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Skip Day d’Ivete Lucas et Patrick Bresnan

Des engins agricoles s’éveillent dans l’aube humide sur la rive du lac Okeechobee. Dès les premiers plans de Skip Day, le dernier film d’Ivete Lucas et Patrick Bresnan, on retrouve l’environnement cher aux réalisateurs : celui de la Floride rurale. Une terre de cheminées fumantes, de silhouettes mécaniques et de champs de canne à sucre à perte de vue. Une nature aménagée pour les besoins de l’agriculture industrielle très éloignée des clichés de Miami que véhiculent les séries télévisées. Pourtant, c’est bien dans le district de Palm Beach que se déroule leur nouveau court-métrage.

Il est 7 h du matin dans la petite ville de Pahokee. Le ciel est bleu et l’école presque finie. Les jeunes enfants attendent le bus de ramassage scolaire. Sur le bord de la route, un homme passe le rotoculteur. Un autre, 20 ans à peine, en jogging gris, teste l’ouverture centralisée de la Chevrolet rouge garée devant chez lui. Des scènes de vie banales, une journée ordinaire, sauf pour les élèves de terminale pour qui, aujourd’hui, c’est le « skip day ». Une tradition qui perdure dans certains établissements aux États-Unis et qui autorise les aînés du lycée à sécher le lundi suivant le bal de promo. C’est un peu leur journée buissonnière. Et un motif de dépenses et de préparations ! Le film suit, à l’échelle d’une journée, un groupe de jeunes afro-américains – la communauté la plus importante de la ville et la plus pauvre aussi – qui sèchent les cours pour aller à la plage. Maquillage et cheveux lissés, bikinis neufs de circonstance et Mercedes-Benz de location, rien n’est laissé au hasard ! À voir les éclats de rires et l’excitation, on comprend qu’à l’image du bal de promo, c’est un temps fort dans la vie de ces ados.

Passée l’euphorie des préparatifs, le trajet vers la mer est silencieux. Le paysage défile derrière les lunettes Aviator ou leurs imitations, bercé par la voix de Beyoncé et des idoles RnB du moment. Progressivement, les machines agricoles s’effacent et avec elles, l’environnement quotidien de cette population rurale et modeste qui n’en a pas l’apparence. Pourtant, ces lycéens au look très urbain composent la population majoritaire de la petite commune de Pahokee qui, avec ses 6000 habitants, est connue pour abriter le « Miracle Village », un refuge pour délinquants sexuels et est régulièrement citée comme « the worst town in Florida ». C’est que la ville, isolée près des Everglades et éloignée des stations balnéaires, n’est pas un pôle attractif de la région. Et il faut compter 90 km pour que les groupes d’amis se retrouvent sur les dunes venteuses de la côte atlantique, dans la Floride du sable blanc et des palmiers.

Sur la plage, derrière les buildings du front de mer, le contraste est saisissant. La démarcation est invisible et pourtant bien réelle devant nos yeux. D’un côté, il y a ceux qui sont venus passer leurs vieux jours sous le soleil éternel, de l’autre, les lycéens venus y passer la journée. Les peaux fanées sur les chaises pliables qui tournent le dos à l’océan disent mieux que tous les discours le tropisme de la Floride et ses contradictions.

On reconnaît la signature des cinéastes Ivete Lucas et Patrick Bresnan, la réalisation sobre et efficace, l’économie de scènes et de dialogues. La caméra suit une bande de jeunes garçons et de jeunes filles à un moment charnière de leur vie, s’amuser dans l’eau claire, méditer sur leur avenir et aborder à demi-mot l’horizon de l’université encore lointain. Le film réussit, dans l’unité de temps d’une journée, à capter avec douceur cet entre-deux fragile et le basculement qui s’opère, inévitable. C’est cela qui est touchant dans le cinéma de ce couple à la vie comme à la caméra : la saisie de l’instant décisif. En observant intimement l’enthousiasme et les rituels de ces ados qui s’engagent vers la majorité avec insouciance, Skip Day est une nouvelle réflexion sur le passage à l’âge adulte.

Après The Send-off et The Rabbit Hunt, le film est un épisode de plus dans leur travail documentaire au long court, implanté sur leurs terres de prédilection, au sein d’une communauté qu’ils ont appris à connaître au fil des années et qui leur ouvre leur univers à un moment d’affirmation de leur identité. Le film a reçu le prix Illy du court-métrage à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes cette année. Et on est impatient de découvrir le documentaire réalisé à quatre mains et en cours d’achèvement, simplement intitulé Pahokee.

Emilie Sok

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S comme Skip Day

Fiche technique

Synopsis : Petit aperçu intime d’une journée très spéciale dans la vie des lycéens d’un quartier industriel des Everglades en Floride: le bal de fin d’année est passé, l’avenir est incertain, et l’irrésistible attraction de la plage fait que les amis de longue date parcourent 60 miles pour se poser dans le sable et profiter des vagues.

Genre : Documentaire

Durée : 17′

Pays : États-Unis

Année : 2018

Réalisation : Ivete Lucas, Patrick Bresnan

Image : Patrick Bresnan, Joaquin del Paso

Son : Eric Friend

Montage : Ivete Lucas

Production : Ivete Lucas, Patrick Bresnan, Maida Lynn

Article associé : la critique du film

Concours. Reprise des courts de la Semaine de la Critique

Comme tous les ans, la Cinémathèque reprend la sélection (courts et longs métrages) de la Semaine de la critique du Festival de Cannes. Pour accompagner cette reprise et vous permettre de voir les courts de Cannes, nous vous offrons 5 places pour chaque séance de courts métrages prévues ce week-end. Intéressé(e)s ? Contactez-nous !

Samedi 2 juin 2018, 19H30. Séance présentée par Léo Soesanto et Charline Bourgeois. 5 places à gagner !

