Zapping de Cristian Mungiu
Tout ce qu’il fait en rentrant du boulot, c’est regarder la télé en changeant de chaîne sans arrêt, toute la nuit – et sa femme en est malade. Jusqu’au jour où les chaînes refusent de changer…
Tout ce qu’il fait en rentrant du boulot, c’est regarder la télé en changeant de chaîne sans arrêt, toute la nuit – et sa femme en est malade. Jusqu’au jour où les chaînes refusent de changer…
Sélectionné cette année à la Quinzaine des réalisateurs, le court-métrage documentaire animé “Jutra” semble poursuivre l’une des ambitions de sa réalisatrice Marie-Josée Saint-Pierre, quelques années après le remarqué “Les négatifs de McLaren” (2006) : faire dialoguer des archives traitées par le dessin avec l’œuvre d’un cinéaste.
Tondre l’herbe. Ramasser les poubelles. Laver des chaussures. Sourire devant un appareil photo. Tant de gestes banals reproduits par des anonymes. Et pourtant. Des gestes accomplis dans un lieu loin d’être anodin : les camps de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau.
Après avoir récompensé lors des précédentes éditions, « La maladie blanche » de Christelle Lheureux (2011) et « Le monde à l’envers » de Sylvain Desclous (2012), Format Court vient de primer un nouveau moyen-métrage, « Pour la France » de Shanti Masud au festival de Vendôme.
Regarder la réalité ne procède pas du simple fait de mettre son œil au dehors, de constater de loin les dissemblances qui mentalement pourraient séparer l’être de ce qu’il voit. Au contraire, regarder se construit comme un acte : entrer en interaction vivante avec des sujets, des objets, des contextes, des mouvements, et laisser subtilement apparaître les relations intimes entre ces éléments fuyants.
Débutée avec le très remarqué « A Fábrica » (2011), la trilogie réalisée par le brésilien Aly Muritiba autour de l’univers carcéral se poursuit avec l’atypique « Pátio », sélectionné à la dernière Semaine de la Critique. Rares sont les cinéastes à porter un regard aussi radical et humain sur cet hors-espace, sur ce non-lieu en retrait de la société et pourtant au cœur de son ordre institutionnel.
Sous l’apparence de la sagesse se cache parfois une vitalité surprenante, une précieuse énergie prête à rompre avec l’ordre des choses. Au fond, ce n’est pas seulement au personnage d’Olena qu’on pourrait appliquer cette puissance dissimulée, mais au court métrage éponyme d’Elżbieta Benkowska dans son ensemble, tout premier film polonais à concourir à la Palme d’or dans sa catégorie courte.
Sélectionné à la Cinéfondation au Festival de Cannes, le court métrage « Exil » dépose des traces. Les traces d’un homme échoué sur une plage, contraint à une errance infinie, défait des origines et dans l’incertitude de l’après. Il n’est pas question ici de récit ou même de développement d’une trajectoire. Seulement de quelques murmures, de bruissements, de temporalités rompues, et de mouvements aléatoires.
Modération et tempérance ne sont habituellement pas les qualificatifs attribués au Festival de Cannes. Au contraire, l’événement prend ses quartiers dans les apparences les plus foisonnantes. Tout est prévu pour attirer et séduire. Le long tapis rouge est installé devant le palais. Les longs métrages réalisés par de grands cinéastes recouvrent la plupart des écrans, diamants officiels attendus par des centaines de spectateurs attroupés dans des fils interminables. Les longues robes aguicheuses des actrices se déploient sous les regards affamés des photographes.
Pile, on réunit les éléments sensoriels venus de l’imaginaire pour représenter le mouvement des êtres. Face, on appréhende le monde et ses labyrinthes en plongeant directement en son sein. Fiction et documentaire, loin d’être des démarches opposées, ne sont en réalité que les deux faces d’une même carte. Ce n’est pas la réalité elle-même qui est enregistrée (comme le disent certains maladroitement), mais une vision du monde qui s’imprime. L’enjeu personnel de chaque cinéaste est de « piéger les faits qui (les) traversent », pour reprendre l’expression du peintre Francis Bacon.
Les voitures dans la ville et les trains à vive allure glissent dans le paysage en traçant des lignes horizontales. Les larmes et la pluie ont, quant à elles, un autre point commun; celui de tomber à la verticale. Les premiers plans de «La fête des morts » d’Aleksandra Terpińska semblent nous rappeler ces évidences cachées; à l’image, les clignotements urbains se mêlent aux coulées de pluie.
