Synopsis : Chloé et Louis s’aiment secrètement. Leurs gestes se substituent aux mots, chaque parole est une chorégraphie. Louis se décide enfin à inviter Chloé à dîner et accepte de la laisser entrer accompagnée de chatons, malgré son allergie. Le dîner va alors révéler ses côtés les plus sombres.
L’appel à courts-métrages pour la 2ème édition du Festival Ciné-Rebelle est lancé. Sont acceptés tous les types et tous les genres de films, d’une durée maximale de 15 minutes.
Organisé par les étudiants de l’université Paris X Nanterre, le festival projettera les films sélectionnés le vendredi 17 avril 2015 au cinéma Le Chaplin Denfert, à Paris.
Intéressés ? Envoyez vos films avant le 15 janvier 2015.
Fiche d’inscription et règlement à télécharger ici.
En novembre dernier, à l’issue du festival de Villeurbanne, Format Court décernait son premier Prix Format Court à Jean-Charles Mbotti Malolo pour son très beau film « Le Sens du toucher » projeté prochainement lors de la séance anniversaire de Format Court, le jeudi 8 janvier 2015 (en présence du réalisateur). Diplômé en 2007 de l’école Emile Cohl à Lyon, Jean-Charles Mbotti Malolo a beaucoup travaillé sur les séries et les longs-métrages, notamment pour le compte des studios Folimage et La Fabrique. Il est également danseur (on vous conseille d’aller voir son compte You Tube; rythme, battles et bon sons garantis). D’un court animé à l’autre, il n’y avait qu’un pas… de danse. Voici donc les précédents travaux de l’auteur du « Sens du toucher » aussi agile de ses mains que de ses pieds.
Le Cœur est un métronome
Le premier film connu de Jean-Charles Mbotti Malolo, « Le Coeur est un métronome » est son court de fin d’études d’Emile Cohl réalisé en 2007. En 4 minutes et quelques secondes, le film illustre la relation complexe entre un père et son fils. La palette graphique est teintée, mais la musicalité, la gestuelle, le rythme, les corps et l’absence de parole annoncent déjà « Le Sens du toucher », son premier film professionnel.
Dans ce court, élu Meilleur premier film au festival d’Hiroshima en 2008, après une énième dispute, le fils quitte le nid et le père perd l’appétit. Ils se retrouvent, sont dans l’incapacité de se parler, mais finissent par communiquer par le seul moyen possible, la danse (le hip-hop pour le fils, les claquettes pour le père). L’esquisse se forme, le chapeau vole, le père se retrouve à terre, le fils le ramasse. Les petits pas se créent, un en avant, trois en arrière et le parapluie s’attrape quand tombent les premières gouttes de pluie.
Fait avec des jolies gouaches, des pantalons un peu larges et un tempo qui colle à l’image, « Le Coeur est un métronome » montre les accords et désaccords père-fils sans beaucoup de sous-texte. Un peu trop court, un brin discret sur ses photos de début et de fin, le film révèle une ligne spontanée, un rythme étudié et des mouvements de danse, chers à Mbotti Malolo. On retient du film l’émotion saisie pendant 18 secondes (3’12’’- 3’30’’), interrompue par un éclat de tonnerre, la valse à la chemise et ce titre si poétique, marquant la pulsation des sentiments et de la musique.
Le Paon
Autre curiosité découverte sur le Net, « Le Paon » est un très, très court de 38 secondes seulement réalisé par Jean-Charles Mbotti Malolo en l’espace de 3 jours dans le cadre d’un marathon d’animation sur ipad, pour le Festival d’un jour à Valence (qui fête ses 20 ans cette année). Il a été conçu à partir d’une musique du compositeur Christophe Héral (« Chienne d’histoire » de Serge Avédikian, « La Queue de la Souris » de Benjamin Renner) et d’une application « L’atelier McLaren » (créé par l’ ONF, en lien avec le travail du Canadien Norman McLaren). Ce super film trop court (lui aussi) mêle rythme et émotion, cadre noir et couleurs chaudes, musique et rythme, humour et poésie, jeu de formes et perspectives avec toujours cette ligne aussi libre que l’oiseau qu’il croque. Cette fois-ci, on retient l’envol du volatile, la voix de ténor du paon illustré, le coeur de petits chanteurs à cheveux longs et ce final tout en pois rouges. Grâce à ce tout petit film, on sait enfin ce qui se cache sous les plumes de notre ami, le paon !
Dès ce mois-ci, Format Court entame sa sixième année au service du court métrage (bouchon !). Jeudi 8 janvier 2015, nous vous invitons à nous rejoindre dès 20h30 au Studio des Ursulines (Paris, 5ème) pour une nouvelle séance de courts placée sous le signe du lumineux, du poétique et du (sou)rire. À travers 5 films américains, canadiens, italiens, hongrois et français, vous découvrirez des propositions burlesques, audacieuses, mystiques et chorégraphiées.
Pour accompagner cette séance, les équipes de « Stella Maris » de Giacomo Abbruzzese et « Le Sens du toucher » de Jean-Charles Mbotti Malolo (Prix Format Court au Festival de Villeurbanne 2014) seront présentes. En guise de supers bonus, des croquis préparatoires du film « Le Sens du toucher » seront exposés à l’entrée des Ursulines et un verre offert ponctuera cette soirée anniversaire.
Programmation
Le Sens du toucher de Jean-Charles Mbotti Malolo (Animation, 14’31, 2014, France, Studio Folimage, La Fabrique, Nadasdy Film). Prix Format Court au Festival de Villeurbanne 2014, présélectionné pour le César 2015 du Meilleur Court Métrage d’Animation. En présence du réalisateur
Synopsis : Chloé et Louis sont sourds, mais ça ne les empêche pas de bien s’entendre. Ils s’aiment secrètement. Leurs gestes se substituent aux mots. Ils dansent, chaque parole est une chorégraphie. Seulement ils ne se connaissent pas encore complètement, et le dîner va révéler les côtés les plus sombres de Louis. Il a horreur de l’insouciance de Chloé, et par-dessus tout, de sa propre rigidité. Ce soir, il ne réussit pas à se détendre, il est allergique aux chats et Chloé en a apporté un.