« Schächer »

– Schächer de Flurin Giger (Suisse)

– Un jour de mariage (A Wedding Day) d’Elias Belkeddar (Algérie-France). Prix Canal+ du court métrage

– Tiikeri (The Tiger le tigre) de Mikko Myllylahti (Finlande)

– Pauline asservie de Charline Bourgeois-Tacquet (France)

– Rapaz (Raptor/Rapace) de Felipe Gálvez (Chili)

Dimanche 3 juin 2018, 19H30. Séance présentée par Léo Soesanto et Camille Lugan. 5 places à gagner !

« Ektoras Malo : I teleftea mera tis chronias »

– Ektoras Malo : I teleftea mera tis chronias (Hector Malot: The Last Day of the Year) de Jacqueline Lentzou (Grèce). Prix Découverte Leica Ciné du court métrage

– Ya normalniy (Normal) de Michael Borodin (Russie)

– Mo-Bum-Shi-Min (Exemplary Citizen) de Kim Cheol Hwi (Corée)

– Amor, avenidas novas de Duarte Coimbra (Portugal)

– La persistente de Camille Lugan (France)

Short Screens #82 : Révolutions : Mai 68 et au-delà

Mai 68 fut le témoin de révoltes qui eurent des incidences énormes sur l’ensemble de la société occidentale. 50 ans plus tard, Short Screens se laisse porter par ce vent contestataire et vous propose une sélection de courts métrages d’hier et d’aujourd’hui, où des femmes et des hommes indignés s’insurgent contre les injustices.

Rendez-vous le jeudi 31 mai à 19h30, au cinéma Aventure, Galerie du Centre, Rue des Fripiers 57, 1000 Bruxelles – PAF 6€

Visitez la page Facebook de l’événement ici !

PROGRAMMATION

La sixième face du Pentagone de Chris Marker & François Reichenbach, documentaire, France, 1968, 27′ (Les Films du Jeudi)

21 octobre 1967. Washington. Les opposants à la guerre du Vietnam marchent sur le Pentagone. Chris Marker et François Reichenbach sont présents. Des images qu’ils rapportent, Marker tire un film qui interroge le melting-pot américain et l’engagement politique de la jeunesse.

Que s’est-il passé en mai ? de Jean-Paul Savignac, documentaire expérimental, France, 1968, 17′(Les Films Xénia)

Juste après Mai 68, une caméra explore Paris en cherchant les signes qui témoignent des affrontements passés. Les images de pavés, de graffitis ou d’affiches arrachées, l’omniprésence des forces de l’ordre, des dessins d’enfants, tout se constitue en mémoire d’une ville où l’ordre règne.

Koro de Güldem Durmaz, fiction, Belgique, 2002, 13′ (Polymorfilms)

Dans un pays imaginaire, une visite en prison.

Battle for the Xingu de Iara Lee, documentaire, Brésil/Etats-Unis, 2009, 11′ (George Gund III)

Le long du fleuve Xingu, un affluent de l’Amazone, vivent plus de 10 000 indigènes dont la survie dépend de la rivière. Le gouvernement brésilien, pour développer la région, propose d’y construire un barrage hydro-électrique. Cette initiative mettrait en danger la biodiversité de son bassin mettant ainsi en péril le futur de ses habitants. En janvier 2009, plus de 100 000 Brésiliens se sont rassemblés à Belem pour le Forum social mondial, où les habitants du Xingu ont fait entendre leurs voix et ont assuré qu’ils ne laisseraient pas menacer la rivière et leur culture.

Article associé : la critique du film

Suleima de Jalal Maghout, animation, Syrie, 2014, 16′ (Studio Estaykazat)

Suleima, la quarantaine, soutient la révolution syrienne depuis le début. Elle décide de se séparer de son mari, qui désapprouve son engagement.

Mystère cannois

Hier, mardi 22 mai, avait lieu au Cinéma du Panthéon (Paris, 5ème) la reprise de la sélection de la Cinéfondation et des courts-métrages en compétition officielle à Cannes 2018. Deux séances organisées pour ceux et celles qui n’avaient pas pu voir les films sur la Croisette ce mois-ci et qui souhaitaient se rattraper pour découvrir les nouveaux talents mis en avant par les sélectionneurs de courts de Cannes.

Chaque année, les programmes de courts sont observés à la loupe par ceux qui s’y intéressent, qui travaillent dans ce secteur, qui repèrent les futurs gars et filles du long-métrage. Format Court en fait partie. Comme la Palme du long, celle du court est observée attentivement. Comme les sélections de longs, celles des courts sont attendues, décryptées, critiquées ou saluées. Cannes reste Cannes, quoi qu’on en dise.

N’ayant pas pu assister à la séance de la Cinéfondation, nous nous concentrerons sur la deuxième projection complète, malgré un jour de pluie. Une partie du jury (Bertrand Bonello en tête) et des réalisateurs sélectionnés (dont Charles William, réalisateur de All These Creatures, Palme d’or du court) étaient présents en début de séance.

Sur 3943 films reçus, le comité de sélection a retenu cette année seulement huit titres. La règle à Cannes, on le rappelle, est de sélectionner des films de 15 minutes maximum en sélection officielle. Tâche complexe tant on a vu ces dernières années des films formidables dépassant allègrement cette durée.

D’un autre côté, les sélectionneurs successifs du comité court ont découvert et mis en avant par le passé des films aussi jouissifs que Spiegel van Holland de Bert Haanstra (Pays-Bas), Rubicon de Gil Alkabetz (Allemagne), Flatlife de Jonas Geirnaert (Belgique), My Rabit Hoppy de Anthony Lucas (Australie), More than two hours et Il Silenzio d’Ali Asgari (Iran) ou Le Repas dominical de Céline Devaux (France).

Cette année, huit films donc ont retenu l’attention des sélectionneurs. Qu’en penser ? Tout d’abord, la dimension internationale propre à Cannes demeure bel et bien présente. Huit nationalités se côtoient dans cette sélection : Iran, Pologne, Chine, Japon, Philippines, France, Australie, Etats-Unis. C’est un vrai plus.

Après, une seule animation (III de Marta Pajek, Pologne) se débat comme elle peut face à 7 fictions et deux réalisatrices (Marta Pajek et Celine Held, co-réalisatrice de Caroline avec Logan George) peuvent toujours tenter de parler de parité aux 11 réalisateurs qui leur font face.