Réunies à Strasbourg dans le cadre de GENERATOR 2013, de nombreuses associations dédiées à la création et la diffusion du court-métrage, venues des quatre coins de l’Europe, ont mis en avant différentes manières d’aborder la distribution. Particulièrement originale et active en Pologne et en Europe, la Fondacja Ad Arte (basée à Poznań depuis sa création en 2003) se caractérise par la mise en place de multiples formes de diffusion, en reliant notamment le cinéma à la performance et à la musique.
Dans les couloirs et les salles de réunion de quelques institutions strasbourgeoises (Maison de la région Alsace, Pôle d’Arte, La Plage digitale, etc.), spécialement réquisitionnées pour accueillir GENERATOR, le Forum Audiovisuel de la Jeunesse, le silence habituel du week-end a laissé place au dynamisme de plusieurs centaines de participants venus de toute l’Europe, animés par plusieurs objectifs mais totalement dévoués à la réflexion et à la pratique du cinéma.
Conçu comme un espace de rencontre des différents acteurs du cinéma en Europe, l’événement GENERATOR transformera du 25 au 27 janvier la ville de Strasbourg en un gigantesque champ d’expérimentation, de réflexion et d’interaction autour de la jeune création européenne.
Et voilà, Format Court a quatre ans (= noces de cire) depuis le 9 janvier 2013. Chaque année, à cette période, au moment de rédiger l’édito, j’ai pour habitude de revenir en arrière et de relire le tout premier article du genre, celui qui a officialisé les débuts du site. Le 9 janvier 2009, l’édito s’appelait « édito » (un titre comme un autre !) et ne se concevait pas comme un site exhaustif sur le court ni comme un annuaire ou un portail d’actualité, mais comme un regard critique et personnel sur le cinéma bref.
Il y a deux ans, nous avions initié un Top 5 des meilleurs courts métrages de l’année, à l’instar des Best of annuels des revues et des autres sites consacrés au long-métrage (si la nostalgie vous démange, retrouvez nos Top 2010 et 2011). En cette fin d’année, découvrez les 5 coups de cœur 2012 des membres de l’équipe de Format Court.
La violence n’est pas seulement affaire de coups, ou encore d’état psychologique extrême, elle a également à voir avec l’éthique. Chaque cas de combat physique nous amène, en effet, à questionner ses origines et son sens, non seulement pour les personnes engagées dans le duel mais aussi pour l’humanité entière. La violence n’est jamais (totalement) gratuite, et le cinéma s’est avéré l’un des transmetteurs les plus aptes à la décrire et à en analyser les causes, voire à la dénoncer…
Parmi les découvertes précieuses de la huitième édition du Festival Court Devant, figure un film venu d’une contrée dont l’actualité est plus économique qu’artistique : la Grèce. Au-delà des dangereux clichés journalistiques et des approches télévisuelles stigmatisantes, le cinéma affirme la volonté de l’individu face à l’histoire, aux conditions de vie et à lui-même. « Papa, Lénine et Freddy » d’Irène Dragasaki (2011) fait partie de ces courts métrages à assumer cette force déstabilisatrice, habituellement plutôt l’apanage du long métrage.
En compétition au Festival de Clermont-Ferrand, le court métrage « Récits de chambre froide » (Opowieści z chłodni), écrit et réalisé par Grzegorz Jaroszuk, relate la naissance des sentiments chez deux individus complètement paumés, employés dans un supermarché où les réfrigérateurs ne servent pas seulement à garder les aliments au frais. Décrivant des situations grotesques, le cinéaste éclaire la dépression ambiante du monde du travail, animé d’une conscience épatante des cadrages et d’une ironie jubilatoire.
On effleure la beauté d’un film non seulement dans sa propension à offrir une vision transparente du monde mais également dans la valeur donnée à l’imaginaire des personnages, c’est-à-dire à la possibilité de voir figurer l’univers mental du protagoniste à l’écran. Dans le cas de “Noise” (littéralement “Le bruit”), un court-métrage inclassable mêlant les techniques du stop-motion, du dessin, et de l’incrustation virtuelle, il s’agit de laisser poindre visuellement les sensations d’un homme isolé dans une chambre.