Petit Frère de Rémi St-Michel (Fiction, 14′, 2014, Canada, Romance Polanski & Klaus Kinky). Sélections (2014) : Semaine de la Critique (Cannes), Festival du Nouveau Cinéma (Montréal), Festival de Cambridge
Synopsis : Antoine, jeune cas à problèmes de 14 ans, passe une journée avec son tuteur, Julien. Pour une dernière fois avant le départ de ce dernier pour la Russie, les deux “frères” déconnent dans les rues de la métropole.
Stella Maris de Giacomo Abbruzzese (Fiction, 26’34, 2014, Italie, France, La Luna Productions). Mention spéciale Format Court au Festival de Villeurbanne 2014. Sélections (2015) : Festivals d’Angers & de Clermont-Ferrand. En présence de l’équipe
Synopsis : Un village perdu au bord de la Méditerranée. A l’occasion d’une fête populaire, tous les habitants se rassemblent sur le bord de mer dans l’attente de l’arrivée par les eaux d’une statue illuminée : la Stella Maris, Vierge de la mer. L’histoire d’un artisan de la lumière et de sa fille, d’un maire borgne, de feux d’artifices, comme une bombe et du street-art comme révolution.
Symphony no. 42 de Réka Bucsi (Animation, Hongrie, 9’33, 2013, Moholy-Nagy University of Arts and Design).Shortlisté pour les Oscars 2015, sélections (2014-2015) : Festivals de Berlin, d’Annecy, de Sundance, de Clermont-Ferrand
Synopsis : Un récit qui présente, de façon originale, un univers subjectif en 47 scènes. Des événements de la vie quotidienne mettent en évidence la cohérence irrationnelle du monde qui nous entoure. Des situations surréalistes qui mettent en scène les humains et leur rapport à la nature.
His Wooden Wedding de Leo Mac Carey (Burlesque N&B, VOST, 19’38”, 1925, États-Unis, Hal Roach – Pathe Exchange)
Synopsis : Charley, riche play boy se marie un vendredi 13. Le témoin, un amoureux déçu de la mariée, lui fait passer un message anonyme lui annonçant que la femme qu’il épouse a une jambe de bois. Charley affolé décide de rompre et de partir oublier son chagrin sur un bateau.
En pratique
► Horaire : Jeudi 8 janvier 2015, à 20h30. Accueil : 20h ► Durée de la séance : 83’ ► Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris ► Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…) ► Entrée : 6,50 € ► Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com
Le Festival BD6Né est un festival entièrement consacré aux apports de la BD au Cinéma et à toute la richesse des échanges entre ces deux arts. La 3ème édition du Festival BD6Né se déroulera du 23 au 26 avril 2015 à Paris et en Région Parisienne et sera organisée conjointement par Collectif Prod et Broken.
Pour la compétition de courts métrages, le festival recherche des films français et internationaux, d’une durée maximale de 20 minutes (générique inclus), produits après le 31 décembre 2012, qui rendent compte d’un attachement ou d’une passerelle entre l’art cinématographique et la bande dessinée.
« Cette licorne (…) ; c’est le plus bel animal, le plus fier, le plus terrible et le plus doux qui orne la terre « . Voltaire – La princesse de Babylone (1768)
« Terrible et doux », c’est un peu ce qui pourrait caractériser le quatrième film de Alberto Vázquez, « Sangre de Unicornio », présent à Court Métrange cette année. Un peu à la manière de ses caricatures pour le quotidien espagnol El Pais ou dans ses films précédents, comme « Birdboy », on trouve beaucoup de rouge à l’image.
Il y a aussi un narrateur en espagnol à la voix exagérément grave et de la grosse musique rock Epic Metal du groupe non moins espagnol, Hongo. Le mythe de la licorne y est bel et bien terrible mais s’exprime par le biais de deux nounours, les véritables héros du film. Moffy, et son frère Gregorio ont tout de deux Bisounours, mais aussi une rivalité fraternelle digne de Caïn et Abel dans la Bible. Mais surtout, ils chassent les licornes.
La licorne est un symbole à la fois masculin et féminin, bienveillant et dangereux, proche et inaccessible, présent dans la Bible tout autant que chez les alchimistes, connu de l’Occident à l’Inde. Dans « U », le beau film animé par Serge Elissalde et Grégoire Solotareff de 2006 et dont le U sert à Unicorne, la licorne était un personnage attachant et proche.
Dans « Sangre de Unicornio », elle est insaisissable et devient, de ce fait le but d’une quête menée par les deux héros, en somme, un MacGuffin idéal. Au-delà de la cruauté du conte, on trouve, dans « Sangre de Unicornio », une confrontation du monde enfantin face à des problématiques d’adulte. Il est donc facile d’éprouver tour à tour de l’empathie ou du rejet pour les personnages alors qu’autour d’eux, tout un environnement se déploie, aussi enchanté que cauchemardesque. Alberto Vázquez nous dessine des fleurs en forme de cœur sans nous épargner leur couleur rouge sang. La variété graphique est impressionnante et le film convoque, ici et là, des éléments de « La Planète Sauvage » de René Laloux tout autant que des icônes chrétiennes du XVè siècle.
Outre son graphisme, le film présente une animation subtile. Comme chaque image est dessinée, les nuances sensibles du film se fabriquent en faisant varier la fluidité de l’animation. Quand il faut décrire une action, les images s’enchaînent très vite. Quand il faut évoquer un mythe ou un souvenir, l’animation se fige jusqu’à l’image par image, montrant parfois des illustrations ou des tableaux, comme dans une étonnante séquence centrale du film définissant le mot « douleur ».
Au final, « Sangre de Unicornio » fait penser à un carambolage entre « Bob l’éponge » et un film d’horreur espagnol d’Álex de la Iglesia, mais sa singularité se trouve dans l’ironie cruelle face aux mythes qu’il explore. Derrière un gout du discours martelé, asséné comme autant de coups de poing au visage du spectateur, se montre un réel amour pour le récit graphique. Outre son point de vue singulier donc, « Sangre de Unicornio » nous offre le luxe de placer sa maîtrise des images en avant de la cruauté de son discours. Le mélange est détonnant, le film efficace et marquant. À ne pas manquer.
Synopsis : Deux oursons partent chasser des licornes, leur proie de prédilection. Les licornes ont une chair tendre et un sang sucré au goût de myrtilles dont les oursons ont besoin pour rester beaux.