Les films maintenant. Le mystère, les belles et moins belles images, la tension, l’incompréhension et deux coups de cœur planent sur cette sélection.

Du mystère, on en trouve tout d’abord dans Gabriel, seul film français en compétition. Le film de Oren Gerner, réalisateur israélien produit par Why Not Productions, parle de la disparition d’un adolescent – Gabriel – et de la battue organisée en forêt pour le retrouver. De Gabriel, on n’entendra que le nom répété à tout-va, le film se focalisant sur l’un de ses camarades d’internat que l’on suit dans la forêt, seul, énigmatique. Sait-il quelque chose au sujet de Gabriel ? Est-il lié à sa disparition ? On ne sait pas, mystère et boule de pomme. Bon.

Tariki (Ombre) de Saeed Jafarian (Iran) suit également quelqu’un. Gabriel ? Non, une jeune femme à la recherche de son compagnon ayant disparu (décidément). Dans les ruelles sombres de la ville, elle l’appelle, ne trouvant rien ni personne sur son passage. Ah si, un homme (son compagnon ?) se met à grogner en l’apercevant, la rattrape et la drague. Elle sent bon, c’est parce qu’elle vient de prendre une douche. Bon.

Duality, film japonais réalisé par 5 auteurs, Masahiko Sato, Genki Kawamura, Yutaro Seki, Masayuki Toyota, Kentaro Hirase, commence très bien. Dans un supermarché, une jeune mère de famille hésite à prendre tel ou tel morceau de poisson qu’elle servira à déjeuner à son fils adolescent. À table, elle s’aperçoit qu’elle a reçu une lettre du père de ce dernier. Ranger le poisson, partir pour aller le voir (« Tu fais quoi dimanche ? »), permettre à son fils de faire sa connaissance. Une fois sur place, face à un groupe d’hommes, le fils hésite à s’avancer. À cet endroit, Duality comporte aussi un vague soupçon de mystère (on ne dira pas lequel), mais ce qui interpelle, c’est plus son image et ses petits gestes simples à la Kawase tels ces deux bonbons figés dans le creux d’une main maternelle. Et malheureusement, c’est tout. Les gros plans, le calme apparent de cette femme, ses sourires et ses secrets se sont déjà évaporés.

On se sent loin, très loin du film philippin Judgement de Raymund Ribay Gutierrez. L’histoire est celle de toutes les histoires. Une mère de famille porte plainte contre son compagnon drogué et violent qui l’a tabassée et qui s’en est pris aussi à sa petite fille de 4 ans. Pendant les 15 minutes du film, on suit à la manière d’un reportage filmé en temps réel toutes les étapes vécues par cette famille, du dépôt de plainte aux conséquences du procès. L’image pas terrible, le sujet mille fois traité et la chute n’arrivent pas à nous ramener au cinéma.

Voilà pour la moitié de la sélection peinant à décoller. Du côté des 4 films restants, on repère par contre des choses intéressantes. Commençons par les films primés. All These Creatures de Charles William, Palme d’or du court, évoque l’histoire d’un adolescent dont le quotidien est bouleversé par la maladie et la dépression de son père. Les petites bêtes, les démons intérieurs, le mal nous empêchant de respirer et d’aller de l’avant, est le sujet de ce film à l’image léchée, bien foutu, porté par un jeune comédien tout en puissance qui s’acquitte sans peine du job demandé, celui de faire intervenir des souvenirs fictionnalisés où la maladie, la mort, les bestioles réelles et imaginaires et la débrouille se cotoient. Le résultat, un film pas si mal, même si il lui manque ce quelque chose de percutant faisant la force d’un grand film.

Lauréat d’une Mention spéciale à Cannes, On the border de Wei Shujun parle d’errance. Celle d’un jeune Chinois désireux de se rendre en Corée du Sud dans l’espoir d’une vie meilleure. Entre espoirs et désillusions, il cherche son père et des nouveaux repères, en arpentant les rues à mobilette. Comme dans All These Creatures, les plans sont très beaux et la jeunesse est à son firmament. Ce qui interpelle en plus, dans ce film, c’est le travail de mise en scène et le dur retour à la réalité à l’image de ces néons de foires foraines et de ces salons de beauté clinquants qui s’éteignent brusquement. Pas mal.

Enfin, nos deux coups de cœur : Caroline de Celine Held et Logan George, venu des États-Unis, et III de Marta Pajek, film de nationalité polonaise. Commençons par Caroline, l’histoire certes déjà vue et revue d’enfants abandonnés par leur mère dans la voiture, le temps d’un entretien, sur un parking de supermarché, un jour de canicule. Ca fait beaucoup d’éléments scénaristiquement parlant, et pas des plus originaux à coup sûr.

L’aînée, Caroline, 6 ans, est en charge des clés de voiture en l’absence de sa mère. Allumer la climatisation, distraire son frère et sa soeur, jeter des coups d’oeil furtifs aux alentours, apaiser les tensions, Caroline sait faire. C’est sans compter la chaleur grandissante, le monde extérieur, les regards alertés des passants, les mains en visière sur les fenêtres, le déclic naturel d’appeler la police. Le court-métrage, pour la plupart filmé dans l’habitacle de la voiture, réussit à maintenir une tension palpable, entre les peurs, les pleurs, la sueur, les cris, les morsures. Caroline, le film parle simplement d’une expérience, d’un passage trop rapide, bousillé et bousculé à l’âge adulte, de la fin de l’innocence. Porté par une gamine épatante et une image là encore de feu, le film se singularise côté fiction. Un bon point.

