’animation, Andrea Kiss, réalise un petit film enjoué et drôle, vif et gai, adapté d’une fable d’Ervin Lázár où la morale se retourne comme un gant. « Le Mulot menteur », court métrage d’une vingtaine de minutes réalisé en papier découpé et colorié – une technique réjouissante qui, par ses imperfections et son artisanat, donne au film une irrégularité humaine et vivante – se construit assez simplement sur une série de rebondissements qui suivent le chemin d’un petit mulot, menteur comme un arracheur de dents.
Dans la première scène du film, il raconte, dans une taverne envahie d’animaux sidérés et enthousiastes, ses exploits sur les planètes du lointain système solaire. « Un mulot cosmonaute, tiens donc ! » se dit quant à lui le renard qui assiste au récit. Tenu de s’expliquer devant l’assemblée quant à ses exploits étonnants, le mulot prend la fuite, prétextant qu’on l’attend, poursuivi sans le savoir par le renard, malin et un brin agressif. Mais sur le chemin du retour, le mulot fait une série de rencontres, d’abord avec le loup, ensuite avec le bouc. À chaque fois, mettant en scène de faux exploits en rapport avec les situations des deux autres animaux, le mulot va réussir à les tirer de leurs tracas, le loup et le bouc décidant de prendre exemple sur lui. Ce faisant, ils deviennent des héros dépassant leur situation grâce aux mensonges du mulot, grâce au pouvoir de la parole.
Outre son dessin vibrant et original, son rythme gai, ses voix enjouées (Thierry de Coster, Edwige Baily, Benoît Van Dorslaer, Philippe Verleysen, Jean-Michel Balthazar), « Le Mulot menteur » installe de belles ambiances entre le rêve et l’effroi (la traversée de la forêt nocturne), trouve des illustrations frappantes (les fleurs clochettes semées sur la route), et surtout aboutit à ce renversement réjouissant de la morale, celle des fables et des récits, où le mensonge n’a justement pas de valeur morale puisque c’est la parole qui invente le réel. Quant à la fin du film, elle est merveilleuse : la mulette, s’énervant d’abord contre le retard de son époux, lui pardonne tous ses mensonges dans une tendre étreinte amoureuse qui sait bien où la vérité de l’autre se situe.