Genre : Animation
Durée : 8’37
Pays : Espagne
Année : 2013
Réalisation : Alberto Vázquez
Scénario : Pedro Rivero, Alberto Vázquez
Son : Víctor García
Musique : Víctor García – Hongo
Montage : Iván Miñambres
Production: Abrakam Studio
Interprétation : Lola Lorente, Borja Bas, Alberto Vasquez
La filmographie de Sébastien Betbeder voit alterner des formes courtes et longues. D’un côté, il y a des films comme La Vie lointaine et Sarah Adams, de l’autre, il y a Les Nuits avec Théodore et 2 Automnes 3 hivers.
Au Festival de Vendôme 2014, le réalisateur présentait son dernier film sélectionné en compétition nationale, Inupiluk, une comédie orchestrant la rencontre entre quatre garçons très différents, Thomas et Thomas, deux Français, et Adam et Ole, deux Groenlandais. Ce film de 34 minutes sortira en salles au début de l’année 2015; Sébastien Betbeder en prépare déjà la suite. Retour en quelques minutes sur la genèse de ce moyen-métrage ainsi que sur les thématiques et genres cinématographiques que Sébastien Betbeder aime aborder et croiser dans ses films.
Noël Joyeux ! Hier, nous avons publié notre Top 5 annuel des meilleurs courts métrages de l’année. Nous sommes curieux de connaître vos goûts et aimerions savoir si les films qui nous ont marqués cette année vous ont plu à vous aussi.
Et pour vous, quels sont les meilleurs courts de l’année, tous genres et nationalités confondus ? Vos commentaires sont les bienvenus en réponse à cette petite actu en forme de point d’interrogation.
Créé en mai 2012 par France Ô, en collaboration avec la Quinzaine des Réalisateurs et le Syndicat des Producteurs indépendants (SPI), le Prix Océans du Court-Métrage donne l’opportunité à des réalisateurs de monter un projet de court-métrage, ayant pour cadre l’Outre-mer. Présidé par Lucien Jean-Baptiste, ce prix récompense un scénario de langue française ayant une thématique ultramarine.
Vous rêvez d’écrire l’outremer, de la filmer, de la montrer ? Participez à cette 3ème édition !
Envoyez vos projets aux couleurs des outremers avant le 31 décembre 2014 par mail à courtsocéans@francetv.fr . Un jury de professionnels sélectionnera le meilleur scénario qui se verra récompensé d’un financement de 30 000 euros pour réaliser son court-métrage. Le film lauréat sera diffusé lors de la soirée de clôture de La Quinzaine des réalisateurs 2016.
Pour la cinquième année consécutive, nous vous proposons notre Top 5 des meilleurs courts métrages de l’année, à l’instar des autres revues et sites web dédiés au cinéma. Voici les films de l’année qui ont marqué l’équipe de Format Court.
1. Habana de Edouard Salier, France
2. To taste the ground de Shannon Harris, Canada
3. The Weatherman and the Shadowboxer de Randall Lloyd Okita, Canada
4. Cambodia 2099 de Davy Chou, France
5. Le Sens du toucher de Jean-Charles Mbotti Malolo, France
Mathieu Lericq
1. Hillbrow de Nicolas Boone, France
2. Art de Adrian Sitaru, Roumanie
3. Fragmenty de Aga Woszczyńska, Pologne
4. The Weatherman and the Shadowboxer de Randall Lloyd Okita, Canada
5. Aïssa de Clément Tréhin-Lalanne, France
1. One part seven de Reynold Reynolds, Etats-Unis, Italie
2. Notre Dame des hormones de Bertrand Mandico, France
3. Planet ∑ de Momoko Seto, France
4. Habana de Edouard Salier, France
5. Si jamais nous devons disparaître ce sera sans inquiétude et en combattant jusqu’à la fin de Jean-Gabriel Périot, France
Documentaire, 3’14’’, 2013, Grande-Bretagne, HSI London
Synopsis : Voyageant 400 km au-dessus du cercle polaire au village Karigasniemi à Utsjoki en Finlande, la cinéaste Eva Weber montre l’élevage de rennes qui a été le gagne-pain des autochtones Samí de l’Arctique durant d’innombrables générations.
À l’approche des fêtes, certains auront certainement envie de retomber en enfance et de croire de nouveau au Père Noël. Dans ce sens, le court, très court documentaire d’Eva Weber, présenté au Festival de Sundance en 2013, nous offre un peu de cette magie de Noël.
En effet, il est question ici d’un regard sur les éleveurs de rennes en Laponie, sans aucune parole, juste pour nous laisser profiter de la beauté et de la majesté de ces bêtes. La réalisatrice britannique réussit à nous transporter en trois minutes seulement au cœur d’une tradition finlandaise ancestrale. On est emporté par son image sublime qui capte jusqu’aux flocons de neige, par ses cadres très maîtrisés permettant de se placer au plus près des animaux et par un travail sur le son rendant palpables le brame et le pas des rennes. Et puis, il y a ce plan final où l’on aime à imaginer que le fameux Père Noël s’éloigne avec l’un de ses rennes pour poursuivre ce voyage hors du temps.
Courant 2015, la petite ville de Vendôme accueillera pour la première fois une résidence d’animation. La dernière édition de son festival du film était justement placée sous le signe de l’animation, représentée par 6 courts-métrages en compétition nationale, un programme parallèle spécial et une exposition interactive sur ses différentes étapes et techniques de fabrication. Beach Flags, court-métrage de Sarah Saïdan, en compétition officielle, fait partie ce ces représentants de l’animation française.
Le film prend place parmi des sauveteuses en mer iraniennes … qui n’ont pas le droit de se montrer en maillot de bain. Etrange paradoxe. Elles passent donc le plus clair de leur temps à s’entraîner pour une compétition de beach flags : une course dans le sable où il faut être la première à attraper un drapeau pour gagner. Cette épreuve, pouvant être faite entièrement vêtue, est la seule à laquelle ces sauveteuses peuvent participer.
Le récit, tel une fable, conte l’histoire de Vida, la favorite du groupe avant l’arrivée de Sareh, bien meilleure coureuse qu’elle. Une concurrence effrénée s’installe entre les deux jeunes filles, entraînant ainsi la médisance des autres.