Dernier film de cette sélection, évoqué plus haut : III de Marta Pajek, la révélation de cette sélection, celle qu’on attend d’un festival comme Cannes. Il s’agit du seul film d’animation présent dans cette compétition cannoise… Et quel film ! Difficile en réalité de parler d’histoire (on se raccroche du coup au synopsis qui parle de “rencontre soudaine entre un homme et une femme, d’acte hypnotique, de jeu de plaisir et de malaise”). Le film commence et finit par des lignes noires sur fond blanc, en mouvement, rythmées par une musique hypnotique. Une femme marche, en fourure noire. Elle s’approche d’un homme, quitte sa pelisse. Et.. Sans dévoiler le film, tout est caché, dissimulé, respiré, échangé, métamorphosé. Les murmures, les mouvements, le son, les grimaces, les tours de passe-passe, le désir, la répulsion, l’étrangeté, le mystère – on y revient – guident ce film hallucinant, éprouvant certes, mais porteur d’une vraie expérience cinématographique alliant l’innovation et le ressenti. En allant plus loin, III offre des corps démoniaques, une végétation abondante et angoissante, des peaux malaxées, des membres caressés, des engouffrements, de la destruction, de la création, de la musique étonnante, et surtout un final de plans dessinés, canons, instantanés géniaux et follement surréalistes. Notre Palme à nous.

Katia Bayer

After Short spécial Cannes, les photos !

Jeudi 3 mai 2018, avait lieu notre After Short consacré aux courts-métrages sélectionnés à Cannes. La soirée, organisée au Point Ephèmère (Paris, 10ème) en collaboration avec l’ESRA et Cinemads, a accueilli 7 équipes sélectionnées à Cannes, toutes sections confondues : Melissa Malinbaum, productrice de Gabriel (Why Not Productions, Sélection officielle), Laura Garcia et Anne-Laure Berteau, réalisateur et productrice de Fragment de drame (La Fémis, Cinéfondation), Nicolas Boone et Julien Naveau, réalisateur et producteur de Las cruces (Noodles Production, Quinzaine des Réalisateurs), Félix Imbert et Joanna Sitkowska, réalisateur et productrice de Basses (Le Grec, Quinzaine des Réalisateurs), Tiphaine Raffier et Manon Eyriey, réalisatrice et productrice de La Chanson (Année Zéro, Quinzaine des Réalisateurs), Charline Bourgeois-Tacquet et Igor Auzépy, réalisatrice et producteur de Pauline asservie (Année Zéro, Semaine de la Critique) et Camille Lugan, réalisatrice de La Persistente (Caïmans Productions, Semaine de la Critique).

Voici les photos de la soirée, prises par Manmzel.r.

 

La Nuit des sacs plastiques de Gabriel Harel

Cette année à la Quinzaine des Réalisateurs, il y a eu une étrange fête. Pour ce nouveau court métrage d’animation La Nuit des sacs plastiques, le réalisateur (et par ailleurs auteur et dessinateur) Gabriel Harel nous a conviés, non pas sur la Croisette, mais pas très loin, à Marseille. Il a fallu déchausser les talons aiguilles pour pénétrer dans un blockhaus au fond des calanques phocéennes. Attention, free party apocalyptique.

Agathe, elle, les a pourtant gardés, ses talons. À bientôt 39 ans, elle est obnubilée par son désir d’enfant. Déterminée, elle tente le tout pour le tout et part reconquérir le cœur de Marc-Antoine, son ex petit-ami alors bien occupé à ses activités nocturnes de dj. Cette fameuse nuit, il mixe dans les ténèbres technos d’une sombre free party. L’heure n’est pas exactement à la discussion, ni moins encore aux projets familiaux, et d’étranges créatures colorées ont décidé de jouer les trouble-fête.

Avec ce nouveau film d’animation en 2D, Gabriel Harel poursuit son exploration en noir et blanc de ces endroits désolés visités par la drogue et autres activités obscures, en empruntant cette fois-ci les sentiers graphiques de l’auteur de bande dessinée Grégoire Carlé (qui signe la conception des décors et ambiances du film). Dans son précédent court métrage  ̶ le remarqué Yùl et le serpent (Cartoon d’or 2016)  ̶ le trait, alors plus fin, animait deux frères en proie au conflit de loyauté devant la bêtise humaine, et déjà la couleur par petites touches annonçait la vengeance d’un ordre naturel contrarié. Le serpent jaune et vert se glissait entre pierres et herbes pour venir venger le petit frère trahi. En 2018, ce sont les sacs plastiques qui prennent les couleurs fluorescentes du strangulateur meurtrier pour venir attaquer leurs créateurs inconscients.

Le trait, plus gras, nous entraîne immédiatement dans l’univers graphique de la bande dessinée dont les vignettes sont mises en mouvement par la saccade de la techno ̶ musique originale composée par Etienne Jaumet ̶ et les flashs du stroboscope. Au cœur de la fête souterraine, le spectateur est alors entraîné dans un jeu d’images fixes de visages, de jambes, entrecoupés de noirs au rythme synthétique et nerveux de la musique assourdissante. La parole en souffre également, fragmentée par le bruit de la machine répétitive de la rave, renforçant l’incommunicabilité de ce couple qui n’est déjà plus depuis des mois. L’animation regagne par la suite en fluidité tout en conservant une légère saccade graphique qui en dit long sur le décalage entre les aspirations du royaume de la nuit de Marc-Antoine et les désirs maternels d’Agathe qui n’en démord pas, elle aura un enfant.

Comme le titre le laissait présager, La Nuit des sacs plastiques emprunte évidemment au film de genre -̶ plus précisément au film d’invasion ̶ où le monstre s’attaque à l’homme, le poursuit, l’enserre et le tue. Mais cette fois-ci, les morts vivants de Georges A. Romero ont laissé place à une créature d’une toute autre espèce … .

Le réel est là, tangible, dans la crise d’une presque-quarantenaire perdue dans les profondeurs des désirs d’une humanité droguée au synthétique. L’animation dérive d’abord dans un premier degré de réalité parallèle, celui de la rave, pour glisser définitivement dans le fantastique et le cauchemar d’anticipation écologique. Le monstre de polyéthylène n’étouffe plus seulement les mammifères marins, poissons et autres animaux, il s’attaque littéralement aux hommes. Le moment est venu, le grand dérèglement de l’ordre naturel vient frapper de ses lanières de pétrole la nuit marseillaise.