La singularité de ce court-métrage se retrouve principalement dans les séquences de rêves. La vie de Vida est ponctuée de cauchemars dans lesquels ses combats quotidiens sont symbolisés par des noyades. Les couleurs sombres et l’animation énergique de ces séquences rend compte de l’angoisse qu’elle ressent face à son quotidien.
Beach Flags n’est pas sans rappeler Persepolis, le long-métrage d’animation de Vincent Paronnaud et Marjane Satrapi, adapté de la propre bande dessinée éponyme de cette dernière. Les deux films sont réalisés en 2D traditionnelle, ont des traits relativement proches et tracent des portraits de femmes iraniennes, opprimées par leur société. Cependant, à la grande différence de Persepolis, Beach Flags est coloré. L’utilisation d’aplats de couleurs pour les personnages et de décors peints à la gouache fortement diluée transporte le spectateur dans un monde enfantin, renforçant l’idée de conte.
Sarah Saïdan, fraîchement diplômée de la Poudrière, réalise ici un premier film abouti, qui témoigne de la condition de la femme en Iran, son pays d’origine, et des échappatoires que certaines peuvent y trouver. Dans son film, Sareh, bientôt mariée de force, pourrait retrouver sa liberté si elle gagnait la course, seulement c’est sa rivale Vida qui détient la clé de son avenir. Quelque peu manichéen, le film de Sarah Saïdan se clôt comme un conte où le sacrifice et la solidarité gagnent face à l’ambition égoïste de la victoire et aux considérations liberticides d’un Etat totalitaire.
Synopsis : Vida est une jeune nageuse sauveteuse iranienne. Favorite dans son équipe, elle est décidée à se battre pour décrocher une place dans une compétition internationale en Australie. Mais, avec l’arrivée de Sareh, aussi rapide et talentueuse qu’elle, elle va être confrontée à une situation inattendue.
Plusieurs festivals de courts-métrages choisissent une ligne éditoriale pour déterminer leurs critères de sélection. Ainsi, le festival Premiers Plans (Angers) met en avant les premiers films (courts et longs-métrages) dans sa compétition, tendis que d’autres festivals font la part belle aux films LGBT (Chéris Chéris) ou aux films de femmes (Créteil). La spécificité du festival de Vendôme consiste à mettre en avant dans sa compétition de films courts des œuvres soutenues financièrement par une région. L’occasion de poser la question épineuse du territoire et de la manière dont les cinéastes français présents cette année en compétition s’approprient (ou non) les espaces qu’ils investissent.
Recevoir l’aide d’une région implique la plupart du temps pour les cinéastes bénéficiaires de localiser le tournage de leur film dans la région qui leur apporte un soutien, généralement en province donc. À partir de ce moment là, on peut se demander ce qui motive les réalisateurs, si ces lieux et donc ces «décors imposés» stimulent leurs imaginaires. Ce n’est pas un hasard si de nombreux films en compétition à Vendôme cette année prenaient pour cadre principal de leurs récits des zones périphériques, situées à l’extérieur des grandes villes et propices aux errements, à la vacance de personnages en pleine transition. Mais est-il possible de filmer ces états sans faire dialoguer les corps et les lieux, sans faire exister ces espaces ?
« Ce monde ancien » de Idir Serghine place son trio de jeunes adultes en jachère dans une zone commerciale périurbaine, et conte le long de ses trente minutes les errements de ses personnages «normaux», héros ordinaires ou anti-héros inoffensifs. Si l’on peut saluer le parti pris du jeune cinéaste de ne jamais sacrifier la ténuité de son récit de départ à un quelconque spectaculaire, on ne peut qu’être désolé de constater que le film ne cultive en retour rien de plus qu’une vision générique de ses personnages et de ses lieux. Ces jeunes adultes «un peu» paumés, qui se draguent «un peu», rêvent «un peu» (les States comme horizon lointain, pas très original) mais n’agissent pas beaucoup, nous les avons trop vus. Et les acteurs du film, malgré toute la sympathie qu’ils inspirent, se retrouvent aussi peu investis que leurs personnages face au peu de marge que leur laisse le programme du film. Ils sont posés dans le cadre et renvoient une image que nous connaissons déjà, comme les centres commerciaux, fast-food et autres parkings qu’ils arpentent. Des personnages un peu tristes dans des décors un peu tristes, en somme.
Dans un autre registre, Morgan Simon ne tire pas grand-chose de plus des espaces qu’il investit dans son dernier opus, « Essaie de mourir jeune ». Ici, les retrouvailles entre un père et un fils sont contées le temps d’une nuit, où l’on suit leur pérégrination à travers une ville inconnue. Tout ici semble propice à faire disparaître le décor : l’action se déroule de nuit, les valeurs de plans sont exclusivement resserrées sur les visages des comédiens et la caméra portée bringuebalante empêchent les personnages et par extension le spectateur de construire leur rapport à l’espace, d’appréhender la géographie d’une ville (ce qui pose problème quand l’évolution du récit tient dans le trajet physique des personnages). On pourrait rétorquer qu’il s’agit d’un «film d’acteurs», que le cinéaste a choisi de coller aux basques de ses protagonistes pour ne s’attacher qu’aux affects et aux tensions naissantes entre eux. Soit, mais il faudrait alors revenir sur le déséquilibre problématique entre les énergies des deux acteurs principaux, l’un trop mou (Julien Krug) et l’autre en surrégime permanent (Nathan Wilcox). Il devient alors difficile de ressentir la montée d’une tension, d’un désir commun qui porterait ces deux personnages, enjeu principal du film qui trouvera son aboutissement dans une improbable scène de triolisme aussi grotesque qu’inconfortable.
Faire disparaître le décor (« Essaie de mourir jeune ») ou n’en rien raconter d’original (« Ce monde ancien »), tel est le ressenti à la vision de ces deux films. Heureusement, d’autres réalisateurs présents à Vendôme ont creusé, se sont appropriés des lieux génériques et ont tenté d’en tirer autre chose. Nous avions déjà évoqué dans de précédents articles des films tels que « Tant qu’il nous reste des fusils à pompes » de Jonathan Vinel et Caroline Poggi, « Peine Perdue » de Arthur Harari ou encore le « Géronimo » de Frédéric Bayer-Azem, qui élargissent leurs cadres et les ouvrent sur la nature et les grands espaces pour trouver du répondant à des récits plus chargés en colère et en mélancolie.