À ce titre, on ne peut s’empêcher de penser La Nuit des sacs plastiques comme un remake des Oiseaux d’Hitchcock, version désastre écologique. Agathe, en nouvelle Tippi Hedren, part à l’assaut de cette Bodega Bay marseillaise, et y déclenche un cataclysme non plus d’attaques ornithologiques, mais de sacs plastiques aux cris stridents. Tout y est, la barque pour fuir l’île maudite, ou encore la mythique scène de l’attaque dans le grenier.

Le désir le plus primaire qu’est celui de donner la vie s’est transformé en désir d’artificiel, poussé à son paroxysme au point de vouloir engendrer des monstres de pollution. Du haut de l’autel de la ruine humaine, Agathe enfante un nouvel ordre monstrueux d’angelots en plastique, illuminant le monde de la couleur de l’artifice.

Par cette fable apocalyptique, Gabriel Harel nous parle d’urgence sociétale et écologique dans une habile hybridation de la vignette de bande dessinée et du mouvement par la musique et le montage. Une expérience de free party hitchcockienne qui reviendra sans doute à l’esprit du spectateur quand, au hasard de son chemin jusqu’à la prochaine fête du samedi soir, il se prendra le pied dans la hanse diabolique d’un sac plastique.

Noémie Moutonnet

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N comme La Nuit des sacs plastiques

Fiche technique

Synopsis : Agathe, 39 ans, n’a qu’une obsession : avoir un enfant. Elle va retrouver son ex, Marc-Antoine, qui mixe de la techno dans les Calanques à Marseille. Alors qu’elle tente de le convaincre de se remettre ensemble, des sacs plastiques prennent vie et attaquent la ville.

Genre : Animation

Durée : 18′

Pays : France

Date : 2018

Réalisation : Gabriel Harel

Scénario : Gabriel Harel, Patricia Mortagne

Animation : Ève Ceccarelli, Laurent Moing, Hugo Bravo, Arianne Teillet

Voix : Anne Steffens, Damien Bonnard

Musique : Etienne Jaumet

Montage : Nicolas Desmaison

Son : Clair Cahu, Samuel Aïchoun

Décors : Grégoire Carlé

Production : Kazak Productions

Article associé : la critique du film

Palme d’or & Mention Spéciale à Cannes 2018

Cannes, fin. Côté courts, Bertrand Bonello et son jury ont décerné hier soir la Palme d’or 2018 au film All These Creatures de l’Australien Charles William, dont un précédent court, Home, se laisse voir sur sa page Vimeo. Retrouvez le trailer de All These Creatures ci-dessous.

Le Jury a également décerné une Mention spéciale au court métrage Yan Bian Shao Nian du réalisateur chinois Wei Shujun.

Pour info, les deux films (mais aussi l’intégralité des courts-métrages de la Sélection Officielle) seront diffusés ce mardi 22 mai  à 20h au Cinéma du Panthéon, en présence de Bertrand Bonello (président du jury de la Cinéfondation et des courts-métrages).  Tarif unique : 5 euros, cartes illimitées acceptées. La séance sera suivie d’un verre au Salon du Panthéon.

Les prix parallèles : Quinzaine/Semaine

En attendant les résultats de Cannes ce soir, voici ceux des sections parallèles.

À la Quinzaine des Réalisateurs, le court lauréat du Prix Illy est revenu au documentaire américain Skip Day, d’Ivete Lucas et Patrick Bresnan, dont nous proposions de découvrir il y a peu The Rabbit Hunt, le précédent court de Patrick Bresnan, visible en ligne. Une critique de Skip Day est à lire sur notre site.

À la Semaine de la Critique, deux films ont été distingués. Le film grec Ektoras Malo : I Teleftea Mera Tis Chronias de Jacqueline Lentzou a reçu le Prix Découverte Leica Ciné du court métrage. Pour info, un précédent court de la réalisatrice, Thirteen Blue, est visible sur la Toile. Autre prix : le film franco-algérien Un jour de mariage d’Elias Belkeddar a reçu le Prix Canal+ du court métrage.

Ces trois films (mais aussi les programmes complets de courts) seront diffusés à Paris notamment lors des reprises annuelles au Forum des images et à la Cinémathèque Française. On vous en reparle bientôt sur Format Court !

C comme La Chute

Fiche technique

Synopsis : Lorsque les habitants du ciel viennent contaminer ceux de la Terre, l’ordre du monde est bouleversé. C’est le début d’une chute tragique de laquelle naîtront les enfers et, à l’opposé, les cercles du paradis.

Genre : Animation

Durée : 14’

Pays : France

Date : 2018

Réalisation : Boris Labbé

Scénario : Boris Labbé

Musique : Daniele Ghisi

Production : Sacrebleu productions

Article associé : la critique du film

La Chute de Boris Labbé

Il est des films ou l’on pourrait aimer évoquer un syndrome de Stendhal cinématographique tant les formes et la beauté des mouvements nous imprègnent à travers les tableaux picturaux qui s’enchaînent.

La Chute, film de Boris Labbé réalisé à l’encre de Chine et à l’aquarelle a été présenté ces jours-ci pour la première fois en séance spéciale à la 57ème Semaine de la Critique à Cannes. Boris Labbé s’était notamment fait connaître par un court métrage d’animation en 2015, réalisé déjà à l’encre de Chine appelé Rhizome. Ce film laissait déjà entrevoir la finesse du détail et du mouvement ainsi que le travail des différentes nuances de gris qui s’installe comme une force primordiale dans le travail de ce réalisateur et animateur français né en 1987.

Dans La Chute, apparaissent des fleurs et un environnement en nuances de gris, parfois noir, parfois blanc. Une musique douce nous entraîne. Nous sommes, semble t-il dans un jardin d’Éden ou en tout cas dans un endroit qui y ressemble. Les couleurs parsemées par-ci par-là nous attirent, la musique au violon est prenante et lancinante. Les images en boucle se succèdent dans un décor étrange et attrayant. C’est le premier tableau.

Puis, surgissent les hommes dont la symbiose dans cette nature semble complète. Venant du ciel, des oiseaux ou des hommes apparaissent. La musique change de ton malgré une terre qui semble rester en harmonie, comme en apesanteur devant les malheurs qui pourraient arriver. Les fleurs mutent et les hommes se métamorphosent en mille couleurs. Ils se confondent dans les nuances de gris et de noir de l’encre de Boris Labbé. Ici, se dresse un deuxième tableau.

Tout semble être calme mais la présence étrange de cette douceur angoissante nous englobe littéralement et après l’image d’un paradis idyllique tout en symbiose, les limbes s’accordent dans une fresque plus dure et plus sombre. Une silhouette se structure comme dans un test de Rorschach ou l’on voit une forme jaillir et devenir un monstre inhumain. Le troisième tableau prend forme.

Le rouge du sang, le noir des ténèbres font place. La nature se désagrège et l’homme qui semblait en osmose ne l’est plus et ne se confond plus avec celle-ci. Il se mange, il est mangé, il se transforme et le fœtus qui semblait pouvoir naître en être humain n’est plus. Il n’est plus qu’une colossale bête humaine. Nous avons ici le quatrième tableau.

Évoquer une oeuvre-somme pour La Chute de Boris Labbé est un mot parmi les autres. Mais réduire ce film à une somme encyclopédique qui qualifierait d’œuvre abrégée du savoir des peintures du 15ème siècle plus magnifiques les unes que les autres, assujettirait le talent de Boris Labbé.

Le film s’inspire entre autres du peintre Jerôme Bosch (Le jardin des délices – 1504 ou La tentation de saint Antoine – 1506), ou encore plus globalement à L’Enfer de Dante. C’est toute l’influence de la peinture classique du 15ème siècle qui se retrouve confrontée ici, entre les différents stades de l’enfer qui s’enchaînent et la narration remarquablement exécutée du réalisateur.

Comprendre dans le détail ce court-métrage d’environ 13 minutes, c’est essayer de comprendre la contemporanéité des différents tableaux. Certes ici, l’influence des peintures anciennes et des tableaux des grands maîtres de la Renaissance est forte, mais ce film est bien différent de l’époque de Botticelli ou de Bruegel.

Dés les premières minutes du film, nous voyons l’osmose surprenante entre l’Homme et la nature, puis la domination importante de ce même Homme qui finit par être mangé par cette nature qu’il a voulu dominer.

Ne serait-ce pas une œuvre engagée, une ode à la folie des hommes réinterprétée, façon « global warming » du 21ème siècle ? Quoi qu’il en soit, Boris Labbé se réapproprie les codes picturaux bibliques pour les rétablir dans le style contemporain. Voir une œuvre du 15ème siècle avec des yeux du 21ème est toujours difficile à représenter mais ici, Boris Labbé réussit l’exercice avec brio et nous offre une œuvre originale.

Dans le graphisme surtout, la contemporanéité est présente. Les visages sont humains par leur forme mais non-humains par leur expression, ils ne font qu’un avec la nature. Un animal parmi d’autres. Un végétal parmi les plantes. Et la musique tantôt lancinante, tantôt apocalyptique ne nous y trompe pas et se mélange magnifiquement bien avec les dessins. On est subjugué par les émotions qu’elle nous procure.

Le tableau de Boris Labbé représente ici l’humain dans son entièreté. Celui qui mange et est mangé, celui qui domine et qui est dominé. La symétrie des tableaux qui s’enchaîne dans un travelling au rythme régulier ne donne pas le temps au spectateur de se reposer et chaque détail compte.

Par un système de boucle sur un cadre donné, Boris Labbé improvise et fait le lien dans un film magnifique et prenant, entre la peinture du 15ème siècle et aujourd’hui, entre les croyances de la fin du Moyen Âge et celle du 21ème siècle. Des nuances de gris pour des nuances d’émotions, de la douceur à la noirceur. De la stupeur à l’horreur.

Clément Beraud

Consulter la fiche technique du film

Voir la page Vimeo de Boris Labbé (comprenant plusieurs de ses anciens courts)

Cinéfondation 2018, le palmarès !

Le Jury de la Cinéfondation et des courts métrages présidé par Bertrand Bonello et composé de Khalil Joreige, Valeska Grisebach, Alanté Kavaïté et Ariane Labed, a annoncé ce 17 mai 2018 son palmarès lors d’une cérémonie salle Buñuel.

La sélection comprenait 17 films d’étudiants en cinéma choisis parmi 2 426 candidats en provenance de 512 écoles de cinéma dans le monde. 4 films ont été primés par le jury.

Premier Prix : El Verano del Leon Electrico (The Summer of the Electric Lion) de Diego Céspedes (Universidad de Chile)

Deuxième Prix ex-aequo :

Kalendar (Calendar) de Igor Poplauhin (Moscow School of New Cinema)

Dong Wu Xiong Meng (The Storms in Our Blood) de Shen Di (Shanghai Theater Academy)

Troisième Prix : Inanimate de Lucia Bulgheroni (NFTS)

Pour info, le palmarès de la Cinéfondation sera diffusé ce mardi 22 mai à 18h au Cinéma du Panthéon, en présence de Bertrand Bonello.  Tarif unique : 5 euros, cartes illimitées acceptées.

Films en ligne : 3 nouveaux courts liés à la Quinzaine

En attendant notre sélection critique des nouveaux courts de Cannes, Format Court vous propose de voir en ligne 3 précédents films de réalisateurs sélectionnés cette année avec leurs nouveaux courts à la Quinzaine des Réalisateurs.

Ils font partie des 10 courts-métragistes sélectionnés à la Quinzaine 2018 : Carolina Markowitz (O órfão), Patrick Bouchard (Le Sujet) et Patrick Bresnan (Skip Day, co-réalisé avec Ivette Lucas). (Re)découvrez  leurs précédents films !

Katia Bayer

Tatuapé Mahal Tower de Carolina Markowicz (Brésil)

Subservience de Patrick Bouchard (Canada)

The Rabbit Hunt de Patrick Bresnan (USA / Hongrie)

Love in vain de Mikko Myllylahti

Mikko Myllylahti, scénariste et réalisateur finlandais, est un ancien étudiant de la ELO Helsinki Film School. Kurjuuden kuningas (Love in Vain), son court-métrage d’école datant de 2009, met en scène le personnage de Jakke qui doit épouser – sans grande conviction – une jeune femme enceinte de lui.