Deux autres films en compétition ont retenu notre attention pour les mêmes raisons. D’abord, « Les Éclaireurs » de Benjamin Nuel, une étonnante comédie qui situe son action sur le même territoire que le film d’Idir Serghine. On retrouve la zone périurbaine ainsi qu’un trio de jeunes adultes (encore deux hommes et une femme, décidément !) un peu paumés. Seulement, on découvre au fil du récit que ces trois personnages ont constitué dans leur prime jeunesse une bande de supers enquêteurs à la «Scooby-Doo», mascotte canine et ennemis masqués à l’appui. La trivialité du décor choisi pour leurs retrouvailles (un restaurant chinois bon marché) apporte ici un contraste bienvenu avec la dinguerie du postulat et charge le film d’une mélancolie discrète, les couleurs chaudes venant nimber les personnages et offrir un écrin propice aux réminiscences. Nuel fait preuve d’une sensibilité et d’une intuition surprenante en n’exploitant aucunement la dimension possiblement parodique ou spectaculaire de son postulat de départ pour générer du comique et en s’en remettant essentiellement au jeu de ses interprètes, tous superbement accordés. Une réussite et la découverte d’un auteur à suivre.
De son coté, Jean-Sébastien Chauvin livre avec son nouvel opus « Les Enfants » une œuvre dans la droite lignée de ses précédents travaux (« Les filles de feu », « Et ils gravirent la montagne »). Ici, le film conte la fuite d’une mère et de ses deux enfants, amenés à quitter le cocon familial sinistré par la présence d’un monstre enfermé dans leur grenier. Une fois dehors, la découverte d’un monde post-apocalyptique (cadavres, fumerolles inquiétantes et routes désolées) pousse le trio à fuir en direction de la forêt. Chauvin retrouve alors les décors naturels qui l’inspire tant, où les immensités luxuriantes se font tantôt le berceau d’une innocence perdue tantôt le détenteur de forces secrètes et mystérieuses. Une fois encore, c’est en se perdant à travers les dédales de verdures que ces personnages partent en quête de leur lumière intérieure, matérialisée ici par l’apparition d’un petit vaisseau spatial en forme d’œuf lumineux. Placer sa croyance dans l’imaginaire, le fantastique, est une démarche si rare dans la production de courts-métrages français qu’il faut saluer ce geste fort, si confiant dans la simplicité et la maîtrise de ses outils. Chauvin, en redonnant à ces décors de Bretagne leur dimension féerique, parvient à les transcender pour les amener vers un horizon nouveau.
Pour conclure, c’est peut-être en quittant la France que les réalisateurs français livrent les films les plus inspirés. Le jury officiel a remis le Grand Prix de la compétition au très beau « Cambodia 2099 » de Davy Chou, cinéaste qui a transformé un film de vacance tourné au Cambodge en œuvre intimiste et mélancolique glissant habilement vers la science-fiction. Et le jury Format Court, en récompensant le documentaire « Tourisme International » de Marie Voignier, a témoigné de son intérêt pour l’exploration par une jeune réalisatrice d’un pays inconnu au travers d’un dispositif savant et éminemment cinématographique. Il existe encore bien des territoires à explorer, au prix seulement d’un billet d’avion ou d’un peu d’imagination.
Lors du festival de Cannes 2011, Format Court s’était entretenu avec Serge Bromberg, de Lobster Films, après la projection exceptionnelle de la version restaurée, colorisée et musicale du « Voyage dans la lune », le chef d’œuvre de Georges Méliès. À l’occasion des 20 ans des séances Retour de flamme, fêtés au Balzac jusqu’au 16 décembre, nous revenons sur l’histoire et la sauvegarde de ce film, édité en DVD.
Très tôt, Georges Méliès, l’inventeur des effets spéciaux, des fééries, des trucages, de la prestidigitation et du spectacle au cinéma, a combiné magie et cinéma, imaginaire et merveilleux, apparitions et disparitions dans ses films. Premier succès mondial du cinéma, « Le Voyage dans la lune » (1902) raconte en 15 minutes un épisode fantasmé de la conquête de l’espace bien avant qu’un Américain ne pose le pied sur l’astre lunaire.
Peut-être avez-vous vu ce film muet, en noir et blanc, ultra connu pour son plan emblématique d’obus percutant de façon accidentelle l’oeil de la lune. Si ce titre et l’univers de Méliès vous intéresse, sachez dans ce cas qu’une version couleur du même film a fait son apparition à la fin des années 90 dans un bien fâcheux état et que sa sauvegarde relève du miracle. Cette épopée, Serge Bromberg et Eric Lange, les fondateurs de Lobster Films, nous la relatent justement dans un des multiples bonus de ce DVD, un documentaire intitulé « Le Voyage extraordinaire ».
La face cachée du film, la voici. En 1999, Anton Jimenez de la Cinémathèque de Barcelone se rend chez Lobster pour retrouver des films de Segundo de Chomón, un réalisateur catalan spécialisé dans les films à trucs, dont un film très similaire au « Voyage dans la lune » nommé « Excursion dans la lune » (1908), également présent dans ce DVD. Dans la conversation, il révèle à ses interlocuteurs qu’il dispose d’une copie en couleurs du « Voyage », longtemps considérée comme perdue, en état de décomposition avancé. Eric Lange et Serge Bromberg récupèrent la copie, l’image comporte bon nombre d’impuretés mais est effectivement en couleurs ! Image par image, le film sera photographié et numérisé avec beaucoup de patience. Différents laboratoires seront approchés, sans succès, pour sauver le film, jusqu’à ce que les Américains (Technicolor Creative Services, sous la personne de Tom Burton) réussissent à mener à bien la résurrection du film et à réparer les dégâts du temps, en faisant jouer les moyens modernes et technologiques, à savoir les pixels et les palettes graphiques. Les outils numériques permettront ainsi de rassembler les fragments des 13.375 images du film et de les restaurer. Quant aux images manquantes, perdues ou trop dégradées, elles seront récupérées de la version noir et blanc du film puis coloriées.
La copie d’origine est muette, mais pour compléter ce lifting, un autre projet naît à cette période : celui de transmettre le film à une jeune génération qui ne connaît ni Méliès ni son film et d’accompagner le film d’une musique originale. Le groupe Air, ayant déjà signé des B.O. de musiques de film, la composera, avec comme particularité celle d’écrire une partition continue, puisque le film de Méliès ne comporte aucun dialogues.