Au travers du personnage de Jakke, Mikko Myllylahti traite le thème du passage à l’âge adulte. On se laisse aisément transporter dans son univers parce que ses idées parlent à tout le monde : les décisions, les responsabilités, l’égoïsme et l’empathie. Jakke est un jeune homme pris au piège par les conséquences de ses propres actes. Il doit choisir entre assumer son nouveau rôle de père et mari ou fuir la situation présente. Le réalisateur balance entre la tendresse qu’il a pour son personnage et la figure d’anti-héros de ce dernier, ce qui donne une saveur douce-amère particulière au film.

Love in Vain se distingue par le traitement poétique de cette situation plutôt commune d’un point de vue scénaristique. La poésie du film se traduit tout d’abord par la mise en scène de l’espace qui reflète l’espace mental de Jakke et qui s’agrandit peu à peu. L’utilisation très réfléchie de la musique souligne de façon élégante les silences du film qui servent aussi bien la narration que l’intention poétique de Myllylahti.

Ce film d’étudiant développe des enjeux forts que l’on retrouve dans son dernier film Tiikeri (Tiger), sélectionné cette année à la Semaine de la Critique à Cannes. On y retrouve toujours, d’un film à l’autre, de la douceur et de la poésie aux effets magiques.

Justine Hibon

2 nouveaux courts liés à Cannes 2018 à voir en ligne

Après vous avoir proposé 10 courts français liés à Cannes sur le site d’Unifrance, Format Court vous invite à découvrir deux précédents films de réalisateurs étrangers présentant leurs nouveaux courts cette année à Cannes, en compétition officielle.

Ils présentent leurs nouveaux courts en compétition officielle : Marta Pajek avec Impossible Figures and other stories, Celine Held et Logan George avec Caroline. (Re)découvrez leurs précédents films !

Sleepincord de Marta Pajek (Pologne)

Mouse de Celine Held et Logan George (États-Unis)

Retour sur Chalon Tout Court 2018

  1. Fin mars, la petite ville de Chalon-Sur-Saône présentait la 9ème édition de son festival annuel de courts-métrages étudiants : Chalon Tout Court. Festival à petite échelle, Chalon Tout Court permet une réelle rencontre entre professionnels du cinéma, jeunes réalisateurs, cinéphiles et curieux dans une ambiance des plus familiales et conviviales. C’est aussi l’occasion de découvrir des courts-métrages d’étudiants venant des quatre coins du monde : Danemark, Finlande, Belgique, Allemagne, Espagne, Argentine, Mexique, Venezuela… La pluralité des provenances et des écoles représentées permet de découvrir un éventail de films très variés dont les suivants ont été repérés par Format Court.

Déjà récompensé dans de nombreux festivals et notamment à Annecy par le Cristal du meilleur film étudiant, Sog est un film d’animation allemand. Jonathan Schwenk, étudiant à l’Offenbach University of Art and Design, nous présente un peuple de créatures vivant dans une grotte. Après une inondation, des poissons se retrouvent coincés dans un arbre à proximité et, de peur de mourir desséchés, poussent des cris d’effroi dans l’espoir d’être sauvés. Mais les habitants de la grotte s’avèrent insensibles à la détresse des poissons et, agacés par le bruit, deviennent même cruels à l’égard de ceux-ci. Ici, la violence et la bêtise ne sont rien d’autre qu’un remède à l’ennui et ressemblent curieusement à la violence et la bêtise des hommes. Alternativement mystérieux, drôle et émouvant, Sog se distingue par sa technique. L’animation mixte (marionnettes, ordinateur 3D, prises de vues réelles, …) utilisée ici et la musique, parfois oppressante, lui confèrent une couleur et une texture toute particulière. Cet univers, auquel s’ajoute l’allégorie, rend le film très touchant.

Réalisé par Wenqian Gao, Xue Bing et Son Jixiang, trois étudiants chinois des Beaux-Arts de Paris, Peacock (Le Paon) est un court-métrage d’animation expérimental. Onirique et surréaliste, son animation peut faire penser à des tableaux de Dali et de Magritte ou encore à ceux de Takeshi Kitano dans Hana-Bi. Corps sans têtes, machines incroyables et animaux extraordinaires : un bal de créatures semblant tout droit sorties d’un rêve s’offre à nous. Les formes et les couleurs se succèdent dans une chorégraphie envoutante et obnubilante. Tout s’enchaîne comme le fil des pensées et, dès la première minute, nous sommes transportés, happés par la musique et ces projections merveilleuses.

Ce film d’école aux airs d’introspection et de méditation est inspiré du taoïsme. Si il semble absurde au premier abord, il propose une réflexion sur la vie et la société ainsi que sur notre appréhension du monde. Les hommes, ici représentés en pyjama car dans le monde du rêve, s’échangent des paroles pour finalement tous dire la même chose. Ils répètent les mêmes schémas et se façonnent la tête mutuellement. La synchronisation est parfaite et, dans ce rêve chorégraphié, l’orchestre de l’humanité suit son cours.

Documentaire allemand récompensé à Chalon par le Prix Découverte, Find Fix and Finish ne laisse pas indifférent. Dans ce film à la fois original, audacieux et puissant, Mila Zhluktenko et Sylvain Cruiziat, étudiants à l’University of Television and Film de Munich, nous projettent en altitude grâce aux témoignages de trois pilotes de drones militaires américains. Passant leurs journées à observer les gens, leur perspective est radicalement différente de la nôtre. Ce voyeurisme est aussi dérangeant que passionnant et le film nous ouvre les yeux sur cette réalité qu’on ne soupçonne pas. C’est une autre façon de faire la guerre, mais également de voir la vie et de se positionner face à l’humanité. Les hommes se transforment en pixels et la vie est derrière l’écran. À suivre les mêmes individus filmés de si loin et pourtant de si près, en ayant autant de pouvoir sur eux, on finit par s’interroger. S’attache-t-on à eux ou devient-on complètement indifférent à leurs égards ? Entièrement filmé au drone, ce court-métrage permet une réelle expérience d’immersion dans la peau de ces militaires. Leurs témoignages, des plus touchants, en font une expérience bouleversante.