109 ans après sa création, « Le Voyage dans la lune » s’offre donc une restauration de premier plan et la créativité d’un groupe français reconnu. Face à de tels changements, certaines personnes s’enthousiasment quand d’autres s’offusquent. Après la projection du film à Cannes, les uns vibraient encore tandis que les autres prenaient à partie Serge Bromberg, ne reconnaissant que la copie originale, avec ses imperfections liées au temps. Seulement, pour le collectionneur, une copie ne prime pas sur l’autre, comme l’atteste la présence sur ce DVD de versions supplémentaires du même film. « Le voyage dans la lune », en noir et blanc, se décline en effet en plusieurs options : muet, versions orchestre et boniments, orchestre seul ou piano seul. D’autres bonus complètent enfin ce DVD : les entretiens avec Air et des auteurs influencés par Méliès (Michel Hazavinicius, Michel Gondry, Costa-Gavras, Jean-Pierre Jeunet), mais aussi deux films de Méliès, plus rudimentaires, et tournant aussi autour de l’astre phare : « Eclipse de soleil en pleine lune » (1907) et « La lune à un mètre » (1908). Pour compléter ces bonus, « Le Voyage extraordinaire » propose aussi de nombreux extraits de films de Méliès et des documents d’époque, dont un émouvant enregistrement de la voix du père du spectacle cinématographique parlant de sa découverte inopinée du trucage.
À l’occasion du Jour le plus Court, visionnez en exclusivité deux films du dernier Festival de Cannes, « Leidi » de Simón Mesa Soto, la Palme d’or du court métrage et « Lievito Madre » de Fulvio Risoleao, 3ème Prix ex aequo de la Cinéfondation en 2014.
Leidi de Simón Mesa Soto (Fiction, 15′, Colombie, Royaume-Uni, 2014, The London Film School). Palme d’or du court métrage 2014
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Synopsis : Leidi vit avec sa mère et son bébé. Son fiancé, Alexis, n’est pas réapparu depuis quelques jours. Ce matin là, après avoir lavé son bébé, elle part acheter des plantains. Dehors, on lui dit qu’on a vu Alexis avec une autre fille. Elle ne rentrera pas à la maison tant qu’elle ne l’aura pas retrouvé.
Lievito Madre » de Fulvio Risoleao (Fiction, 17′, 2014, Italie, Centro Sperimentale di Cinematografia). 3ème Prix ex aequo de la Cinéfondation en 2014
Synopsis : Lui, elle et l’autre : le triangle classique. Mais qu’est-ce qui se passe quand l’autre n’est pas un être humain? Ou plutôt s’il est fait de farine, d’eau et de miel ?
Depuis quelques années, le court-métrage Disney est, avec celui de Pixar, une véritable star. Au Festival d’Annecy par exemple, il a souvent droit à une présentation très complète, souvent plus longue que le long-métrage auquel il est attaché.
Cette année, le court-métrage « Feast » (littéralement “Festin”), première réalisation de Patrick Osborne, montrait, en 3D et en relief, une quantité affolante de nourriture ingurgitée par un chien. L’intérêt serait plutôt limité si on ne précisait pas les deux originalités du film. En premier lieu, une belle fibre poétique se dégage de la description des histoires de cœur d’un maître, vues depuis le point de vue de son chien.
Il y a aussi dans ce court de Disney un style unique, utilisant la 3D mais cherchant aussi à capturer le trait crayonné. Le type d’image, hybride au final, ne laisse pas l’oeil tranquille. Jeff Turley, le directeur artistique à l’origine de ces images n’en est pas à son coup d’essai puisqu’il avait déjà signé celles de l’oscarisé « Paperman », à l’esthétique en noir et blanc très dessinée. Pour « Feast », on retrouve également la productrice Kristina Reed, elle aussi déjà présente sur « Paperman ». Petite discussion avec ces deux figures importantes du court-métrage chez Disney, ainsi qu’avec un nouveau venu, le réalisateur de « Feast », Patrick Osborne.
Ayant commencé dans les effets spéciaux, comment avez-vous décidé de vous tourner vers un cinéma aussi graphique que celui de « Paperman » et de « Feast » ?
Patrick Osborne : Quand vous travaillez dans les effets spéciaux, il y a un moment où vous réalisez que vos images sont conçues autour des acteurs et leur performance vous semble d’autant plus intéressante. Quand je suis arrivé chez Disney pour « Volt », ça m’a donné l’opportunité d’être acteur. En fait, quand on est animateur, il faut incarner les personnages pour chercher leurs mouvements et c’est vraiment une étape amusante. En effets spéciaux, il y a pas mal de belles choses, mais ça se réduit souvent à une sorte de mécanique. Il s’agit de rendre réaliste l’environnement autour des acteurs. Or, je me suis rendu compte que c’était plus intéressant de jouer. J’ai eu envie d’être celui qui fait l’action, au moins en tant qu’animateur, et pas seulement celui qui contribue au réalisme du plan.
C’est ce que fait Disney en un sens : transporter le spectateur dans un univers où tout devient une performance d’acteur. Il y a donc de longs plans muets où seule l’expressivité du personnage compte. J’aime beaucoup ça et c’est cette tendance actuelle avec leurs derniers longs métrages (« Volt », « Raiponce », « La Reine des neiges ») et aussi leurs courts (« Paperman ») qui m’a donné envie de développer mon propre projet de court-métrage. D’ailleurs, quand j’ai eu l’opportunité de faire un court-métrage, tous mes scénarios avaient des dialogues. Je trouve que c’est la partie la plus intéressante à écrire.
Du coup, pourquoi avez-vous choisi d’incarner un chien, celui de votre enfance qui plus est ?
P. O. : J’ai eu des chiens pendant toute mon enfance, mais ils ne ressemblaient pas à ceux du film. Ils étaient plus beaux, mais il y a trop de beaux chiens dans l’animation. C’est un écueil facile, surtout chez Disney, le « beau cabot de studio ». On voulait aussi travailler à partir d’un graphisme plat, donc il nous est venu l’idée d’un chien ayant un pelage à motifs permettant de mieux repérer ses mouvements par rapport au décor. Aussi, les chiens ont un rapport à la nourriture qui est très direct et je voulais raconter une histoire liant la nourriture et d’autres sujets plus larges comme la famille ou l’amour ; le chien m’est alors apparu comme ce lien.
J’imagine que la sentimentalité du film touchera sûrement davantage les parents. Mais j’ai tenu à ce qu les enfants puissent suivre le film, même s’ils ne comprennent pas tous les concepts attachés à ce qu’ils n’ont pas encore vécu.
Est-ce plus simple de travailler sur un court-métrage que sur un long chez Disney ? Êtes-vous plus libre ?
Kristina Reed : Il faut s’insérer au milieu de productions bien plus grosses. Il y a déjà « de plus gros bateaux qui occupent le canal », des longs métrages. Mon travail consiste donc à recruter les bonnes personnes, à exploiter les ressources techniques dans les moments de creux, à trouver des arrangements commerciaux.
Jeff Turley : En tant que chef déco, je sais qu’on réajuste même certains aspects visuels du film en fonction des personnes qu’on arrive à avoir réellement et certains talents inattendus orientent le résultat final de manière imprévue. Toute la question est donc d’orienter ces changements par rapport à l’idée de départ pour que le film conserve sa cohérence.
Au vu de ce genre de difficultés, je pense pour ma part et pour répondre à votre question, que le court-métrage est plus difficile. Il y a énormément d’intervenants, tous très différents. Malgré cela, il faut organiser une production en miniature. C’est une difficulté supplémentaire.
K.R. : Cependant, il y a désormais, et depuis quelques années, un début de tradition autour de la « petite perle » en court-métrage. Nos productions en forme courte sont désormais bien plus respectées et considérées qu’avant au sein de chez Disney. Elles sont vues comme des sources d’inspiration autant artistique que technique. C’est donc plus simple aujourd’hui de produire. Disney fait des courts-métrages depuis ses tout débuts mais il y a une nouvelle énergie dans le studio autour du court-métrage. C’est en partie depuis « Paperman », (NDR : Oscar du meilleur court-métrage d’animation 2013) que Disney a mieux compris ce que le court pouvait apporter au studio : un lieu d’innovation, mais aussi, un moment de remise en question de la narration. C’est devenu plus simple à produire pour ces raisons-là. Il y a même désormais, en interne, des programmes plus formels, ce qui est encore mieux.
Pouvez-vous nous en parler ?
K. R. : Il y a un programme chez Disney que nous appelons « Spark » (« L’étincelle »), où chacun peut proposer un projet. On vous donne un mois pour développer ce que vous souhaitez. La seule contrainte est de ne pas être engagé sur une autre production pendant ce temps-là. Patrick a donc engagé Jeff et quelques autres animateurs sur son projet, « Pet ».
P. O. : C’est un exercice pour faire la bande-annonce d’un faux film qui n’existera jamais. C’est donc surtout une recherche visuelle, plus encore qu’un film. C’est ainsi que j’ai rencontré Jeff. Nous sommes devenus très proches et c’est rare dans une structure aussi grande, avec près de 700 personnes. On s’est dit qu’on pourrait se passer du reste d’une équipe classique pour un moment. En travaillant au même endroit, on s’est rendu compte qu’on tentait de « détruire » un peu les outils qu’on avait. On luttait contre l’image numérique tout en l’utilisant pour en faire ce qu’on voulait.
Le film qui résulte de « Spark » reste-t-il au sein de Disney ? Vous ne faites jamais de partenariats avec d’autres studios lors de ces programmes ?
P. O. : Le film reste effectivement en interne chez Disney. Le programme est destiné aux artistes maison, il leur permet de travailler leurs idées qu’ils doivent apprendre à pitcher. Cela ne concerne pas seulement les artistes. Une telle production implique également des techniciens. C’est en fait une belle opportunité de se rencontrer pour tous ceux qui travaillent dans le studio et c’est vraiment une belle idée.
Qu’avez-vous conservé de l’exercice « Pets » et du programme « Spark » que vous avez aimé retravailler sur « Feast » ?
J. T. : Il y a beaucoup d’éléments notamment graphiques. Il y a aussi cette idée d’utiliser les outils informatiques pour d’autres buts que ce pour quoi ils ont été conçus. Patrick voulait vraiment mettre le développement graphique original de son histoire en avant et on a tenté de rester fidèle à ce principe. D’autres films le font, mais ici, le développement graphique devient l’inspiration première du film, ce qui est assez rare. C’est une idée qui vient de « Pets ».
P. O. : On a aussi utilisé des idées issues de la mode et du type de photographie moderne qu’elle produit. On a fait venir un photographe spécialisé en publicité alimentaire qui nous a expliqué quelle lumière rendait la nourriture appétissante. La principale idée graphique que je souhaitais utiliser est que la lumière sculpte les objets mais influence aussi les sentiments liés à ces objets.
Une autre inspiration extérieure nous est venue d’un travail qu’on a fait sur les split-screen, qu’on a répertorié dans les films, avec ou sans musique. Par exemple, on est arrivé à la conclusion que sans musique, on trouvait que le personnage était mieux mis en valeur.
K. R. : Pour revenir à l’aspect visuel du film il faut se rendre compte que les outils utilisés pour « Feast » sont les mêmes que ceux utilisés pour « Big Hero 6 », le long-métrage qu’il accompagne. L’aspect visuel est complètement différent d’un film à l’autre, voire radicalement opposé. « Big hero 6 » est un film très lisse où le trait est invisible. L’univers visuel de « Feast » est bien plus rugueux. L’association des deux fonctionne d’autant mieux par contraste. Ce n’est pas une question d’outils mais une question d’artistes.
Comment avez vous choisi de faire chaque coupe du film en flou au début de chaque plan ? Etait-ce pour donner une réelle consistance au temps qui passe dans « Feast » dont l’histoire se déroule sur plusieurs années ?
P. O. : Il y a l’idée du passage du temps, c’est vrai, mais aussi le fait que le chien parcourt des lieux différents. Je me suis alors rendu compte que ça allait trop vite pour le spectateur qui doit bouger ses yeux trop rapidement et manque la performance d’acteur que je voulait justement mettre en avant.