Ces trois exemples sont issus de la programmation riche et éclectique de Chalon. Parallèlement aux projections, le festival, se déroulant majoritairement dans le Conservatoire de la ville, reste grandement centré sur la musique. Cette année, un large éventail d’activités en lien avec la musique au cinéma était proposé aux spectateurs : un atelier de création sonore animé par Serge Rouquariol (ingénieur son) pour les jeunes de la région, un ciné-concert de François Raulin (pianiste et compositeur) et enfin une conférence de Thierry Jousse (réalisateur et animateur d’émissions sur la musique sur France Inter et France Culture), invité d’honneur et président du jury professionnel.

En combinant projections, rencontres et activités musicales, le festival de Chalon propose une expérience variée et s’adresse à un public de tout âge aussi bien amateur que professionnel. Les festivals de courts-métrages étudiants comme celui-ci ou encore celui de Poitiers (Poitiers Film Festival) ne peuvent qu’être encouragés. Il est fondamental de permettre aux films d’écoles d’être visualisés par le plus grand nombre. Grand laboratoire du cinéma, le court-métrage étudiant donne la parole à toute une génération de jeunes cinéastes. C’est aussi l’opportunité pour ces jeunes réalisateurs d’avoir des retours sur leur travail et parfois de lancer leur carrière. Enfin c’est une invitation pour tous ceux qui n’ont pas encore eu la force de passer à l’acte de se lancer. C’est pourquoi les initiatives comme celles de Chalon Tout Court sont louables. À Chalon, c’est toute la ville qui peut, le temps d’un week-end, se tourner gratuitement et collectivement vers le cinéma : atelier pour les jeunes de cité, ciné-gouter pour les enfants, participation et implication des étudiants de l’école d’art et des élèves du conservatoire… Voilà bientôt 10 ans que Chalon se mobilise grâce à la ténacité de certains acteurs. C’est un exemple que pourrait suivre de nombreuses autres villes. En attendant, on ne peut qu’encourager toute l’équipe de Chalon Tout Court à poursuivre ses efforts pour l’anniversaire des 10 ans du festival les 4, 5 et 6 avril 2019 !

Juliette Lytovchenko

Consulter le site du festival Chalon Tout Court

10 courts liés à Cannes, visibles grâce à UniFrance

À l’occasion du Festival de Cannes 2018, UniFrance met en valeur 10 courts métrages réalisés par 10 réalisateurs présentant actuellement leurs nouveaux films sur la Croisette. Le visionnage ouvert et gratuit a lieu du 8 au 19 mai (avec des sous-titrages en anglais en option).

Ils présentent cette année leurs nouveaux films en compétition officielle (Éva Husson), à la Semaine de la Critique (Bertrand Mandico, Camille Lugan, Boris Labbé) à la Quinzaine des Réalisateurs (Marie Monge, Nicolas Boone, Gabriel Harel, Emma De Swaef, Romain Gavras) ou à l’ACID (Ombline Ley). (Re)découvrez  leurs courts métrages !

« Marseille la nuit » de Marie Monge

Katia Bayer

Those For Whom It’s Always Complicated de Éva Husson (Kidam)
Rhizome de Boris Labbé (Sacrebleu Productions)
Prehistoric Cabaret de Bertrand Mandico (Ecce Films)
Karama Karama de Camille Lugan (La fémis)
Marseille la nuit de Marie Monge (10:15 Productions)
Hillbrow, de Nicolas Boone (Tournage 3000)
Oh Willy… de Emma De Swaef (Polaris Film Production & Finance)
Jamie XX – Gosh de Romain Gavras
Yùl et le serpent de Gabriel Harel (Kazak Productions)
Cavernicole de Ombline Ley (EnsAD – École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs)

Rencontres pros Format Court/Musique, les photos

Vous avez raté notre 5ème Rencontre pro spécial Musique, jeudi passé ? Voici les photos signées Manmzel.r. Nos invités, ce soir-là, étaient Céline Devaux (réalisatrice de « Gros chagrin »), Daniel Sauvage et Jérôme Barthelemy (producteurs de « Pépé le morse », Caïmans Productions) et Marion Desseigne-Ravel (réalisatrice de « Les Ormes »). Nous vous donnons très vite rendez-vous pour nos prochaines Rencontres et notre nouvel After Short spécial Cannes ce jeudi 3 mai.

Concours. Quinzaine des Réalisateurs. Les jeunes années 1967-1975

En prévision du Festival de Cannes et de notre After Short dédié au festival ce jeudi 3 mai au Point Éphémère (Paris 10ème), Format Court vous offre 5 exemplaires du livre Quinzaine des Réalisateurs. Les jeunes années 1967-1975 écrit par Bruno Icher, ancien journaliste à Libération et à Télérama et membre actuel du comité de sélection de la Quinzaine. Particularité : l’ouvrage est illustré par Benoît Grimalt, dessinateur et cinéaste (on lui doit le fameux court-métrage Retour à Genoa City, sélectionné à la même Quinzaine l’an passé).

Le livre, édité chez Riveneuve et sorti en librairie le 15 mars dernier, relate l’histoire de « l’autre festival », créé en margé de l’officiel en 1969 et géré pendant 30 ans par Pierre-Henri Deleau, animateur d’un ciné-club lillois à ses débuts. La Quinzaine, terre d’asile de nombreux cinéastes éloignés des académismes de leurs pays, a fait beaucoup pour le bon cinéma du monde, qu’il soit français,  italien, américain, asiatique, africain, etc. Il était temps qu’un livre rende hommage à l’histoire de la section qui leur a fait de la place à Cannes, d’autant plus que la Quinzaine fête ses 50 années d’existence cette année.

Si vous désirez vous procurer un exemplaire de cet ouvrage passionnant revenant sur les débuts et l’histoire de la Quinzaine des Réalisateurs, sachez que nous avons 5 exemplaires à vous offrir. Intéressé(e)s ? Contactez-nous !