Pour donner l’impression que cette performance est saisie en une fois, nous avons eu un seul animateur pour animer toute cette longue séquence. Il a donc choisi de lier les arrière-plans afin d’aider le spectateur à suivre l’action. Ça prendrait trop de temps sinon, pour qu’à chaque décor, le spectateur s’y retrouve sans perdre de vue le personnage principal. Chaque décor remettant à zéro les possibles, on a préféré une transition douce qui, à nouveau, va dans le sens d’une seule performance d’acteur pour le chien, le personnage que l’on suit en premier dans le film. On insiste ainsi également visuellement sur la gradation, car dans cette première séquence, le chien apprécie la nourriture de plus en plus.
K. R.: Au niveau pratique, le court-métrage dure 6 minutes pour 60 plans. La plupart des plans durent 3 à 4 secondes. C’était donc un souci constant de ne pas perdre le spectateur.
Comment avez-vous travaillé le soundesign ?
K. R. : On a utilisé la musique au début du film, comme tout les autres outils, pour indiquer le temps qui passe. Il y a une chanson des années 1990, une mélodie bien différente plus tard et l’idée est de colorer chaque scène d’une atmosphère qui lui est propre. L’idée est d’amener le spectateur à regrouper les éléments de l’histoire lui-même. Normalement, surtout chez Disney, la musique indique quoi penser, mais ici, elle incite le spectateur à penser par lui-même.
Comment définiriez-vous dans votre travail la limite entre le style et la description de la réalité?
J. T. : C’est vraiment une question compliquée. Quand nous travaillions sur « Paperman », John Lassetter (NDR : Fondateur de Pixar, réalisateur de « Toy Story » et actuel directeur de Walt Disney Animation Studios) a dit quelque chose qui m’a marqué : « Quand le style vient se mettre entre l’histoire et le spectateur, il devient superflu. » Il arrive que le style fasse obstacle à ce que vous essayez de dire, qu’il se suffise à lui-même. Cela arrive quand vous saisissez mal les contours de votre histoire. C’est là qu’il faut faire le choix douloureux de lier votre style à votre histoire. Et on arrive, du coup, à des réflexions comme : « Cette texture ne fonctionnera pas pour la scène ». Il faut donc ne garder que les éléments de style utiles à ce que vous avez à dire.
Patrick et Josh (le responsable effets visuels) me disent souvent que je vais trop loin. Je leur fais confiance, Kristina est aussi un bon garde-fou. À vrai dire, cette question n’a pas de réponse individuelle mais c’est un questionnement collectif permanent pour trouver ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.
Après la Quinzaine des Réalisateurs en mai dernier et avant le Festival de Clermont-Ferrand début 2015, « 8 balles », était ces jours-ci en compétition officielle au Festival du Film de Vendôme. Il s’agit du dernier court-métrage d’animation de Frank Ternier.
Gabriel a 36 ans, exilé pour affaires il vit à Taïwan, dans la petite ville de Taipei. Depuis six mois exactement, il est obnubilé par une odeur de poisson frit qu’il traque sans répit. Cette odeur appartient a un homme que le protagoniste connait bien, puisque celui-ci l’a agressé, le laissant pourvu d’un trou de 45 millimètres dans le crâne, et a tué des membres de sa famille. Nous suivons notre héros dans une chasse à l’odeur, chasse à l’homme surtout, bien décidé à cicatriser une douleur psychique et organique qui le ronge.
L’espace narratif se pose sous la forme d’un récit radiophonique. L’homme se raconte au présent, tandis qu’un duo de voix-off (une femme et un homme) narre l’action et cristallise l’état interne obsessif du personnage, sous forme d’auto-interrogations, de doutes sans fin et de répétition de mots.
À cette pluralité narrative, s’ajoute la petite fille de Gabriel. Âgée de 8 ans, elle est le troisième personnage du film, ou second selon les interprétations, et est un témoin rapporteur de la déresponsabilisation progressive du père. Ayant perdu tout forme de raison, celui-ci atteint un point de non retour qui n’est pas sans concessions sur sa vie réelle : au contact de l’effluve, il finit par laisser sa fille seule faire le chemin de l’école, négligeant même, et ce non sans une grande culpabilité, d’aller la chercher.
Le processus de quête prend forme mais les réponses post-traumatiques submergent Gabriel de flash-back intrusifs desquelles émanent une intense sauvagerie. Arrivera t-il une fois pour toute à mettre un terme à tout ce fiasco ? Rien n’est moins sûr…
À l’initiative du collectif « Idéal Crash » avec qui il a réalisé ce film, Frank Ternier développe un huis-clos atemporel dans un univers graphique où se confondent les techniques d’animation et d’arts plastiques telles que le dessin, la peinture, l’encre de chine, la vidéo, la 3D ou encore le collage. La bande originale, composée par Fréderic Duzan, aussi connu sous le nom de Zed, progresse entre musique ambient et électro-acoustique, développant avec éloquence une atmosphère subversive et oppressante.
Si pour certains, le scénario pourra avoir des airs de déjà-vu et un côté trop simpliste, d’autres trouveront qu’avec ce court-métrage, Frank Ternier développe un drame sans traitement homérique, davantage porté sur les aspects réalistes d’une expérience de traumatisme, en y subordonnant les thèmes du deuil et de la vengeance. Aussi photographe, motion designer et graphiste, il met à l’honneur les pratiques « cross-over », l’occasion d’innover, sans cesse, la notion même de créativité. Résolument contemporain et esthétique, sans jamais être trop lisse, l’univers du vidéaste, a ce petit quelque chose d’aventureux et d’émancipé qui valorise les ambitions libertaires du cinéma d’animation.
Ce vendredi 19/12, à l’occasion du Jour le plus court, le magazine en ligne Format Court, spécialisé dans le court métrage, vous invite à découvrir 100 ans de cinéma (1916-2014) à travers 8 films éclectiques & incontournables (« L’Amour existe » de Maurice Pialat, « Balloonland » de Ub Iwerks, « Eût-elle été criminelle » et « 200 000 fantômes » de Jean-Gabriel Périot, …).
La séance Format Court aura lieu, comme d’habitude, au Studio des Ursulines (Paris, 5e), à 20h30 et sera suivie d’une rencontre avec l’équipe de « Journée d’appel » de Basile Doganis, en sélection au Festival de Clermont-Ferrand 2015). Venez rencontrer à cette occasion Basile Doganis (réalisateur), Mohamed Ghanem (comédien), Judith Chalier (directrice de casting) et Virginie Cheval (scripte).